NAIROBI, vendredi 17 mai 2024– Un parti d’opposition kényan, la Thirdway Alliance Kenya (Alliance de la Troisième Voie du Kenya), a déposé une nouvelle plainte pour empêcher le gouvernement d’envoyer des policiers kenyans en Haïti.
Les dirigeants du parti, Ekuru Aukot et Miruru Waweru, ont présenté la plainte hier jeudi, arguant que le gouvernement avait “ignoré de manière flagrante” une ordonnance de justice de janvier interdisant ce déploiement, jugé inconstitutionnel et illégal.
Les requérants ont présenté une motion sollicitant plusieurs ordonnances de la cour, y compris une déclaration urgente que les agents publics impliqués ont violé la Constitution et sont inaptes à occuper des fonctions publiques. Ils demandent également que les responsables concernés soient emprisonnés pour outrage à la cour pour ne pas avoir respecté les ordres judiciaires antérieurs interdisant ce déploiement.
Le cœur de l’affaire réside dans l’illégalité alléguée du déploiement des policiers kenyans en Haïti, sans conformité aux sections 107 et 108 de la loi sur le service national de police et en dépit des ordres de la cour. Les requérants ont affirmé qu’Haïti n’a pas formulé de demande officielle ni signé un accord bilatéral avec le Kenya pour un tel déploiement, en plus de l’absence de gouvernement et de parlement fonctionnels en Haïti pour ratifier un tel accord.
Les actions des autorités kenyanes, notamment le Président William Ruto et plusieurs hauts fonctionnaires, sont perçues comme un mépris flagrant pour l’autorité judiciaire, compromettant ainsi la mise en œuvre de la justice. La cour est appelée à intervenir d’urgence pour maintenir son autorité et restaurer la confiance du public dans le système judiciaire.
La plainte affirme également que les pétitionnaires étaient “fiablement informés” que le déploiement kényan pourrait avoir lieu au plus tard le 23 mai, soulignant ainsi l’urgence de cette démarche.
La force multinationale soutenue par l’ONU, dirigée par le Kenya, a pour mission d’aider la police haïtienne à neutraliser les gangs armés qui mettent Haïti, un pays en proie à l’insécurité, l’escalade de la violence criminelle et l’instabilité politique,.
Selon les informations, le déploiement attendu d’un premier contingent de policiers kényans coïnciderait avec une visite du président William Ruto à Washington, où il doit rencontrer le président américain Joe Biden le 23 mai. Une source haïtienne avait indiqué début mai que 200 policiers kényans étaient attendus à cette date.
En juillet 2023, le Kenya s’est engagé en juillet dernier à déployer jusqu’à 1 000 personnels en Haïti, une offre saluée par les États-Unis et d’autres nations.
Cependant, la mission fait face à des défis juridiques. En janvier, la Haute Cour du Kenya a statué que le Conseil national de sécurité, qui avait autorisé le déploiement, n’avait le pouvoir d’envoyer des militaires à l’étranger, mais pas des policiers.
Se prononçant sur une autre plainte déposée par Aukot, le juge avait déclaré que le Kenya ne pouvait déployer des policiers à l’étranger qu’en vertu d’un accord réciproque. Un tel accord a été signé le 1er mars en présence de Ruto et du Premier ministre haïtien d’alors, Ariel Henry, en visite au Kenya.
Cependant, la plainte de la Thirdway Alliance accuse les autorités, y compris Ruto, d’agir de “mauvaise foi” en ignorant les ordres de la Haute Cour. Elle affirme que Haïti n’est pas un “pays réciproque” et n’a fait aucune demande formelle de déploiement policier.
“Il n’y a pas de gouvernement en place en Haïti capable de faire une telle demande ou de signer un accord bilatéral avec le Kenya pour le déploiement de policiers; et il n’y a pas de parlement en Haïti pour ratifier un tel accord,” a-t-elle déclaré, en référence a la constitution haïtienne.
Le 1er mars 2024, lors de la signature d’un accord réciproque entre le Kenya et Haïti concernant la Mission de Soutien Sécuritaire Multinationale en Haïti, le president William Ruto a rappele que le 2 octobre 2023, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la Résolution 2699, autorisant une mission de soutien sécuritaire multinationale en Haïti. Le Kenya, sollicité par les États membres, a accepté de diriger la coordination de cette mission internationale.
Conformément à cette résolution, a-t-il poursuivi, les préparatifs de la mission ont débuté, y compris les procédures d’autorisation, la préparation des documents de mission, notamment le concept d’opérations, la politique de conduite et de discipline, l’accord de protection du statut et la directive sur la détention, les fouilles et l’utilisation de la force. Il y a également eu un engagement extensif avec les États membres pour traduire la solidarité mondiale en soutien concret pour la Mission de Soutien Sécuritaire Multinationale (MSS).
Le 13 octobre 2023, le Conseil de Sécurité Nationale et le Conseil des ministres kenyans ont approuvé le déploiement de 1 000 policiers. De plus, le 16 novembre 2023, le Parlement a approuvé ce déploiement à l’unanimité.
Par la suite, une pétition a été déposée en justice et la cour a déterminé la nécessité d’un instrument réciproque entre le Kenya et Haïti pour permettre ce déploiement.
« Aujourd’hui, le 1er mars 2024, j’ai le plaisir d’informer que le Premier ministre Ariel Henri et moi-même avons assisté à la signature de cet instrument. Nous avons également discuté des prochaines étapes pour permettre l’accélération du déploiement ».
‘‘Je saisis cette occasion pour réitérer l’engagement du Kenya à contribuer au succès de cette mission multinationale. Nous croyons qu’il s’agit d’un devoir historique, car la paix en Haïti est bénéfique pour le monde entier’’, a déclaré Ruto.
Cependant, fin mars 2024, après qu’Ariel Henry ait été contraint de démissionner, le Kenya avait annoncé qu’il suspendait son déploiement jusqu’à l’installation d’un conseil de transition en Haïti, après que Henry ait démissionné face à l’aggravation de la crise. Ce conseil a prêté serment fin avril et doit diriger le pays jusqu’aux nouvelles élections et passer le pouvoir. le 7 février 2026, aux autorités légitimes élues par les Haitiens.
Outre le Kenya, d’autres pays comme le Bénin, les Bahamas, le Bangladesh, la Barbade et le Tchad ont exprimé leur volonté de participer à la mission, approuvée par une résolution de l’ONU en octobre dernier. La situation en Haïti, un pays de 11,6 millions d’habitants, s’est détériorée depuis fin février avec des gangs armés contrôlant une grande partie de Port-au-Prince et du pays, provoquant des déplacements massifs et une crise humanitaire aiguë.
Cette nouvelle action judiciaire intervient au moment où les préparatifs s’accélèrent en vue du déploiement de la force multinationale. Cette situation crée déjà la panique dans le camp des gangs armés, qui lancent des opérations de manipulation de l’opinion publique. Ils contraignent les habitants des quartiers sous leur contrôle à manifester dans les rues contre l’arrivée de ladite force.
Application for Contempt 16.5.2024_p