PORT-AU-PRINCE, samedi 15 octobre 2022– Selon un rapport d’enquête du réseau national de défense des droits humains (RNDDH), Jacques Lafontant, actuel commissaire intérimaire du gouvernement de Port-au-Prince, se serait servi de ses pouvoirs pour protéger certains individus accusés d’implication présumée dans le scandale de trafic d’armes et de munitions qui a éclaboussé l’Eglise Episcopale d’Haïti (EEH).
‘‘Pourtant, souligne le document du RNDDH, ‘‘la population haïtienne s’attendait à ce que l’enquête menée autour de ce dossier s’étende jusqu’à eux. A date, il n’en n’est rien’’, soutient l’organisation.
Soulignant la volonté de laisser les personnes susmentionnées en-dehors de l’enquête, le RNDDH affirme avoir ‘‘découvert des actions d’interférence du commissaire du gouvernement près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince, Jacques Lafontant dans l’enquête judiciaire, en dépit du fait que le dossier ait été transféré au Cabinet d’instruction.’’
Selon le document du RNDDH, ‘‘il semble évident que Vundla Sikhumbuzo a trafiqué pendant plusieurs années la franchise de l’Eglise Episcopale d’Haïti. Ils sont en effet nombreux les agents de la douane de Port-au-Prince à avoir jugé suspect le fait que la franchise de l’institution était utilisée par plusieurs personnes morales et physiques, qui n’étaient aucunement impliquées dans des activités religieuses ou de culte’’, lit-on dans ce rapport.
Quant Remy Lindor, le RNDDH précise que celui-ci vit à West Palm Beach aux Etats-Unis, dans la même zone que des parents du commissaire Jacques Lafontant.
Le rapport révèle que, ‘‘Le 14 juillet 2022, après avoir appris que des objets illicites ont été découverts dans un de ses containers, Rémy Lindor a contacté le magistrat Jacques Lafontant et l’en a informé. Ce dernier lui a conseillé de rencontrer l’ancien ministre de la Jeunesse, des sports et de l’action civique, Ronald D’Meza qu’il lui a présenté comme étant un avocat, le seul d’ailleurs capable de le tirer du pétrin dans lequel il se trouvait. ‘’
Quelques heures plus tard, selon le rapport du RNDDH, ‘‘le sieur Ronald D’Meza a été rencontré dans son cabinet à la rue Grégoire, Pétion-Ville. Cette rencontre s’est déroulée en présence d’un avocat lui-même ancien commissaire du gouvernement près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince. Et, au cours de la conversation qui s’y est tenue, Ronald D’Meza a appelé au téléphone le magistrat Jacques Lafontant.’’
Et, ‘‘le lendemain de cette rencontre, dans le courant de la journée, précise le document, Ronald D’Meza s’est rendu à la résidence privée du magistrat Jacques Lafontant, à la rue Cassagnol. Cependant, il n’a pu le voir à ce moment-là.’’
Selon le RNDDH, ‘‘aux environs de vingt-deux (22) heures, le magistrat Jacques Lafontant s’est rendu lui-même à Vivy Mitchell, à la résidence de Ronald D’Meza. C’est alors que ce dernier s’est formellement constitué pour la défense de Rémy Lindor.’’
Il s’est aussi engagé à, entre-autres obtenir le plus rapidement possible, la libération de Samson François et remettre à leurs destinataires les boites qui n’avaient rien à voir avec celles qui contenaient les armes, munitions, faux billets et autres objets illicites découverts par les agents douaniers, rapporte le RNDDH.
Selon le rapport, un montant de dix mille (10.000) dollars américains ont été réclamés pour la conduite du dossier. Le lendemain, la somme a été remise en mains propres au sieur Ronald D’Meza. Il se trouvait alors à proximité de l’Eglise Shalom située à Delmas 33, selon les précisions du RNDDH.
