PORT-AU-PRINCE, vendredi 8 mars 2024 – Le porte-parole de la fédération des gangs regroupés sous le parapluie de “Viv Ansanm”, Jimmy Cherizier, alias Barbecue, met en garde les politiciens qui profitent de leur mouvement pour entreprendre des tractations afin d’assister le pouvoir politique en Haïti sans leur participation.
Cherizier, un ancien policier devenu chef de gang qui était l’invité de l’émission “Booster” sur Radio Méga, déclare que “rien ne pourra être décidé sans notre participation dans le processus de remplacement d’Ariel Henry, qui continue d’éprouver des difficultés à revenir au pays après son voyage au Kenya.” Il ajoute qu’aucun politicien n’était en mesure de mettre Henry en déroute s’ils ne s’attaquaient pas aux institutions publiques. Pas question qu’ils prétendent agir sans nous, d’autant que nous entendons poursuivre et renforcer le mouvement pour empêcher qu’Ariel Henry ne revienne au pays, soulignant qu’un retour de ce dernier pourrait faire planer des risques sur sa sécurité et sa vie.” Il affirme également que les gangs ne seraient liés à aucun secteur ou groupe politique, arguant qu’ils sont totalement autonomes et agissent en fonction de leur agenda “révolutionnaire”.
“Ce que nous voulons, dit-il, c’est le renversement de tout un système et nous comptons nous attaquer indistinctement à tout ce qui symbolise ce système qui déshumanise les Haïtiens. C’est une révolution que nous menons de manière méthodique. Personne ne nous dicte notre comportement et ce que nous devons faire”, déclare Cherizier, annonçant leur intention de s’attaquer prochainement aux ministres et directeurs généraux pour casser le système.”
“Ce à quoi nous assistons n’est que le début de ce que nous avons à faire”, prévient-il, n’écartant pas la possibilité de prendre prochainement le contrôle du Palais National et de la Primature.
Depuis le 29 février dernier, la fédération des gangs “Viv Ansanm” entretient un climat de terreur dans la région métropolitaine de Port-au-Prince. Ils attaquent des installations policières, incendient des commissariats de police, des centres carcéraux, libérant près de 5 mille prisonniers, dont des chefs de gangs et des assassins présumés du président Jovenel Moïse.
Selon les organismes des droits humains, dont le RNDDH et la FJKL, le bilan provisoire des événements survenus dans la région métropolitaine est catastrophique, avec des pertes humaines importantes, des infrastructures publiques détruites et une atmosphère générale de chaos et de peur. Le nombre d’évadés s’élève à quatre mille sept cent vingt-six (4726), cependant, une évaluation exhaustive demeure difficile à ce stade. Une trentaine de prisonniers ont été tués, dont deux à l’intérieur de la prison civile de Port-au-Prince et plusieurs autres au Boulevard Jean Jacques Dessalines (Grand rue).
Une trentaine de décès ont été recensés à Port-au-Prince dans la matinée du 3 mars 2024.
Une dizaine de morts ont été recensés dans les rues de Croix-des-Bouquets, avec deux autres décès survenus à l’intérieur de leurs domiciles.
Les bureaux de l’Office National d’Assurance Vieillesse (ONA) à Santo, le Bureau de l’Électricité d’Haïti à Delmas 40 et l’OAVCT à Tabarre ont été incendiés.
Pillages et vandalisme : Le stade Sylvio Cator, le Ministère de la Communication et l’hôpital Saint François de Salle entre autres, ont été la cible de pillages et de vandalisme.
Recherché par la police, Jimmy Cherizier est accusé d’implication présumée dans plusieurs massacres perpétrés au cours des cinq dernières années. Il est inculpé dans le massacre de La Saline perpétré les 13 et 14 novembre 2018. Au moins 71 personnes ont été tuées lors de ce carnage.
Cherizier, Pierre-Richard Duplan ex-délégué départemental de l’Ouest et Fednel Monchery, ancien directeur général du Ministère de l’Intérieur, également inculpés dans cette affaire, ont été sanctionnés par le Département du Trésor américain en décembre 2020 en vertu de la Global Magnitsky Human Rights Accountability Act.
Les sanctions, qui incluent des restrictions de visa et de transactions financières, restent en vigueur malgré les démentis des accusés. Le gouvernement américain les considère comme responsables ou complices de graves violations des droits de l’homme.
Malgré les enquêtes confirmant les faits, aucun procès n’a encore eu lieu, et les auteurs du massacre de La Saline restent impunis. Des mandats d’amener ont récemment été émis contre Monchéry et Cherizier, mais ces derniers ont ignoré les convocations du magistrat instructeur.
La situation sécuritaire du pays demeure préoccupante, avec des chefs de gangs impliqués dans d’autres massacres qui, à la faveur de la nouvelle vague de violence criminelle déclenchée sur la région métropolitaine, revendiquent des rôles politiques.