Trump promet la plus grande opération de déportation de l’histoire des États-Unis : un projet coûteux, irréalisable et aux lourdes conséquences économiques et humaines…

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WASHINGTON, vendredi  11 avril 2025,(RHINEWS) — L’ancien président Donald Trump, candidat favori du Parti républicain pour l’élection présidentielle de novembre prochain, a réaffirmé sa volonté de lancer “la plus grande opération de déportation de l’histoire américaine” s’il revenait au pouvoir. L’objectif annoncé : expulser entre 15 et 20 millions d’étrangers en situation irrégulière vivant actuellement aux États-Unis. Un projet sans précédent dont les implications économiques, judiciaires et humanitaires soulèvent l’inquiétude de nombreux experts et organisations de défense des droits.

Selon les dernières données du Pew Research Center, les États-Unis compteraient environ 10,5 millions de personnes sans statut légal, un chiffre qui pourrait atteindre jusqu’à 22 millions selon une étude conjointe de Yale et du MIT publiée en 2018, prenant en compte les individus non recensés officiellement. L’ambition affichée par Donald Trump va donc bien au-delà des vagues d’expulsion ciblées, déjà pratiquées sous ses mandats antérieurs, pour viser l’ensemble de la population sans papiers, y compris ceux établis depuis des décennies, avec emploi, enfants et vie sociale intégrée.

La faisabilité d’un tel projet fait déjà l’objet de nombreuses critiques. D’après les calculs de l’American Action Forum, un groupe de réflexion conservateur, expulser 11 millions de personnes coûterait entre 400 et 600 milliards de dollars si l’opération s’étalait sur deux décennies. Ramenée à un mandat de quatre ans, la mise en œuvre d’un tel plan nécessiterait entre 100 et 300 milliards de dollars, selon des projections croisées du Migration Policy Institute et du Center for Migration Studies, en raison de la mobilisation exceptionnelle des forces de l’ICE (Immigration and Customs Enforcement), de la construction de centres de détention, des procédures judiciaires et des transports nécessaires.

Sur le plan judiciaire, l’engorgement est déjà manifeste. Le système de tribunaux de l’immigration affiche un retard record, avec plus de 2,6 millions d’affaires en attente, selon le TRAC (Transactional Records Access Clearinghouse) de l’Université de Syracuse. La mise en œuvre de déportations massives viendrait saturer davantage un appareil déjà paralysé, sans parler des recours juridiques prévisibles, notamment pour les cas humanitaires, familiaux ou liés à des demandes d’asile. Plusieurs États dits “sanctuaires”, comme la Californie, New York ou l’Illinois, ont d’ores et déjà signalé leur refus de coopérer avec une politique qu’ils jugent contraire à leurs principes constitutionnels.

Les répercussions économiques seraient elles aussi immédiates. Selon le National Bureau of Economic Research, les sans-papiers représentent environ 5 % de la main-d’œuvre américaine, concentrée dans des secteurs clés comme l’agriculture, la construction, la restauration ou les services à la personne. Leur disparition provoquerait une pénurie brutale de main-d’œuvre, une hausse des coûts de production et une baisse significative de la consommation. Par ailleurs, selon l’Institute on Taxation and Economic Policy, les immigrés sans papiers paient chaque année environ 11,7 milliards de dollars en impôts fédéraux, étatiques et locaux, dont les États-Unis se priveraient instantanément en cas d’expulsion massive.

Les conséquences humanitaires sont tout aussi préoccupantes. Des millions de personnes établies aux États-Unis depuis plus de dix ans, parfois avec des enfants citoyens américains, risqueraient d’être séparées de leur famille ou renvoyées dans des pays qu’elles ne connaissent plus. L’American Civil Liberties Union a dénoncé une “chasse à l’homme à l’échelle industrielle” et Human Rights Watch évoque le risque de “violations systématiques des droits fondamentaux”.

Du côté des pays d’origine, notamment d’Amérique centrale, des Caraïbes et d’Afrique, les effets d’un tel choc migratoire seraient tout aussi dévastateurs. Au Salvador et en Haïti, les transferts de fonds en provenance de la diaspora représentent plus de 20 % du PIB selon les données de la Banque mondiale. Un retour massif de ressortissants démunis, souvent sans ressources ni attaches locales, risquerait de déstabiliser davantage ces États fragiles, déjà confrontés à des crises économiques et sécuritaires aiguës.

Malgré l’ampleur du projet, Donald Trump affirme qu’il usera de décrets présidentiels et de la force fédérale pour contourner les résistances institutionnelles. Mais nombre d’analystes jugent l’entreprise non seulement irréalisable à cette échelle, mais potentiellement destructrice pour l’économie américaine, pour les institutions démocratiques et pour la réputation internationale des États-Unis. À moins de sept mois de l’élection, la promesse de ces déportations massives s’annonce comme l’un des points les plus polarisants du programme républicain.

Depuis le début du second mandat de Donald Trump en janvier 2025, l’administration américaine a intensifié ses actions contre l’immigration irrégulière. Selon les données du Service de l’immigration et des douanes (ICE), plus de 32 800 personnes en situation irrégulière ont été arrêtées au cours des 50 premiers jours du mandat. Parmi elles, 14 111 étaient des criminels condamnés, 9 980 faisaient face à des accusations pénales en cours, et 8 718 étaient des contrevenants aux lois sur l’immigration.

En ce qui concerne les expulsions, environ 37 000 personnes ont été déportées au cours du premier mois du mandat, un chiffre inférieur de 35 % à la moyenne mensuelle enregistrée lors de la dernière année de l’administration Biden.

Les centres de détention sont actuellement proches de leur capacité maximale, avec environ 47 600 personnes détenues, alors que le financement prévu permet d’accueillir en moyenne 41 500 détenus.

En outre, plus de 1,4 million de personnes sont visées par des ordonnances d’expulsion définitives, dont 32 363 Haïtiens.

L’administration Trump a également révoqué le statut de protection humanitaire (TPS) pour environ 530 000 personnes originaires de pays tels que Cuba, Haïti, le Nicaragua et le Venezuela, exposant potentiellement ces individus à des expulsions.

Ces mesures témoignent d’une politique migratoire plus stricte, avec une augmentation significative des arrestations et des détentions, bien que le nombre d’expulsions reste inférieur aux niveaux précédents.