SAINT-DOMINGUE, dimanche 23 juillet 2023– Le président dominicain, Luis Abinader, a ordonné l’interdiction d’entrée République Dominicaine à deux citoyens haïtiens, Juvenet Davance, alias « Pastor Coco », et Francis Cinéus, un suspect dans l’assassinat du président Jovenel Moïse, selon un rapport du RNDDH.

Abinader justifie sa décision par l’application de l’article 128 de la constitution dominicaine et de l’article 15 de la loi générale sur les migrations et son règlement d’application qui permettent d’empêcher l’entrée sur le territoire national d’étrangers ayant un casier judiciaire ou qui, de l’avis des autorités compétentes, constituent une menace pour la sécurité nationale et les intérêts de la République.

Cette nouvelle mesure porte à 54 le nombre d’haitiens sanctionnés par le gouvernement dominicain.

Aucune précision spécifique n’a été fournie sur ce qui est reproché exactement aux deux individus.

Jusque-là, Juvenet Davance est considéré comme un illustre inconnu. On n’a aucune précision sur son passé. Quant à Francis Cinéus, son nom est cité dans l’enquête de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) comme ayant participé à l’assassinat du président Jovenel Moïse.

Considéré comme un suspect dans l’assassinat de Moïse, Cinéus a toujours fait figure d’intouchable dans cette affaire. Il ne s’est jamais inquiété. Jusqu’ici, il n’a toujours pas été poursuivi en justice.

Au contraire, peu après que la DCPJ ait transmis son rapport d’enquête au parquet de Port-au-Prince, il s’était enfui en République Dominicaine où il aurait trouvé refuge, selon un rapport rendu public par le réseau national de défense des droits humains (RNDDH) sur l’enquête en cours six mois après le meurtre du président Moïse.

Cinéus était en contact avant, pendant et après l’assassinat du Président Moïse avec Rodolphe Jaar, qui a été arrêté en République Dominicaine et extradé aux Etats-Unis où il a été condamné à perpétuité par la justice américaine.

« Certains éléments influents du pouvoir en place auraient tout fait pour éviter d’arriver sur cet homme et d’autres individus accusés d’implication présumée dans le meurtre de l’ancien président », souligne le rapport.

Selon le document du RNDDH, Cinéus entretenait de solides liens avec Joseph Félix Badio, lui aussi accusé d’implication présumée dans l’assassinat du président.

Considéré comme l’un des cerveaux et planificateurs de l’assassinat de l’ancien Moïse, Joseph Félix Badio était en contact permanent avec de nombreuses personnalités politiques, de la société civile, du monde religieux, du gouvernement, de la police nationale entres autres, depuis plusieurs mois jusqu’au jour du drame du 7 juillet 2021, selon ce que démontre le document de 124 pages de la DCPJ.

Des contacts de Badio, certains ont déjà été arrêtés dans le cadre de l’enquête en cours sur l’assassinat de Jovenel Moïse. D’autres sont en cavale et font l’objet de mandats d’amener émis par le parquet de Port-au-Prince. Cependant, aucun de ces mandats n’a été exécuté.

Cependant, d’autres contacts de Joseph Félix Badio avec lesquels il communiquait depuis plusieurs mois et sur une base permanente, et soupçonnés d’implication présumée dans le meurtre du 7 juillet 2022, n’ont jamais été auditionnés par la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) ni par un juge d’instruction.

C’est le cas de Francis Cinéus et Ariel Henry, par exemple, a fait remarquer le rapport du RNDDH, précisant que ces derniers étaient constamment en communication avec Joseph Félix Badio qui, au moins deux reprises, a nié toute implication dans le meurtre de Moïse, dans des notes vocales diffusées sur les réseaux sociaux.

E’’ntre mai et juillet 2021, Francis Cinéus était en contact avant, pendant et après l’assassinat du Président Jovenel Moïse avec Rodolphe Jaar et il se sont parlé 203 fois au cours cette période’’, selon le document du RNDDH.

‘‘Joseph Félix Badio et Cinéus ont parlé au moins 290 fois de mai à juillet. Ils se seraient parlé le jour de l’assassinant de Jovenel Moïse, tôt dans la matinée du mercredi 7 juillet, selon l’enquête de la DCPJ.

Peu de temps après l’assassinat du président, Francis Cinéus, aurait été géolocalisé à Pétion-Ville, le 7 juillet 2021 à 2 heures 04 du matin, ensuite dans les parages du Palais National à 2 heures 29, a ajouté le rapport de la DCPJ.

« Curieusement, la tête de Francis Cinéus n’a pas été mise à prix. Et il n’a jamais été invité au cabinet d’instruction », a déploré le RNDDH.