Situation post-désastre en Haïti et les défis du redressement économique : ‘‘Il faut affranchir l’Etat de ceux qui l’ont capturé,’’ selon Fritz Alphonse Jean…

Fritz Alphonse Jean, Conseiller-President...

PORT-AU-PRINCE, mardi 16 juillet 2024 – Haïti se trouve dans une situation post-désastre après plus de cinq ans de croissance économique négative, a déclaré Fritz Alphonse Jean, conseiller-président et expert en économie. Le constat est exceptionnellement accablant, soulignant la nécessité d’opérer des réformes et de mettre en place une relance économique indispensable pour assurer le développement du pays.

Lors d’une interview accordée au Réseau Haïtien de l’Information (RHINEWS), M. Jean a expliqué que “l’on ne peut effectuer une relance économique en Haïti dans le contexte actuel, sans résoudre un ensemble de problèmes complexes tels que l’insécurité et la capture de l’État par des opérateurs économiques et des entrepreneurs politiques. Ce sont des questions sensibles, mais c’est une nécessité si on veut vraiment faire la rupture et mettre le pays sur la voie de la bonne gouvernance, du progrès et du développement durable auxquels la population aspire et a droit légitimement.”

Il a souligné l’importance de neutraliser les gangs armés pour combattre l’insécurité criminelle et la violence qui s’installent dans le décor social haïtien. Il a également évoqué les autres formes d’insécurité qui rendent le pays particulièrement vulnérable et entravent les initiatives visant à attirer des investissements étrangers, de la diaspora haïtienne et des locaux. Ces investissements sont cruciaux pour créer des emplois durables et générateurs de richesse, permettant ainsi aux Haïtiens de produire et de consommer pour donner un nouveau souffle à l’économie nationale.

Le phénomène des gangs, qui prolifèrent à travers le pays, n’est ni un hasard ni quelque chose d’innocent, a-t-il admis. “Cela participe de la stratégie de ceux qui veulent retenir l’État pour subtiliser ses ressources au détriment des masses rurales et des bidonvilles afin d’assurer leur propre sécurité et celle de leurs biens”, a-t-il expliqué.

Fritz Alphonse Jean se dit particulièrement préoccupé par l’insécurité et la corruption qui gangrènent le pays, ajoutant que “cela ne peut plus continuer. Ceux qui se sont toujours livrés à ces pratiques malsaines doivent se rendre à l’évidence aujourd’hui que la donne est en train de changer et qu’il est dans leur intérêt de se conformer aux lois de la République.”

Il a insisté sur la nécessité de créer un État régalien, capable d’assurer les services de base à la population, notamment en matière de sécurité, d’éducation, de santé et de justice. “Il est temps d’affranchir l’État de toutes les entraves qui ont conduit à son effondrement. Le moment est venu de créer un État régalien, qui assure les services de base à la population”, a-t-il déclaré.

 

Il a également mis en garde contre tout fonctionnaire public, membre du gouvernement ou du conseil présidentiel de transition (CPT) impliqué dans des actes de corruption, affirmant que la nouvelle dynamique engagée sera fondée sur “zéro corruption et zéro tolérance pour les corrompus et les corrupteurs.” “Nous avons entendu à la radio et sur les réseaux sociaux que certains conseillers-présidents auraient voulu soudoyer des directeurs généraux pour qu’ils conservent leurs fonctions. Nous n’en avons pas la preuve, mais si cela était vérifié, le pays doit savoir que quiconque se trouverait dans cette situation en porterait personnellement la responsabilité. Nous ne sommes pas là pour reproduire ces mauvaises pratiques que nous avons toujours dénoncées et condamnées, mais pour les changer”, a-t-il martelé.

Fritz Alphonse Jean a insisté sur le fait que seule une Haïti libérée des démons de la corruption et de la criminalité organisée pourra garantir l’égalité des chances et des opportunités de réussite pour tous. “Si on fait tout cela, et on doit le faire, cela permettra d’œuvrer à la décentralisation du pays et à l’intégration effective des Haïtiens expatriés afin de mobiliser tout le savoir-faire et les avoirs indispensables au développement d’Haïti”, a-t-il déclaré.

Il a souligné une anomalie grave : le fait que les régions du Grand Nord et du Grand Sud ne soient pas dotées d’infrastructures portuaires et aéroportuaires modernes ouvertes sur le commerce extérieur. La crise sécuritaire qui secoue encore la région métropolitaine de Port-au-Prince et une partie de l’Artibonite illustre bien la nécessité de cette décentralisation. Plusieurs centaines de personnes ont fui la capitale ces dernières années et se sont réfugiées en province, bien que ces endroits soient dépourvus d’infrastructures d’accueil de base telles que l’eau potable, les écoles adéquates, la santé, l’électricité, etc.

Il a également insisté sur l’importance d’un investissement massif pour soutenir les petites et moyennes entreprises (PME), sachant que le développement économique durable n’est possible sans l’apport de ce secteur essentiel, qui joue un rôle moteur dans l’économie de base. Il a également souligné l’importance de la réhabilitation des infrastructures, notamment la restauration et la modernisation des routes, ponts et réseaux de transport, ainsi que la réparation et le développement des réseaux d’électricité et de communication pour assurer un approvisionnement stable et fiable.

La reconstruction des habitations doit également être une priorité, avec un accent sur l’accès à des logements sécurisés et durables pour les populations déplacées, ainsi que sur la planification urbaine pour résister aux futures catastrophes naturelles. Par ailleurs, la relance de l’économie locale est indispensable, notamment en fournissant des crédits et des subventions aux PME et en soutenant les secteurs agricoles et de la pêche, vitaux pour la sécurité alimentaire et l’emploi.

Les investissements étrangers et le partenariat international jouent aussi un rôle clé. La mobilisation des fonds internationaux et des aides au développement est nécessaire pour financer les projets de reconstruction, tandis que la création d’un environnement favorable aux investissements directs étrangers (IDE) peut stimuler la croissance économique.

Le renforcement des institutions et de la gouvernance est une autre composante essentielle. Il s’agit de mettre en place des mécanismes pour assurer la transparence des fonds et lutter contre la corruption, ainsi que de renforcer les capacités des autorités locales pour une gestion plus efficace des ressources et des services publics.

Enfin, la formation et l’emploi doivent être au cœur du redressement économique. Investir dans l’éducation et la formation professionnelle permettra de fournir les compétences nécessaires à la reconstruction et au développement économique, tandis que le développement de programmes de création d’emplois contribuera à réduire le chômage et à stimuler l’économie.

Un redressement économique réussi en Haïti créerait des opportunités d’emploi et augmenterait les revenus des ménages, réduisant ainsi la pauvreté. La réhabilitation des infrastructures améliorerait l’accès à l’eau potable, à l’électricité et aux services de santé, rehaussant ainsi la qualité de vie. En investissant dans l’éducation, les jeunes seraient mieux préparés à contribuer positivement à l’économie et à la société. De plus, la reconstruction d’infrastructures résilientes aiderait à minimiser les impacts des futures catastrophes, protégeant ainsi les gains économiques.

En adoptant des pratiques durables dans la reconstruction et le développement économique, Haïti pourrait assurer une croissance économique à long terme tout en préservant l’environnement. Un redressement économique robuste pourrait également réduire les tensions sociales et politiques en augmentant la cohésion sociale et en offrant des perspectives d’avenir positives pour la population. Ces éléments, combinés à une volonté politique forte et à un engagement de la communauté internationale, sont essentiels pour un redressement économique réussi en Haïti, favorisant ainsi une amélioration durable des conditions de vie de la population.