PORT-AU-PRINCE, le vendredi 29 décembre 2023– Le comité directeur de SOS Journalistes Haïti ent alerté l’opinion publique et la Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique, Mme Emmelie Prophète-Milcé, sur des actions préoccupantes de la part du commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance des Cayes, Me Ronald Richemond, liées à l’enquête sur l’assassinat du journaliste Garry Tesse.
Le 10 décembre 2023, le commissaire Richemond a libéré de manière arbitraire Wilkens Thirogène, alias Pouchon, détenu pour son implication présumée dans le meurtre de Garry Tesse. Cette libération, effectuée en dépit du mandat d’écrou émis par le juge instructeur Me Robert Jourdain, soulève des questions sérieuses quant à la transparence de l’enquête, souligne SOS Journaliste.
L’ordonnance du 30 octobre 2023 formulait une demande de mainlevée du mandat d’écrou uniquement en faveur du journaliste Guerlan Hyppolite, également détenu sur ordre du commissaire Richemond. Guerlan Hyppolite a été libéré ce jour-là, malgré des vices de forme dans la procédure.
‘‘Par ailleurs, poursuit, l’organisation, le commissaire a pris la décision unilatérale de libérer Wilkens Thirogène, un de ses protégés, suspecté d’être impliqué dans l’assassinat de Garry Tesse.’’
Une autre révélation alarmante concerne le maintien indéfini du dossier de l’enquête par le commissaire Richemond, refusant de le retourner au juge instructeur conformément à la procédure habituelle. De plus, les gardes du corps du commissaire, soupçonnés dans l’assassinat, ont refusé de comparaître devant le juge, agissant en toute impunité sous le regard passif de leur supérieur hiérarchique.
Lors d’un entretien entre le secrétaire général de SOS Journalistes, Joseph Guyler C. Delva, et le commissaire Richemond, ce dernier s’est dégagé de toute responsabilité quant au refus de ses gardes du corps de répondre à la convocation du juge. Ces déclarations ont été qualifiées de choquantes et irresponsables par SOS Journalistes.
SOS Journalistes Haïti, dans sa correspondance à la Ministre de la Justice, souligne que les agissements du commissaire Richemond entravent sérieusement l’enquête sur l’assassinat de Garry Tesse. Le comité directeur appelle la Ministre à mettre Me Ronald Richemond à la disposition de la justice, dépouillé de son statut de magistrat en fonction, afin qu’il réponde des questions relatives à ce meurtre.
SOS Journalistes réaffirme son engagement en faveur de la protection de la liberté de la presse et de la justice en Haïti.
En novembre 2023, Le commissaire du gouvernement des Cayes, Ronald Richemond, a été désigné prédateur de la liberté de la presse par SOS Journalistes.
Selon l’Indice mondial de l’impunité 2023 du Comité pour la protection des journalistes, Haïti, frappé par la crise, est devenu l’un des pays où les assassins de journalistes ont le plus de chance d’échapper à la justice. Une combinaison dévastatrice de violence des gangs, de pauvreté chronique, d’instabilité politique et d’un système judiciaire dysfonctionnel est à l’origine de la première inclusion de ce pays des Caraïbes sur la liste annuelle du CPJ des pays où les assassins s’en tirent en toute impunité.
Haïti se classe désormais au troisième rang mondial des pays où l’impunité est la plus grande, derrière la Syrie et la Somalie. La Somalie, ainsi que l’Irak, le Mexique, les Philippines, le Pakistan et l’Inde, figurent chaque année dans l’indice depuis sa création. La Syrie, le Soudan du Sud, l’Afghanistan et le Brésil y figurent également depuis des années, ce qui donne à réfléchir sur la nature persistante et pernicieuse de l’impunité.
Selon le classement mondial 2023 de la liberté de la presse établi par Reporters Sans Frontières (RSF), Haïti occupe la 99e position sur 180 pays.
Cette édition, la 21e du genre, met en lumière des évolutions significatives et parfois radicales, attribuées à une instabilité politique, sociale et technologique, indique RSF.
RSF souligne que les journalistes haïtiens se retrouvent confrontés à un cruel manque de ressources financières, à l’absence de soutien institutionnel et à des obstacles d’accès à l’information, dénonce RSF. Au cours des deux dernières années, ils ont également été pris pour cible par des gangs, subissant des enlèvements et des assassinats en toute impunité.