Rosy Auguste Ducéna appelle le Conseil de Sécurité de l’ONU à agir fermement contre l’impunité des crimes financiers et l’insécurité en Haïti…

Rosy Auguste Ducena, Responsable de Programme au RNDDH, lors d'une audition au Congres americain/image d'archives...

NEW-YORK, mardi 22 octobre 2024– Lors d’une session du Conseil de Sécurité des Nations Unies ce mardi 22 octobre 2024, Rosy Auguste Ducéna, avocate et militante des droits humains, a livré un diagnostic accablant de la situation en Haïti, soulignant les effets dévastateurs de la corruption et de l’impunité qui sévissent dans le pays. À la tête du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) depuis 2002 et présidente du regroupement Ensemble Contre la Corruption, elle a présenté un tableau sombre de l’état des droits humains en Haïti, en insistant sur l’urgence d’une action internationale coordonnée.

Madame Ducéna a immédiatement pointé du doigt les racines profondes de la crise haïtienne : l’impunité des crimes financiers et l’insécurité généralisée qui touchent tous les secteurs de la société. Pour elle, le drame économique et politique que connaît Haïti résulte d’une longue histoire de tolérance envers la corruption. Elle a illustré cette réalité en évoquant le dernier scandale de détournement de fonds publics, impliquant des membres influents du pouvoir. « L’administration publique haïtienne est victime d’une vaste opération de pillage des ressources de l’État », a-t-elle déclaré, en précisant que ces pratiques permettent à certains fonctionnaires de s’enrichir de manière illicite. En parallèle, les réseaux de trafic d’armes, de drogues et d’autres activités illégales prospèrent sans contrôle efficace, minant davantage le fragile tissu social.

Ducéna a souligné que cette corruption systémique n’est pas seulement une question de mauvaise gouvernance, mais qu’elle alimente directement l’insécurité. Elle a décrit la manière dont l’argent issu des activités criminelles circule librement dans un système financier quasi inexistant en termes de régulation, permettant ainsi aux armes et aux munitions d’inonder le pays. « Les armes illégales circulent dans le pays, alimentant une insécurité érigée en système », a-t-elle ajouté, tout en rappelant que les bandes armées contrôlent aujourd’hui plusieurs zones du territoire haïtien.

Le lien entre cette impunité et les violences endurées par la population a été au centre de son discours. Les gangs armés, selon elle, continuent de semer la terreur avec des massacres réguliers, des enlèvements et des actes de violence sexuelle. « Les viols collectifs sont utilisés comme armes, et le corps des femmes et des filles devient un terrain de guerre », a déploré la militante, en rappelant que les Haïtiennes vivent sous une menace constante. Les citoyens, fuyant les attaques meurtrières, se réfugient de plus en plus dans des camps de fortune qui ne cessent de se multiplier.

La justice, qu’elle a décrite comme étant « tout aussi dysfonctionnelle que corrompue », n’offre aucun recours pour la population. Les parquets sont infiltrés par des commissaires du gouvernement et des juges qui monnayent leur pouvoir en libérant des criminels. « La justice se vend au plus offrant », a-t-elle accusé. Mais cette corruption touche aussi directement les défenseurs des droits humains. Madame Ducéna a révélé que, malgré son engagement, elle a été elle-même poursuivie à plusieurs reprises pour diffamation dans le cadre de ses activités militantes, illustrant la manière dont le système judiciaire est utilisé pour intimider et réduire au silence ceux qui osent défier le pouvoir en place.

Les effets de cette crise dépassent largement la sphère politique et touchent directement les conditions de vie des Haïtiens. En raison de l’insécurité, des quartiers entiers, des écoles, des centres hospitaliers et même les réseaux de transport public sont sous le contrôle des gangs armés. La population, déjà affaiblie par une pauvreté extrême, se trouve coincée dans un quotidien régi par la violence, où il faut parfois payer des gangs pour circuler librement ou simplement pour survivre.

Face à ce tableau désastreux, Rosy Auguste Ducéna a mis en garde la communauté internationale contre toute tentative précipitée d’organiser des élections en Haïti, insistant sur le fait que l’organisation d’élections dans de telles conditions ne ferait qu’aggraver la situation. Elle a exhorté les membres du Conseil de Sécurité à reconnaître l’ampleur du problème et à appliquer des sanctions rigoureuses contre les acteurs impliqués dans le financement et le soutien des gangs. « Les chefs et membres de gangs armés sanctionnés ne doivent pas être les seuls concernés. Ceux qui les ont armés, financés et continuent de le faire doivent également être punis », a-t-elle martelé.

Elle a également insisté sur la nécessité d’un embargo strict sur les armes et d’un gel des avoirs des personnes impliquées. Mais pour que ces mesures soient efficaces, Ducéna a appelé à un suivi rigoureux de la part des États membres des Nations Unies. Les sanctions, selon elle, ne peuvent pas se limiter à des gestes symboliques ; elles doivent être appliquées dans toute leur rigueur.

Enfin, la militante a proposé plusieurs pistes d’actions concrètes pour sortir Haïti de cette impasse, appelant notamment au démantèlement des gangs armés avec l’aide des forces multinationales et à un assainissement urgent de la justice et de l’administration publique haïtienne. « Sans une réforme profonde du système judiciaire et de l’administration publique, nous reviendrons inévitablement devant ce Conseil pour demander encore l’envoi d’une nouvelle force internationale en Haïti », a-t-elle averti.

Le discours de Rosy Auguste Ducéna a marqué les esprits par son ton direct et sa dénonciation sans détours des responsabilités des autorités haïtiennes et de la communauté internationale. Elle a conclu son intervention en rappelant l’urgence d’agir non seulement contre les symptômes de la crise, mais contre ses causes profondes, notamment l’impunité et la corruption, qui, selon elle, constituent le véritable moteur de la violence et de l’instabilité en Haïti.