Le rapport souligne que lors d’un entretien avec le RNDDH, ‘‘le magistrat Jacques Lafontant a précisé qu’il s’agit de deux (2) dossiers dans une même affaire. Le premier dossier concerne des actes de contrebande, de blanchiment des avoirs et de corruption. Le deuxième concerne le trafic d’objets illicites. Les deux (2) ont été confiés au magistrat instructeur Chavannes Etienne.’’
« Il (Lafontant) a aussi affirmé, selon le RNDDH, que toutes les actions posées par son parquet dans le cadre de ces deux (2) dossiers sont conformes aux prescrits de la Loi haïtienne. Pour ce qui a trait à la perquisition effectuée au bureau diocésain de l’Eglise Episcopale d’Haïti après que le dossier a été transmis au cabinet d’instruction, il a expliqué au RNDDH que le mandat de perquisition avait déjà été émis par son parquet bien avant l’acheminement du dossier au cabinet d’instruction. Par conséquent, le retard enregistré dans l’exécution de ce mandat n’est pas imputable au parquet de Port-au-Prince. C’est donc, dans ce cas-là, la lenteur de la DCPJ qui est à blâmer ».
Il a nié avoir été en contact avec Rémy Lindor ou tout autre membre de sa famille. Il ne lui avait pas non plus recommandé le sieur Ronald D’Meza comme avocat. Cependant, il a admis que Lindor est son cousin.
‘‘C’est donc Ronald D’Meza qui l’a informé du dossier. Et c’est ainsi qu’il a aussi appris que son cousin avait réclamé dix mille (10.000) dollars américains pour la conduite dudit dossier. Enfin, le magistrat Lafontant a affirmé avoir persuadé son cousin de ne pas se charger de ce dossier qu’il tenait lui-même à mener à bien, dans le respect des garanties judiciaires de toutes les parties impliquées’’, selon le document du RNDDH.
En guise de conclusion, le RNDDH estime que ce dossier doit être traité de manière sérieuse et responsable pour aider, par la traçabilité des armes saisies, à l’arrestation de tous les délinquants et de leurs complices qui s’adonnent au commerce juteux d’armes et de munitions sans tenir compte des conséquences meurtrières de ce trafic sur la population haïtienne, victime chaque jour d’actes attentatoires à sa vie et à ses biens.
Le RNDDH dit croire aussi que de manière sereine, une enquête sur l’intégrité de l’Eglise Episcopale d’Haïti doit être menée et, toutes les personnes entretenant encore ou ayant entretenu un lien avec cette institution, impliquées dans le trafic de franchise, doivent répondre de leurs actes par-devant les autorités judiciaires auxquelles il reviendra aussi d’établir leur implication dans le trafic d’armes et de munitions, à côté du trafic de franchise.
L’organisation recommande aux autorités concernées d’enquêter minutieusement sur ce dossier de trafic d’armes, de munitions, de faux billets et autres objets illicites, de contrebande et d’évasion fiscale ; de punir sévèrement tous ceux qui y sont impliqués, sans distinction aucune et d’enquêter sur le comportement du commissaire du gouvernement près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince, Jacques Lafontant et d’étendre cette enquête sur le patrimoine de celui-ci.
Le RNDDH recommande d’enquêter sur le comportement des agents de la DCPJ qui se sont adonnés à des actes de pillage et de vols lors des perquisitions réalisées dans le cadre de ce dossier.
Au moins six (6) personnes ont été arrêtées dans le cadre de cette affaire. Il s’agit de Il s’agit de Gina Rolls Jean-Louis, Lovenie Louis-Jean, Samson François, Frantz Cole (pretre), Manion Saint-Germain et Jean Mary Jean-Gilles.
Six autres personnes y sont indexées : Rémy Lindor, Fernand Jean-Pierre, Alerte Isaac, Jean Mardochée Vil (pretre), Vundla Sikhumbuzo et Fritz Desire.