Transfert de Lionel Constant Bourgoin au Parquet de Jacmel : la FJKL réclame l’annulation immédiate de cette décision…

PORT-AU-PRINCE, lundi 13 janvier 2025 – Le magistrat Lionel Constant Bourgoin, Commissaire du Gouvernement près le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, a été transféré à un poste équivalent au Parquet de Jacmel. Cette mesure, annoncée dans une correspondance officielle signée par le ministre de la Justice, Dr Patrick Pélissier, a suscité l’indignation de la Fondasyon Je Klere (FJKL), une organisation de défense des droits humains, qui dénonce une démarche arbitraire et illégale.

La correspondance du ministre, datée du 10 janvier 2025, stipule : « Maître, j’ai l’avantage de vous informer que vous êtes transféré, au même titre, au Parquet près le Tribunal de Première Instance de Jacmel. Cette mesure sera effective à partir de la date de votre prestation de serment. » Cependant, la FJKL critique cette décision, la qualifiant de rétrogradation déguisée.

La FJKL souligne que ce transfert contrevient à l’article 10 de la loi du 13 novembre 2007 créant le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ). Cet article dispose : « Les magistrats membres du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire ne peuvent faire l’objet d’une nomination à un autre poste judiciaire, même à égalité, durant tout l’exercice de leur mandat au Conseil, sauf à en démissionner préalablement à la procédure de nomination. »

Depuis octobre 2024, Lionel Constant Bourgoin représente les Commissaires du Gouvernement près les Tribunaux de Première Instance au CSPJ. Son mandat, qui s’étend jusqu’en octobre 2027, le place au cœur des débats sur l’indépendance de la magistrature. Pour la FJKL, ce transfert constitue une violation flagrante des droits du magistrat et de l’intégrité de son mandat au CSPJ.

Le ministre Patrick Pélissier est critiqué pour cette décision, jugée inopportune et politiquement motivée. Selon la FJKL, ce transfert intervient dans un contexte où la fonction de Commissaire du Gouvernement est souvent dénaturée. « Dans plusieurs juridictions, avec la complicité du Ministère de la Justice, des Parquetiers cessent d’être des magistrats et se transforment en chefs de bandes armées, tortionnaires ou assassins », affirme l’organisation.

Par ailleurs, le ministre Pélissier, autrefois reconnu pour son engagement en faveur des droits humains, est accusé par la FJKL d’être désormais proche des milieux de la contrebande. Cette proximité présumée pourrait, selon eux, expliquer le caractère politique de cette décision.

Face à ce qu’elle qualifie de « scandale judiciaire », la FJKL exige l’annulation immédiate de cette mesure et appelle le CSPJ à rejeter la correspondance du ministre, en insistant sur le respect des lois garantissant l’indépendance des magistrats.

Marie Yolène Gilles, porte-parole de la FJKL, déclare : « Cette décision est illégale et arbitraire. Elle reflète une volonté manifeste de l’exécutif de porter atteinte à l’intégrité de la fonction de Commissaire du Gouvernement et d’affaiblir le système judiciaire. »

Selon une source gouvernementale, des membres influents du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), inculpés dans l’affaire des 100 millions de gourdes de la Banque Nationale de Crédit (BNC), auraient exercé des pressions sur le chef du gouvernement, Alix Didier Fils-Aimé, pour révoquer le Commissaire du Gouvernement de Port-au-Prince, Lionel Constant Bourgoin.

« Il lui est reproché d’avoir transmis le dossier au cabinet d’instruction, malgré la volonté de Louis Gérald Gilles, Smith Augustin et Emmanuel Vertilaire de le classer sans suite afin d’échapper aux poursuites judiciaires », confie une source au Réseau Haïtien de l’Information (RHINEWS).

Selon le réquisitoire émis par le commissaire Bourgoin, la gravité des accusations justifie une enquête judiciaire approfondie. Les principaux inculpés sont Louis Gérald Gilles, Smith Augustin, Emmanuel Vertilaire, membres du CPT, ainsi que l’ancien président du conseil d’administration de la BNC, Raoul Pascal Pierre-Louis, et le consul Lonick Léandre. Les charges incluent corruption, sollicitation de pots-de-vin et abus de fonction.

Le dossier repose sur un rapport de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) qui relate des faits survenus en mai 2024, à l’hôtel Royal Oasis à Pétion-Ville. Ce document révèle que les conseillers auraient exigé un pot-de-vin de 100 millions de gourdes et une carte de crédit de 20 000 dollars américains pour garantir la reconduction de Raoul Pascal Pierre-Louis à la présidence du conseil d’administration de la BNC.

Bourgoin a qualifié ces actes de corruption passive et d’abus de fonction, tandis que Raoul Pascal Pierre-Louis est accusé de corruption active. Lonick Léandre, désigné comme complice, aurait orchestré les négociations ayant conduit à ces infractions.

Le réquisitoire demandait la désignation d’un juge d’instruction pour garantir une enquête équitable et impartiale. Cependant, cette procédure aurait provoqué l’ire des inculpés, qui chercheraient à obtenir la révocation de Bourgoin.

Dans une autre affaire impliquant l’ancien ministre de la Planification, Aviol Fleurant, le commissaire Bourgoin avait requis l’ouverture d’une information judiciaire. Un rapport de l’ULCC daté du 3 septembre 2024 relevait des anomalies dans les déclarations de patrimoine du ministre, incluant une augmentation inexpliquée de 253,26 % et l’acquisition de deux propriétés.

Ces éléments constituant des violations des lois sur la corruption, Bourgoin avait sollicité la désignation d’un juge d’instruction. Cependant, cette procédure semble également avoir contribué à son transfert, les inculpés ne souhaitant pas qu’il finalise le réquisitoire définitif.

Une autre enquête transmise à Bourgoin par l’Unité Centrale de Renseignement Financier (UCREF) concerne des activités de blanchiment d’argent impliquant une ancienne mairesse de l’Arcahaie, Rosemila Petit-Frère. Soutenue par des membres influents de l’exécutif, elle aurait aussi pesé dans la décision de transférer le magistrat.

Accusés dans le scandale des 100 millions de gourdes, Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin continuent de nier toute implication, affirmant être victimes de machinations politiques.