Réunion à huis clos du Conseil de Sécurité de l’ONU sur Haïti…

Les membres du Conseil de Securite de l'ONU en reunion...

NEW YORK, mardi 19 mars 2024 – Le Conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni à huis clos lundi en d’après-midi pour aborder la situation en Haïti. Cette réunion, convoquée par l’Équateur et les États-Unis, visait à obtenir une mise à jour sur l’accord du 11 mars concernant un arrangement de gouvernance transitoire pour Haïti. Cet accord, facilité par la Communauté caribéenne (CARICOM) en réponse à l’escalade récente de la violence des gangs dans le pays, a été discuté en présence de María Isabel Salvador, Représentante spéciale et Chef du Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), ainsi que d’un représentant de la CARICOM.

‘‘Annoncé par la CARICOM après plusieurs jours de discussions avec les acteurs politiques haïtiens et une réunion d’urgence en Jamaïque, l’accord du 11 mars représente un compromis parmi les différentes propositions de gouvernance transitoire soumises à la CARICOM par des groupes haïtiens, souligne le Conseil de Sécurité.

 Il prévoit la création d’un Conseil Présidentiel Transitoire composé de sept membres votants et de deux observateurs non-votants, chargé notamment de nommer un nouveau Premier ministre intérimaire, de coordonner l’assistance internationale en matière de sécurité et de superviser les élections tant attendues.

Les membres votants du conseil doivent être sélectionnés parmi cinq groupements  politiques, la coalition de groupes civiques et politiques connue sous le nom d’Accord Montana, ainsi que la communauté des affaires, tandis que les observateurs non-votants seront issus de la société civile et de la communauté religieuse. ‘‘Le Premier ministre par intérim Ariel Henry a annoncé sa démission une fois le conseil installé et a nommé son successeur.’’

Cet accord fait suite à des semaines de violence croissante en Haïti. Fin février, des gangs criminels à Port-au-Prince ont lancé des attaques coordonnées contre des postes de police, des prisons, des institutions gouvernementales et des sites civils.

Le 2 mars, des gangs ont attaqué deux pénitenciers, entraînant la libération de 4 700 détenus selon les rapports. Les autorités haïtiennes ont alors déclaré un état d’urgence de trois jours, prolongé jusqu’au 3 avril. Des tentatives d’attaque contre l’aéroport international principal de la ville ainsi que des bâtiments gouvernementaux clés, dont le Palais présidentiel et le Ministère de l’Intérieur, ont également été rapportées.

Selon le Conseil de Sécurité, la violence a coûté la vie à plus de 130 civils entre le 27 février et le 8 mars, ainsi qu’à au moins 40 membres de gangs entre le 29 février et le 10 mars. Elle a entraîné le déplacement de près de 15 000 personnes à Port-au-Prince et a compliqué la distribution de l’aide humanitaire, aggravant les conditions dans un pays où 44% de la population souffre actuellement d’insécurité alimentaire aiguë. Pour pallier cette situation, le BINUH a annoncé le 13 mars la mise en place d’un pont aérien entre Haïti et la République dominicaine afin d’assurer la livraison de l’aide humanitaire et de faciliter la rotation du personnel de la mission.

Le Conseil souligne que la récente escalade de violence a été revendiquée par Jimmy Chérizier, chef de gang également connu sous le nom de “Barbecue”, qui dirige une alliance de gangs appelée “G9 Family and Allies”.

Chérizier a affirmé dans une vidéo du 29 février vouloir capturer le chef de la police d’Haïti et les ministres du gouvernement, et empêcher le retour d’Ariel Henry, alors au Kenya pour signer un accord facilitant le déploiement d’une mission de soutien sécuritaire multinational (MSS) pour contrer la violence des gangs. Bien que le Conseil de sécurité ait adopté la résolution 2699 en octobre 2023, autorisant le déploiement d’une mission MSS dirigée par le Kenya, des retards ont été constatés, notamment en raison d’une décision de la Haute Cour du Kenya exigeant un arrangement de sécurité bilatéral avant le déploiement.

‘‘Une évolution notable est la coopération apparente entre les gangs du G9 et d’autres groupes armés, notamment une coalition appelée G-Pep, principale rivale du G9. Bien qu’une trêve annoncée en septembre 2023 ait échoué, Chérizier a mentionné cette initiative dans sa vidéo annonçant les attaques, suggérant un élan de collaboration face au déploiement imminent de la mission MSS. Cette unification des gangs pourrait représenter un défi significatif pour la mission’’, déclare le Conseil de Sécurité.

‘‘Bien que la violence ait diminué après l’annonce de l’accord du 11 mars et de la démission prévue d’Ariel Henry, des retards dans la mise en œuvre de l’accord ont été observés. Alors que certains groupes peinent à désigner leurs représentants au Conseil Présidentiel Transitoire, d’autres, comme la ‘‘Platfòm Pitit Desalin’’ (PPT) dirigé par l’ancien sénateur Jean-Charles Moïse, refusent de participer et proposent un conseil présidentiel alternatif. Le déploiement de la mission MSS reste également en suspens, en attente de la nomination d’un nouveau Premier ministre intérimaire et de ressources supplémentaires, notamment des fonds bloqués au Congrès américain’’, déplore le Conseil.

Face à cette situation, le Conseil de sécurité de l’ONU exprime une profonde préoccupation et appelle à un déploiement rapide de la mission MSS afin de garantir des conditions de sécurité propices à un processus politique inclusif et à des élections libres et équitables en Haïti. La récente escalade de violence souligne la gravité de la crise multidimensionnelle dans laquelle est plongé le pays depuis l’assassinat de l’ancien président Jovenel Moïse en juillet 2021, exacerbant une situation politique instable et des conditions humanitaires désastreuses.