PORT-AU-PRINCE, jeudi 23 mai 2024– Sept organisations haïtiennes de défense des droits humains ont formulé un ensemble de recommandations pour garantir que la nouvelle Mission Multinationale d’Appui à la Sécurité en Haïti (MMAS) respecte pleinement les droits humains des citoyens haïtiens.
Cette initiative fait suite à l’adoption de la résolution 2699/2023 par le Conseil de sécurité de l’ONU en octobre 2023, autorisant le déploiement de la MMAS pour rétablir la sécurité et faciliter les élections en Haïti.
La situation sécuritaire en Haïti est critique. Depuis plusieurs années, le pays est en proie à une insécurité généralisée. Des gangs armés, regroupés en deux grandes coalitions, contrôlent environ 80 % du territoire du département de l’Ouest, paralysant la vie quotidienne. Cette violence a conduit à des déplacements massifs de populations. En octobre 2023, l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique a rapporté une inflation de 22,8 %, aggravant encore une crise alimentaire qui touche plus de 4,9 millions de personnes selon le Programme Alimentaire Mondial (PAM).
Les organisations rappellent que de 1993 à 2023, Haïti a accueilli dix missions onusiennes et multinationales. Ces interventions visaient à renforcer la démocratie, restaurer la paix et la sécurité, et organiser des élections. Cependant, les résultats ont souvent été décevants. Par exemple, la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH), active de 2004 à 2017, a été impliquée dans plusieurs scandales de violations des droits humains, incluant des abus sexuels et l’introduction du choléra, causant plus de 10 000 décès.
Elles notent que ces missions ont parfois exacerbé les problèmes plutôt que de les résoudre. Elles mentionnent des exécutions sommaires, des échanges de nourriture contre sexe, et des abandons d’enfants nés de relations avec des agents des missions. Malgré des preuves accablantes, les responsables de ces violations n’ont souvent pas été jugés, mais simplement rapatriés.
La MMAS, dirigée par le Kenya, vise à rétablir la sécurité en Haïti et à faciliter les élections. Cependant, la résolution 2699/2023 laisse des zones d’ombre quant aux responsabilités des membres de la mission, notamment sur la gestion des ressources et la transparence des opérations.
Pour éviter les erreurs du passé, les sept organisations haïtiennes recommandent :
1. Définir des objectifs clairs et précis** de la MMAS en fonction des besoins de la population.
2. Inclure les préoccupations des organisations locales** dans le cadre réglementaire et le plan stratégique de la mission.
3. Établir des mécanismes de prévention** des violations des droits humains et de communication transparente.
4. Créer un mécanisme de plaintes** pour les victimes de violations.
5. Garantir la responsabilité des agents fautifs** en les jugeant dans leur pays d’origine avec la participation des parties civiles.
6. Mettre en place des mécanismes de réparation** pour les victimes.
7. Assurer une coopération étroite** avec la Police Nationale d’Haïti (PNH) pour les opérations de terrain.
8. Renforcer les capacités de la PNH**, incluant la formation et l’équipement adéquat.
Les recommandations adressées à l’État haïtien incluent :
1. Coopérer judicairement** pour traiter les dossiers des individus sanctionnés par l’ONU.
2. Jugement des criminels** impliqués dans le grand banditisme.
3. Restitution des biens volés** aux victimes et réparation des dommages.
4. Utilisation transparente des avoirs gelés pour le bénéfice public.
Ce document a été élaboré par les organisations et plateformes d’associations de droits humains et de la société civile haïtienne suivantes : Action Communautaire pour l’Intégration des Femmes Vulnérables en Haïti (ACIFVH), Commission Épiscopale Justice et Paix (CE-JILAP), Défenseurs Plus, Fondasyon Je Klere (FJKL), Kouraj, Plate-forme des Organisations Haïtiennes des Droits Humains (POHDH) et Réseau National de Défense de Droits Humains (RNDDH)
Ces organisations soulignent l’importance de ces recommandations : « Nous devons tirer les leçons du passé pour que cette nouvelle mission ne répète pas les mêmes erreurs et qu’elle contribue réellement à la paix et à la sécurité durable en Haïti. »
Elles appellent à une mission transparente et respectueuse des droits humains pour éviter les échecs des interventions précédentes. Elles insistent sur la nécessité d’une collaboration étroite avec les acteurs locaux pour assurer une stabilité durable en Haïti.