Une enquête de l’ULCC révèle des anomalies dans les déclarations de patrimoine d’Aviol Fleurant et demande des poursuites…

Aviol Fleurant, avocat, ex-ministre de la Planification...

PORT-AU-PRINCE, mardi 3 septembre 2024 – L’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) a dévoilé des anomalies importantes dans les déclarations de patrimoine d’Aviol Fleurant, ancien Ministre de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE). Cette enquête fait suite à une pétition signée par plus de 4 900 citoyens réclamant une vérification détaillée de la gestion patrimoniale de M. Fleurant durant son mandat.

Conformément aux articles 11 et 12 du décret du 8 septembre 2004 établissant l’ULCC, une commission a été constituée pour examiner la véracité des informations contenues dans les déclarations de patrimoine de M. Fleurant et pour identifier tout bien meuble ou immeuble constituant son patrimoine réel. L’objectif était de détecter d’éventuels cas d’enrichissement illicite et de transmettre les résultats aux autorités compétentes en vue de poursuites si nécessaire.

L’analyse des formulaires de déclaration de patrimoine, tant d’entrée que de sortie de fonction, a révélé plusieurs irrégularités. La déclaration d’entrée de fonction, datée du 18 décembre 2017, est arrivée bien après la nomination de M. Fleurant le 24 mars 2016, alors qu’elle aurait dû être soumise dans les trente jours suivant la prise de fonction, selon l’article 8 de la loi du 12 février 2008. La déclaration de sortie de fonction a, quant à elle, été produite le 27 octobre 2020, soit vingt-quatre mois après le départ du poste.

Les déclarations de patrimoine étaient également incomplètes et erronées. En ce qui concerne les comptes bancaires, M. Fleurant avait déclaré en posséder trois comptes d’épargne et deux comptes courants. Cependant, l’enquête a révélé que les époux Fleurant avaient en réalité seize comptes bancaires, dont sept en gourdes et neuf en dollars américains, enregistrés au nom de M. Fleurant, de sa conjointe ou de leurs sociétés.

Les informations sur les bijoux déclarés par M. Fleurant étaient également divergentes. Alors qu’il avait affirmé avoir acquis plusieurs articles précieux, y compris des chaînes en or et diamant, des boucles d’oreilles, des lunettes, des montres, un bracelet, ainsi qu’une vinerie et de l’argenterie, les détails de la déclaration de sortie de fonction ne correspondaient pas à ceux de la déclaration d’entrée, en particulier en ce qui concerne le nombre et la valeur des chaînes en or et diamant.

L’enquête a également mis en lumière des anomalies financières majeures. Entre mars 2016 et décembre 2018, les comptes bancaires des époux Fleurant ont enregistré des dépôts totalisant 100,204,240.72 gourdes, alors que leurs revenus légitimes durant cette période étaient de 29,695,456.53 gourdes. Cette disparité indique une augmentation excessive de leur patrimoine.

Par exemple, le compte BNC numéro 2610024047, ouvert le 9 décembre 2016 au nom de Mme Ludmia Toussaint, a reçu un dépôt initial de 548,030.26 gourdes, suivi de deux autres dépôts en espèces totalisant 414,165.31 gourdes. Le compte numéro 33000121277 à la Banque de l’Union Haïtienne (BUH), ouvert le 27 septembre 2010 au nom des époux Fleurant, n’a enregistré aucune transaction pendant la période d’enquête, mais des frais de service de 3,795.00 gourdes ont été prélevés. Le solde antérieur au 1er mars 2016 était de 4,071.59 gourdes.

Le compte numéro 140-2015-02729407 à la UNIBANK, ouvert le 24 avril 2001 au nom des époux Fleurant, a reçu des dépôts totalisant 35,186,590.07 gourdes, dont la majorité en espèces. Le compte numéro 33000129254 à la BUH, ouvert le 8 juillet 2016 au nom de Mme Ludmia Toussaint, a reçu des dépôts de 4,835,188.09 gourdes. Le compte numéro 2601142652 à la SOGEBANK, ouvert le 8 février 2013 au nom de M. Aviol Fleurant, a vu des dépôts totalisant 7,055,213.00 gourdes, dont 6,961,071.00 gourdes en espèces.

Le compte numéro 250-1011-01378216 à la UNIBANK, ouvert le 9 avril 2016 au nom de M. Fleurant, a reçu un dépôt initial de 6,175.00 gourdes. Aucune transaction n’a été effectuée sur ce compte, et le solde au 30 décembre 2018 était de 6,532.50 gourdes. Le compte numéro 250-1021-01429033 à la UNIBANK, ouvert le 20 janvier 2017 au nom du CABINET FLEURANT, a reçu des dépôts en espèces totalisant 11,557,000.00 gourdes. Le compte numéro 19000015841 à la BUH, ouvert le 27 décembre 2018 au nom de la firme « BUSINESS ADVOCATES », a enregistré un dépôt d’ouverture de 14,000.00 gourdes avec des prélèvements uniquement pour frais de service.

Enfin, le compte numéro 1106003526 à la SOGEBANK, ouvert le 6 août 2015 au nom du groupement politique « NOUVELLE HAITI », a reçu un dépôt initial de 5,000.00 gourdes et un montant de 1,225,461.82 gourdes via la Banque de la République d’Haïti (BRH) pour des fonds alloués par le Conseil Electoral Provisoire (CEP). Le solde au 31 décembre 2018 était de 1,206,211.82 gourdes.

En résumé, les dépôts effectués par les époux Fleurant sur l’ensemble des seize comptes bancaires pendant la période de mars 2016 à décembre 2018 ont totalisé 100,204,240.72 gourdes, tandis que leurs revenus légitimes sur la même période s’élevaient à 29,695,456.53 gourdes. La valeur totale de leur patrimoine, y compris l’achat de deux propriétés à Péguy-Ville pour 75,000.00 dollars américains, atteint 104,902,795.82 gourdes, soit plus de trois fois leurs revenus légitimes.

M. Aviol Fleurant a tenté de justifier l’origine des fonds en évoquant un incendie présumé de son cabinet d’avocat, une explication jugée non crédible par le procès-verbal du Juge de Paix. De plus, l’achat de terrains à Péguy-Ville pour 42,000.00 et 35,000.00 dollars américains n’a pas été correctement justifié. Fleurant a également produit une fausse déclaration définitive d’impôts, omettant de déclarer les revenus totaux de 400,000.00 gourdes par mois comme honoraires d’avocat, entraînant un manque à gagner pour le fisc de 2,788,467.78 gourdes sur la période considérée.

La Commission recommande l’engagement de poursuites publiques contre M. Aviol Fleurant pour fausse déclaration de patrimoine et enrichissement illicite, ainsi que l’audit de sa gestion ministérielle et la correction de ses déclarations fiscales.

 

RÉSUMÉ EXÉCUTIF DU RAPPORT D’ENQUÊTE SUR LE PATRIMOINE DE MONSIEUR AVIOL FLEURANT