« Une attaque inacceptable contre des civils : la responsable de l’OCHA alerte sur la situation humanitaire à Kenscoff »…

Ulrika Richardson, Coordonnatrice résidente et humanitaire des Nations-Unies...

KENSCOFF (Ouest), mardi 18 février 2025La coordonnatrice résidente des Nations Unies et coordonnatrice humanitaire en Haïti, Ulrika Richardson, s’est déclarée profondément consternée par la récente attaque armée qui a visé un service vital pour la population à Kenscoff. « Il ne s’agit pas seulement d’une attaque contre un bâtiment, mais contre des Haïtiens qui ne peuvent accéder aux services de santé vitaux dont ils ont urgemment besoin », a-t-elle dénoncé. Insistant sur le fait que les infrastructures et le personnel médicaux ne sauraient en aucun cas être des cibles légitimes, elle a appelé à la protection immédiate des établissements de santé et de l’aide humanitaire.

Cette déclaration fait écho au rapport publié par l’Office de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), couvrant la période du 1er au 7 février 2025, qui met en lumière l’ampleur des violences et leurs conséquences dramatiques sur la population civile.

Selon ce rapport, la zone métropolitaine de Port-au-Prince demeure l’épicentre des violences armées et de l’instabilité, entraînant un déplacement massif de populations.

À Kenscoff, les attaques des 27 et 28 janvier ont provoqué le déplacement de 3 139 personnes, regroupées en 632 ménages. « La majorité d’entre elles, soit 66 %, ont trouvé refuge auprès de proches, tandis que 34 % ont été contraintes de s’installer dans quatre sites spontanés », précise l’OCHA. Malgré l’insécurité ambiante, la réponse humanitaire s’est organisée rapidement pour tenter d’apporter une assistance aux populations touchées.

L’évaluation des besoins en abris et biens non alimentaires a été réalisée dans les jours suivant l’attaque, permettant la distribution de 1 270 kits d’abris d’urgence et de première nécessité aux ménages déplacés. « La coordination et la gestion des sites de déplacés se poursuivent avec des visites régulières effectuées dans plusieurs abris d’urgence », indique le rapport.

Parmi ces sites, l’Institution mixte de Salem héberge 197 familles (719 personnes), tandis que l’Institution mixte Jean Marie César accueille 581 familles (2 909 personnes). L’École mixte fondamentale CECODE, l’Institution mixte frère Anald, l’Institution Siffrant Michel, le Ministère de la Communication et le site KID accueillent également des déplacés. Une formation sur la gestion des sites, impliquant 26 participants issus de diverses organisations humanitaires, s’est achevée le 5 février afin de renforcer la capacité de prise en charge des 90 000 déplacés internes que compte actuellement la zone métropolitaine de Port-au-Prince.

L’aide humanitaire s’est également concentrée sur l’approvisionnement en eau potable et les mesures d’assainissement. Selon l’OCHA, « l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a distribué 205 632 mètres cubes d’eau sur cinq sites et procédé au contrôle de la qualité de l’eau dans les réservoirs de stockage et les foyers ».

L’accès à l’éducation demeure un défi majeur, mais 741 enfants, dont 339 filles et 402 garçons, ont pu être intégrés à un programme de scolarisation mis en place par l’ONG OCCED’H avec l’appui de l’UNICEF. Par ailleurs, 1 529 personnes, dont 1 293 élèves et 236 adultes, ont bénéficié d’un soutien psychosocial.

Sur le volet de la protection, 854 enfants déplacés, dont 487 filles, ont reçu une aide en santé mentale. « Seize survivantes de violences basées sur le genre ont été prises en charge et hébergées grâce au soutien d’OFAVA et de l’UNICEF », note le rapport. Des campagnes de sensibilisation ont touché 193 personnes, parmi lesquelles 127 filles et femmes, tandis que 49 individus ont reçu des kits de dignité. Le Bureau du bien-être social et des recherches (IBESR) a identifié huit enfants non accompagnés, dont six filles, et a pu réunifier deux d’entre eux avec leur famille.

La malnutrition est une préoccupation majeure, exacerbée par les conditions précaires dans les camps de déplacés. L’OCHA souligne que « l’UNICEF et le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) ont poursuivi la détection et la prise en charge des cas de malnutrition aiguë ».

Les cliniques mobiles de Gheskio ont évalué 729 enfants, détectant un cas de malnutrition sévère et huit cas de malnutrition modérée, tous pris en charge immédiatement. Parallèlement, 269 aidants, dont des femmes enceintes et allaitantes, ont été sensibilisés aux bonnes pratiques alimentaires. Pour renforcer la réponse nutritionnelle, « l’UNICEF a livré 250 cartons d’aliments thérapeutiques à Médecins du Monde – Argentine », précise le rapport.

L’accès aux soins médicaux reste un défi de taille, mais selon l’OCHA, « l’OIM est parvenue à fournir des services de santé et un accompagnement psychosocial à 9 205 personnes déplacées ». Dans un contexte où l’alimentation est une urgence quotidienne, le Programme alimentaire mondial (PAM) a distribué 106 781 repas chauds, bénéficiant à 16 277 personnes. Les victimes des violences de Kenscoff ont reçu des repas d’urgence alors que des milliers de familles tentent de survivre dans une précarité extrême.

Face à l’intensification des attaques armées et à l’effondrement des services essentiels, la réponse humanitaire se heurte à de nombreux obstacles, notamment sécuritaires. L’urgence de la situation a poussé plus de 50 organisations humanitaires à rencontrer la mairie de Port-au-Prince afin d’évaluer les défis liés à l’intervention et à la coordination des secours. Ulrika Richardson, dans son appel à la protection des infrastructures médicales et humanitaires, rappelle que « les établissements et le personnel médicaux ne sont pas, et ne pourront jamais être, des cibles légitimes ».

Pourtant, la multiplication des violences met en péril chaque jour davantage la survie des populations les plus vulnérables, dans un contexte où l’État haïtien peine à rétablir un semblant d’ordre et de protection pour ses citoyens.