DELMAS, mercredi 26 mars 2025– Ce mercredi 26 mars 2025, une vive agitation a secoué plusieurs artères de Delmas, notamment entre Delmas 40B et 48, où des dizaines de partisans du parti EDE ont investi les rues pour exiger la démission du Conseil Présidentiel de Transition (CPT). Vêtus de t-shirts verts et blancs aux couleurs de leur parti, arborant le slogan « Pèp la pale, CPT prale ! », ils ont défilé au rythme des tambours, scandant leur opposition au pouvoir en place. Escortés par la police, les manifestants ont parcouru une bonne partie de Delmas,
La manifestation a rapidement pris une tournure chaotique lorsque les protestataires ont érigé des barricades de pneus enflammés et disposé des pierres sur la chaussée, perturbant sérieusement la circulation dans la zone. Face à cette escalade, les forces de l’ordre de la Police nationale d’Haïti (PNH) sont intervenues en dispersant la foule à l’aide de gaz lacrymogènes.
L’onde de choc de ces tensions s’est propagée aux activités économiques locales. Plusieurs commerces, dont une succursale de la Capital Bank, un magasin Casami et le supermarché Bon Jean, ont dû suspendre leurs opérations. Dans le secteur éducatif, plusieurs établissements publics et privés ont renvoyé leurs élèves par mesure de sécurité, tandis que des chauffeurs, pris de court, ont dû emprunter des voies secondaires pour échapper aux affrontements.
Cette révolte met en lumière une contradiction troublante : comment un parti qui détient des représentants au sein même du CPT peut-il en demander la dissolution ? Smith Augustin, membre du CPT, et plusieurs cadres influents du gouvernement, dont Madame Sterline Civil, actuelle Directrice du Fonds National d’Éducation (FNE), sont issus du parti EDE.
Cette contradiction renforce les soupçons d’un double jeu politique : d’un côté, EDE valide la gouvernance du CPT en occupant des postes stratégiques ; de l’autre, il orchestre une contestation visant à le faire chuter. Par souci de cohérence, le parti aurait dû exiger le retrait de son représentant au sein du Conseil ainsi que de ses membres occupant des fonctions clés au sein du gouvernement, afin de crédibiliser sa démarche. On ne peut être simultanément au pouvoir et dans l’opposition sans trahir une posture opportuniste.
Le leader du parti EDE, Dr. Claude Joseph, qui fut brièvement Premier ministre en 2021, n’en est pas à son premier bras de fer politique. On se souvient encore de sa visite controversée à Martissant et Fontamara aux côtés de l’ancien directeur général de la PNH, Léon Charles, dans une tentative de reprendre le contrôle face aux gangs armés. Une initiative qui s’était soldée par un échec, alors que l’emprise des gangs n’a cessé de s’accroître depuis.
Aujourd’hui, alors que le pays reste en proie à une insécurité galopante et une instabilité chronique, une question demeure : le parti EDE propose-t-il réellement une alternative crédible ou joue-t-il sur tous les tableaux pour maximiser son influence ?
Une certitude s’impose cependant : la transition politique demeure fragile, et la rue continue d’être un champ de bataille où s’affrontent ambitions, frustrations et quête de légitimité.
Pendant ce temps, le CPT s’enlise, piétinant face aux attentes alors qu’il s’apprête à boucler une année au pouvoir en avril prochain. Sera-t-il en mesure de neutraliser les gangs, de restaurer la paix dans les rues et de créer les conditions propices à l’organisation des élections ? Autant de questions cruciales qui restent, pour l’heure, sans réponse.