PORT-AU-PRINCE, lundi 7 avril 2025,(RHINEWS)- François-Dominique Toussaint Louverture, né esclave vers 1743 sur l’habitation Bréda près du Cap-Français à Saint-Domingue, est devenu l’une des figures les plus emblématiques de la lutte contre l’esclavage dans le monde. Issu d’une famille originaire du royaume d’Arada, dans l’actuel Bénin, il naît dans un système colonial brutal qui nie l’humanité des Noirs. Pourtant, dès son plus jeune âge, Toussaint fait preuve d’un esprit vif, d’une grande discipline et d’un sens aigu de la stratégie. Affranchi vers 1776, il devient un homme libre, propriétaire de terres, et même de quelques esclaves — paradoxe douloureux d’une époque complexe. Mais l’âme de Toussaint est tournée vers des horizons plus vastes.
Lorsque la Révolution française éclate en 1789, les idées de liberté, d’égalité et de fraternité commencent à faire leur chemin jusque dans les plantations de Saint-Domingue. En 1791, une insurrection d’esclaves embrase le nord de la colonie. Toussaint rejoint le mouvement, d’abord comme soigneur et organisateur, puis rapidement comme chef de guerre. Il devient une figure militaire redoutée et respectée, formant des troupes, négociant avec des puissances étrangères, et dominant les champs de bataille grâce à son génie stratégique.
Dans un premier temps, il s’allie aux Espagnols contre les Français, mais en 1794, lorsqu’il apprend que la France révolutionnaire a aboli l’esclavage, il change de camp et prête allégeance à la République. Il combat alors les Espagnols et les Anglais, et parvient à unifier une grande partie de l’île sous son commandement. Général en chef de l’armée de Saint-Domingue, Toussaint Louverture gouverne de facto la colonie avec fermeté, intelligence et une vision politique rare. En 1801, il fait adopter une Constitution qui le nomme gouverneur à vie et proclame l’autonomie de Saint-Domingue, tout en affirmant son attachement à la République française.
Mais cette affirmation d’autonomie déplaît profondément à Napoléon Bonaparte. En 1802, il envoie une expédition massive dirigée par son beau-frère, le général Leclerc, pour reprendre le contrôle de l’île. La guerre est terrible. Toussaint résiste, use de tactiques de guérilla, mais face aux trahisons et à la puissance militaire française, il finit par accepter de se retirer. Il déclare alors : « En me renversant, on n’a abattu que le tronc de l’arbre de la liberté des Noirs ; il repoussera par les racines, car elles sont profondes et nombreuses. » Peu après, sous prétexte de négociation, il est capturé par les Français, embarqué de force et déporté en France.
Toussaint est emprisonné dans la glaciale forteresse de Joux, dans le Jura. Privé de ses biens, isolé, malade, affaibli par le froid, il meurt le 7 avril 1803 dans des conditions misérables. Il n’a que 59 ans. Quelques mois plus tard, ses anciens compagnons d’armes poursuivront la lutte et proclameront l’indépendance d’Haïti le 1er janvier 1804. Toussaint n’a pas vu naître la nation haïtienne, mais il en est l’âme fondatrice.
Son héritage est immense. Il est ce révolutionnaire noir qui a su tenir tête aux plus grandes puissances de son temps. Il est celui qui a compris que la liberté n’est pas une faveur, mais un droit inaliénable. Il disait : « Cette arme est la liberté ; tenez pour certain que le jour où vous ne l’aurez plus, vous serez retournés à l’esclavage. » Et encore : « Je suis né esclave, mais la nature m’a donné l’âme d’un homme libre. »
En ce 222e anniversaire de sa mort, Toussaint Louverture reste une figure universelle de résistance, de dignité et d’émancipation. Sa mémoire traverse les siècles, indomptable, comme les racines profondes de cet arbre de liberté qu’il a tant arrosé de son courage.