Scandale financier : Les ONG et l’opacité des dépenses en Haïti après le séisme de 2010

Bill Clinton et Jean-Max Bellerive, respectivement ancien president des Etats-Unis et premier ministre haitien, image d'archives: 4e reunion de la CIRH

PORT-AU-PRINCE, le mercredi 10 janvier 2024– Le 12 janvier 2010, la région métropolitaine de Port-au-Prince a été dévastée par un séisme, détruisant d’innombrables bâtiments privés et publics ainsi que des infrastructures, et causant la perte de plus de 300 000 vies humaines. Haïti a été profondément meurtri par cette catastrophe, et la communauté internationale s’est mobilisée pour venir en aide au pays. Pratiquement tous les pays des différents continents ont répondu à l’appel. Des efforts considérables ont été déployés pour collecter plus de 10 milliards de dollars en faveur d’Haïti, selon certaines estimations. Pour superviser la gestion de ces fonds, le Fonds pour la Reconstruction d’Haïti (FRH) a été créé, tandis qu’une Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH), coprésidée par l’ancien président américain Bill Clinton et l’ancien Premier Ministre Jean Max Bellerive, a été établie.

L’espoir du peuple haïtien était palpable, porté par les propositions visant à réorganiser les zones déclarées d’utilité publique. Cependant, tout cela s’est avéré être plus un rêve qu’une réalité. La plupart des grands projets annoncés n’ont pas été concrétisés. Plus de 10 000 ONG opéraient sur le terrain sans un contrôle efficace de l’État. Certains projets ont été menés à bien à travers quelques ONG, mais dans une opacité totale, sans reddition de comptes. Quatorze ans après, RHINEWS revient sur cet épisode néfaste pour le peuple haïtien.

Des révélations choquantes ont récemment mis en lumière un sombre aspect des opérations de secours post-séisme en Haïti. Selon des informations confidentielles, plusieurs organisations non gouvernementales américaines auraient détourné des millions de dollars sans effectuer la moindre dépense réelle dans le pays. Ces fonds, destinés à la reconstruction après le séisme du 12 janvier 2010, auraient été alloués sous l’influence présumée de l’ancien président Bill Clinton, qui exerçait une forte influence sur la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) ainsi que sur les administrateurs du Fonds pour la Reconstruction d’Haïti (FRH).

D’anciens cadres proches de la CIRH ont déclaré que certaines ONG ont pu accumuler entre 15 et 40 millions de dollars sans dépenser le moindre centime sur le terrain. Ces révélations, provenant d’une source anonyme, soulignent l’ampleur du détournement de fonds destinés à un pays ayant connu l’une des pires catastrophes naturelles de son histoire.

Face à cette situation préoccupante, le Fonds pour la Reconstruction d’Haïti (FRH) et la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) avaient exigé des garanties strictes des autres ONG, les obligeant à dépenser à partir de leurs fonds et à se faire rembourser par la suite pour garantir l’utilisation effective des fonds alloués. Cependant, même après plus de quatorze ans depuis le séisme, un bilan complet des fonds collectés et une justification précise de leur utilisation font toujours défaut, suscitant des critiques justifiées et des interrogations au sein de la société civile haïtienne, mettant en lumière une gestion douteuse et la nécessité pressante d’une reddition de comptes.

Le rapport de décembre 2016 du FRH révèle la validation de 30 projets par son Comité de Pilotage, débloquant 377.74 millions de dollars pour les Entités Partenaires, qui ont versé 303.17 millions. L’ONU a reçu 147.58 millions et décaissé 125.97 millions ; la BID, 97.58 millions avec 45.36 millions décaissés ; la Banque Mondiale, 132.58 millions avec 131.84 millions décaissés.

L’agence de presse américaine Associated Press avait fait part de sa déception majeure concernant l’allocation de 391 millions de dollars au Fonds pour la Reconstruction d’Haïti (FRH). Il a été découvert qu’un tiers de ce montant, initialement destiné à la reconstruction du pays, a été détourné pour rembourser directement les dépenses liées à l’envoi de troupes militaires américaines.

Bien que plusieurs activités aient été menées, notamment la relocalisation des victimes du séisme, le déblayage des habitations endommagées, la construction de logements et d’infrastructures, ainsi que la création du Parc Industriel de Caracol, Rhinews souligne la persistance de l’opacité dans la gestion des fonds. Cette absence de transparence reste préoccupante malgré ces efforts entrepris.

De plus, en 2015, des médias américains avaient accusé la Croix Rouge Américaine d’avoir dépensé 500 millions de dollars pour la construction de seulement six petites maisons en Haïti après le séisme de 2010. Cette information semblait peu crédible étant donné le potentiel conflit d’intérêts entre cette organisation et les sources à l’origine de ces révélations. Bien qu’une partie de ces dépenses ait été justifiée pour des infrastructures et la réparation de logements à Carrefour Feuilles, l’utilisation complète de ces 500 millions par la Croix Rouge Américaine demeure peu transparente. De surcroît, aucun état financier n’a été rendu public par cette organisation, soulevant ainsi des inquiétudes quant à la transparence de ses actions.

Après le séisme, le Cinéaste Raoul Peck avait réalisé le documentaire “Assistance mortelle”, mettant en évidence la mauvaise gestion de l’aide internationale post-catastrophe. Il met l’accent sur le potentiel bénéfique considérable de ces fonds s’ils avaient été correctement utilisés pour des secteurs tels que l’éducation, la santé, les infrastructures et la création d’emplois pour les jeunes. En combinant ces ressources aux 4 milliards de dollars du programme Petro Caribe, Haïti aurait pu développer des programmes de développement durable intégrés et réellement profitables.

Suite aux scandales de détournements de fonds et de corruption qui ébranlent l’administration haïtienne, le département d’État américain avait annoncé récemment des sanctions contre Jean-Max Bellerive, ancien co-président de la CIRH, pour son implication présumée dans des activités de corruption en Haïti, tandis que l’ancien coprésident, Bill Clinton, n’a pas encore fait l’objet de telles actions.

Le détournement présumé de ces fonds cruciaux pour la reconstruction d’Haïti peut être considéré comme une trahison face aux besoins urgents du pays. Cette opacité financière souligne le besoin impérieux de réformes et de mécanismes de contrôle plus rigoureux pour éviter de tels abus à l’avenir. Malgré le rôle crucial des ONG, plus de 10 000 qui étaient actives en Haïti, leur opacité financière a réduit considérablement les dons réellement parvenus au gouvernement, freinant ainsi la reconstruction de Port-au-Prince, générant des duplications sur le terrain et entraînant une fragmentation de la gouvernance.