PORT-AU-PRINCE, lundi 25 novembre 2024- Selon SOS Journalistes, la décision du Conseil National des Télécommunications (CONATEL) d’exiger la suspension immédiate de l’émission politique “Boukante Lapawòl”, diffusée sur Radio Mega, constitue une atteinte grave à la liberté de la presse et aux principes démocratiques fondamentaux. Cette mesure, qui s’accompagne de la menace de retirer la licence de fonctionnement de la station en cas de non-conformité, est qualifiée par l’organisation de « honteuse, ignoble et arbitraire ».
Dans une note datée du 22 novembre 2024, le CONATEL accuse Radio Mega, exploitant la fréquence 103.7 MHz, de « diffusion massive de propagande en faveur des groupes armés semant la terreur dans la capitale ». Cette accusation est fermement rejetée par SOS Journalistes, qui déclare : « Boukante Lapawòl n’a jamais servi de plateforme de propagande pour des gangs. Son indépendance éditoriale et son approche critique envers le pouvoir en place sont ses véritables ‘crimes’ aux yeux des autorités. »
L’émission, animée par Guerrier Henry et Jean Ismael Valestin, est reconnue pour son ton incisif et son engagement envers les préoccupations du public. « Guerrier Henry ne s’est jamais montré complaisant, au contraire, il incarne le journalisme d’investigation au service de la population », rappelle l’organisation. Les deux journalistes ont souvent été la cible de pressions politiques en Haïti, ce qui renforce les inquiétudes sur les motivations derrière cette décision.
Pour justifier sa démarche, le CONATEL s’appuie sur un décret de 1977, promulgué sous la dictature de Jean-Claude Duvalier. SOS Journalistes souligne l’illégalité de cette référence, rappelant que la Constitution amendée de 1987 abroge explicitement de telles dispositions liberticides. L’article 296 des dispositions transitoires stipule : « Tous les décrets et lois contraires à la Constitution sont déclarés nuls. » Par ailleurs, le préambule de la Constitution garantit les droits fondamentaux, notamment la liberté d’expression, en conformité avec la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948.
L’article 19 de cette Déclaration affirme : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, y compris celui de chercher, recevoir et diffuser des informations par tout moyen, sans considération de frontières. »
SOS Journalistes dénonce ce qu’il considère comme une tentative désespérée de museler la presse. « Ces pratiques rappellent les heures sombres des dictatures en Haïti. Nous pensions ces méthodes révolues, mais elles refont surface sous des formes nouvelles »,déclare l’organisation. Elle exhorte les autorités, notamment le Conseil Présidentiel de Transition et le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, à renoncer immédiatement à cette mesure qualifiée de « scélérate ».
Le communiqué se termine par un appel aux autorités concernées, notamment les ministres des Travaux Publics, de l’Intérieur et de la Justice, pour intervenir et garantir la liberté de la presse en Haïti. SOS Journalistes conclut : « Les tentatives de bâillonnement de la presse n’ont jamais prospéré en Haïti. Nous resterons vigilants et mobilisés pour protéger ce pilier fondamental de la démocratie. »