ST-JOHN’S (ANTIGUA ET BARBUDA), vendredi 19 août 2022– Ronald Sanders, ambassadeur d’Antigua et Barbuda à l’Organisation des Etats Américains (OEA) a exprimé ses préoccupations quant à la dégradation de la situation en Haïti.
Dans une tribune, le diplomate trinidadien a déclaré : « Haïti n’a jamais été loin de souffrances humaines à grande échelle, d’une grave instabilité politique et d’un sombre sous-développement économique. Mais sa situation aujourd’hui est pire qu’avant ».
Il a ajouté que le pays est devenu un champ de bataille pour des gangs criminels rivaux, dont les armes sont supérieures à celles de la police, tant en quantité qu’en puissance de feu.
« Ces gangs ont établi des fiefs dans lesquels ils règnent en maîtres, terrorisant les communautés, kidnappant des personnes, exigeant d’énormes rançons, commettant des meurtres ignobles et même brûlant leurs victimes – vivantes ou mortes. Plus inquiétant encore, certains gangs semblent avoir noué des liens avec des politiciens », a souligné Sanders.
Selon le diplomate, au-delà de la perte de contrôle de la loi et de l’ordre, le pays est gouverné, en nom, par des responsables non élus sans système judiciaire indépendant ni assemblée nationale fonctionnelle.
Il a ajouté ‘‘qu’un accord entre les groupes de la société civile et les acteurs politiques, façonné en septembre 2021, a échoué. Cela rend la réalisation du désir d’une solution “dirigée par les Haïtiens” aux problèmes du pays des plus improbables et non crédibles.’’
‘‘Ce qui aggrave cette situation, a-t-il poursuivi, c’est qu’Haïti ne dispose pas d’institutions solides pour soutenir la gouvernance et résoudre les problèmes profondément enracinés du pays.’’
Il a fait remarquer que, certaines nations – parmi lesquelles des pays dont les gouvernements ont contribué au sous-développement et à la faiblesse d’Haïti – se cachent désormais commodément derrière l’appel haïtien à une solution “dirigée par les Haïtiens”, à faire peu ou rien.
Il a rappelé en ce sens que, l’Organisation des Nations Unies (ONU) a retiré sa Mission de stabilisation en Haïti (MINUSTAH) en octobre 2017 après 13 ans.
Il a souligné que, ‘‘malgré la situation désastreuse qui existe actuellement, le Conseil de sécurité de l’ONU a choisi de prolonger le mandat de son Bureau intégré en Haïti (BINUH) jusqu’au 15 juillet 2023, mais de ne pas l’étendre pour lutter contre la spirale de la violence, de l’anarchie et de la terreur des gangs armés.’’
Il a déclaré que, ‘‘dans ce contexte, Luis Almagro, le secrétaire général de l’Organisation des États américains (OEA), a lancé une accusation publique énergique contre la « communauté internationale » et l’élite politique intéressée en Haïti.’’ Almagro n’a pas mâché ses mots lorsqu’il a déclaré : « La crise institutionnelle que traverse Haïti en ce moment est le résultat direct des actions menées par les forces endogènes du pays et par la communauté internationale ».
Il a déclaré sans équivoque que, : « Les 20 dernières années de présence de la communauté internationale en Haïti ont constitué l’un des pires et des plus clairs échecs mis en œuvre et exécutés dans le cadre de la coopération internationale ». Pour être clair, « la communauté internationale » en Haïti constituait « un groupe central », compromettant l’Union européenne, l’ONU, l’OEA, le Brésil, le Canada, la France, l’Allemagne et l’Espagne, a rappelé Sanders.
« J’étais publiquement d’accord avec son évaluation. C’était la déclaration la plus honnête et la plus convaincante d’un haut fonctionnaire d’une institution régionale ou internationale jamais publiée concernant Haïti. En accord avec sa déclaration, j’ai interprété sa définition de la “communauté internationale” comme incluant chaque pays, chaque institution internationale de financement et de développement, l’ONU et ses organes, et l’OEA elle-même. Mais j’ai aussi reconnu alors, ce que j’ai dit plus tard au Conseil permanent de l’OEA le 17 août, lorsque le ministre des Affaires étrangères d’Haïti, Jean-Victor Généus, clairement incité par la déclaration d’Almagro, a demandé une rencontre », a déclaré l’ambassadeur.
Ne voulant pas faire d’amalgame, le diplomate a déclaré : « Ce que j’ai dit, en bref, c’est que « de nombreux pays de la communauté internationale sont parfaitement innocents de ce qui se passe en Haïti ou s’y est passé. Il y en a d’autres – à la fois des pays et des institutions – qui ont endommagé Haïti de manière irréparable pendant de nombreuses années. Maintenant, c’est à ces pays de faire quelque chose pour corriger la situation. Le soutien financier est l’obligation des membres de la communauté internationale qui en ont les moyens. Et beaucoup d’entre eux, d’ailleurs, portent la responsabilité de la situation en Haïti aujourd’hui ».
Almagro a clairement raison de dire : “… les ressources doivent être fournies à Haïti par le biais d’un processus institutionnalisé par la communauté internationale avec une forte composante de surveillance et une capacité à lutter contre la corruption et à empêcher que les ressources ne soient détournées et mal utilisées”.
Comme je l’ai observé à la réunion de l’OEA, Haïti ne peut espérer une réponse internationale à ses besoins « sans une certaine assurance qu’au sein d’Haïti, il y aura une position collective et solide, à la fois en termes de demandes qu’ils formulent, de coopération qu’ils apporteront, et l’ouverture avec laquelle ils traiteront avec la communauté internationale », a précisé Sanders dans sa tribune.
Il a souligné que le ministre des Affaires étrangères Généus a déclaré que le gouvernement a tenté de promouvoir le dialogue, laissant entendre que ses efforts n’ont pas été couronnés de succès, mais que “le Premier ministre poursuivra sans relâche cette quête de dialogue et de consensus”.
Cependant, Sanders a déclaré : « Bien sûr, un tel dialogue n’aura pas lieu, et aucun accord ne sera durable, à moins qu’il n’y ait de bons bureaux de médiation pour le faciliter et superviser la mise en œuvre de ses accords. La médiation ne peut avoir lieu sans une invitation du gouvernement provisoire d’Ariel Henry et l’accord des autres groupes haïtiens ».