PORT-AU-PRINCE, jeudi 20 juin 2024 – Les récentes déclarations de Germine “Yonyon” Joly, ancien membre du gang notoire “400 Mawozo”, ont suscité une onde de choc en Haïti. Dans une lettre adressée au juge avant sa condamnation, Joly a exposé des allégations accablantes de corruption impliquant des figures éminentes du système judiciaire et politique haïtien. Au cœur de ces révélations se trouve Jean Renel Sénatus, ancien commissaire du gouvernement au parquet de Port-au-Prince et ex-sénateur.
Joly affirme qu’en 2014, Jean Renel Sénatus aurait fourni dix armes à feu à son associé Abraham, qui les aurait ensuite partagées avec lui. Selon Joly, Sénatus aurait justifié cet acte par la nécessité de sécuriser son élection. Toutefois, Joly déclare avoir refusé de soutenir Sénatus, rapportant que ce dernier, avec l’aide d’Abraham, aurait par la suite comploté pour le faire disparaître ou l’emprisonner.
Dans sa lettre, Joly décrit également les conditions inhumaines de sa détention, évoquant des passages à tabac quotidiens et des tentatives d’assassinat. Il révèle avoir été contraint de verser des sommes importantes à divers avocats et responsables judiciaires, notamment 5 000 dollars américains à Lemoine Gelin, Commissaire du Gouvernement de Mirebalais, et 7 000 dollars à l’avocat Thelusma. Joly détaille aussi ses interactions avec le juge Djimmy Dubé, qui aurait exigé 20 000 dollars pour garantir sa libération, montant finalement négocié à 10 000 dollars.
Contacté par la rédaction de RHINEWS, Jean Renel Sénatus a minimisé les déclarations de Joly, qualifiant ses accusations d’« écrit vague sans sens ». Il a rappelé son rôle dans l’arrestation de Joly, orchestrée par lui-même et son équipe en collaboration avec Normil Rameau, et s’est opposé à toute tentative de libération de Joly.
Sénatus a rejeté toutes les accusations, affirmant que Joly utilise ces allégations pour se disculper : « C’est un écrit vague sans sens. Je ne veux pas répondre à un repris de justice que moi-même, mon équipe et Normil Rameau avions arrêté. Un voyou qui devait avoir sa libération en 2018, au prix de 15 000 USD que son gang aurait décaissés à cette fin, libération à laquelle je m’étais brutalement opposé. Lors du kidnapping de prêtres catholiques, Jovenel avait voulu libérer Joly en échange de l’élargissement des prêtres, ce qui a été encore heurté à la résistance. Pourquoi répondre à ce voyou qui choisit un nom pour essayer de se disculper ? »
Les révélations de Joly, bien que démenties par Sénatus, mettent en lumière des allégations graves de corruption et de malversations au sein du système judiciaire et politique haïtien. Joly accuse plusieurs figures du système judiciaire d’avoir dilapidé les fonds versés pour sa défense. Il mentionne un conflit entre son ancien avocat ‘‘Rebert Cherie’’ et d’autres avocats, qui aurait conduit à une divulgation compromettante concernant des pots-de-vin destinés au juge Dubé. Selon Joly, cette corruption systémique empêche toute forme de véritable justice en Haïti.
Les déclarations de Germine ‘‘Yonyon’’ Joly et la réaction de Jean Renel Sénatus soulignent les tensions profondes et les accusations de corruption qui affligent le système judiciaire et politique haïtien. Ces révélations, si elles sont avérées, indiquent la nécessité d’une réforme profonde et d’une vigilance accrue pour restaurer la justice et la sécurité en Haïti. Alors que les accusations continuent de faire surface, la vérité reste à établir, et les enjeux pour l’avenir de la justice en Haïti n’ont jamais été aussi élevés.
Bien que Joly, qui a plaidé coupable pour une douzaine de chefs d’accusation liés au trafic d’armes et au blanchiment d’argent impliquant l’enlèvement de citoyens américains, reconnaisse avoir eu connaissance de “ces actions abominables perpétrées sur la population” depuis 2011, il ne fait aucun lien avec la liste des crimes dont lui et son gang 400 Mawozo sont accusés : prises d’otages, pillages et massacres.
En mai 2022, Joly, l’un des chefs de gang les plus notoires du pays, a été extradé des autorités américaines pour être jugé devant un tribunal fédéral à Washington pour plus de quatre douzaines de chefs d’accusation de trafic d’armes. Il est également confronté à un procès distinct pour l’enlèvement de missionnaires americains.