Samuel Madistin critique l’intégration de la BSAP dans la lutte contre les gangs en Haïti…

Samuel Madistin, Avocat,

PORT-AU-PRINCE, dimanche 6 avril 2025, (RHINEWS)- Dans une interview accordée à Rhinews, Me Samuel Madistin, avocat et militant des droits humains, a exprimé de vives inquiétudes concernant l’utilisation de la Brigade de Sécurité des Aires Protégées (BSAP) par les autorités haïtiennes pour combattre les gangs.

Selon Me Madistin, cette décision est “une folie qui risque d’affaiblir les forces de l’ordre déjà très divisées et très décriées”. Il estime que l’intégration de la BSAP ne contribuera pas à résorber l’insécurité, mais au contraire, pourrait faciliter l’infiltration de la Police Nationale d’Haïti (PNH) par des gangs et des groupes mafieux, aggravant ainsi les règlements de compte internes.

La création de la BSAP a été controversée dès le départ. Me Madistin souligne que “le recrutement, la formation, l’entraînement et l’armement des agents de la BSAP n’ont pas été pris en charge par l’État”. Il considère donc que l’intégration d’un tel corps dans les institutions chargées de la sécurité publique est “dangereuse et totalement inacceptable”.

Les risques associés à l’implication formelle de la BSAP dans la sécurité nationale sont nombreux. Me Madistin mentionne notamment la perte de confiance de la population envers les forces de sécurité, un problème de discipline au sein de ces forces, et l’obéissance des agents de la BSAP à des ordres politiques ou mafieux sans respect de la hiérarchie et de la discipline.

D’un point de vue légal et constitutionnel, Me Madistin rappelle que la Constitution haïtienne prévoit uniquement deux forces armées sur le territoire national : les Forces Armées d’Haïti (FAD’H) et la Police Nationale d’Haïti (PNH). Il affirme que “c’est à travers ces corps que la sécurité doit être assurée”.

Concernant la lutte contre les terroristes de Viv Ansanm, qui visent désormais la prise du pouvoir en Haïti, Me Madistin critique l’inaction des autorités en place. Il propose plusieurs mesures urgentes pour remédier à la situation :

Premièrement, il suggère que l’État haïtien reconnaisse que le problème de sécurité actuel est d’ordre militaire et nécessite un renforcement des effectifs des forces de sécurité. Pour ce faire, il recommande la formation d’unités tactiques anti-guérilla et de commandos anti-terroristes au sein des Forces Armées d’Haïti. Cela impliquerait une campagne de recrutement massif et une formation intensive de jeunes soldats. Il propose l’ouverture de quatre centres de formation pour les FAD’H à Port-au-Prince, Cap-Haïtien, Les Cayes et Gonaïves. Avec une durée de formation de deux mois, chaque centre pourrait former cinq mille soldats en quatre mois, ce qui permettrait de disposer de vingt mille soldats supplémentaires en peu de temps. Parallèlement, il serait essentiel de renforcer les unités spécialisées de la PNH.

Deuxièmement, Me Madistin insiste sur la nécessité de renforcer les services de renseignement, tant stratégiques qu’opérationnels, et de mettre fin au gaspillage des ressources allouées à ces services.

Troisièmement, il préconise d’équiper les FAD’H et la PNH avec du matériel adapté pour lutter efficacement contre les gangs.

Quatrièmement, il souligne l’importance d’améliorer les conditions de travail et de vie des militaires et des policiers. L’État devrait encourager, par des avantages sociaux, ceux qui sont en première ligne dans la lutte contre les gangs, afin qu’ils se sentent valorisés par la nation.

Enfin, Me Madistin propose l’organisation du “droit à la résistance armée”. Il observe que, dans plusieurs quartiers de la région métropolitaine et dans l’Artibonite, notamment à Mirbalais, des membres de la population s’organisent de manière désordonnée, armes à la main, pour défendre leurs quartiers. Il suggère que cette volonté soit encadrée par l’État. Les FAD’H pourraient être autorisées, par décret, à organiser ce droit à la résistance armée. Des jeunes de vingt à trente ans pourraient suivre une formation intensive de vingt à trente jours au sein de l’armée et être autorisés à porter des armes pour la défense de leurs quartiers, sous le contrôle et la supervision des FAD’H. Le décret pourrait prévoir qu’en cas de recrutement au sein de la PNH et des FAD’H, ces jeunes bénéficieraient d’une priorité organisée par rapport aux autres candidats. De plus, les compagnies de sécurité, les mairies et les ministères pourraient être tenus de puiser dans ce réservoir de jeunes pour tout recrutement éventuel d’agents de sécurité.

Me Madistin conclut que si ces mesures sont prises par un gouvernement responsable, le problème des gangs en Haïti pourrait devenir, dans un avenir proche, un amer souvenir.