NAIROBI, Kenya lundi 11 mars 2024– – En octobre 2023, le Conseil de sécurité des Nations unies a approuvé ce qui a été appelé le Soutien à la sécurité multinationale en Haïti. Comme cela est bien connu, Haïti est confrontée à un grave problème de violence des gangs et de crimes liés aux gangs. On rapporte qu’au moins 5000 personnes ont été tuées à la suite de la violence des gangs et que au moins 200 000 autres ont été déplacées.
Dans les dernières nouvelles, on rapporte qu’un état d’urgence a été déclaré après que 4 000 détenus ont réussi à s’évader de prison. Les Nations unies, dans un communiqué récent, ont indiqué qu’elles avaient documenté 4 789 décès dus à ladite violence des gangs, ce qui a entraîné une augmentation de 119 % par rapport à 2022, où 3000 personnes supplémentaires avaient été enlevées au cours de la même période.
La situation politique en Haïti est tout aussi criante, car après l’assassinat du président Jovenel Moïse, le pays semble avoir sombré dans une tourmente plus profonde. On rapporte que le Premier ministre est incapable de retourner dans le pays, avec des rapports selon lesquels le gang ne veut pas le voir revenir sur le sol haïtien, menaçant une guerre civile s’il le fait.
Du point de vue d’un étranger, dont la seule source d’information est les médias, on ne peut qu’apprécier la situation désastreuse dans laquelle se trouve le pays et donc la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. C’est après cette résolution que le Kenya a accepté d’envoyer au moins 1000 policiers dans la nation des Caraïbes.
Il convient de noter que parmi les pays qui se sont engagés dans cette opération, seul le Kenya a accepté d’envoyer le plus grand nombre d’officiers. Les États-Unis ont indiqué qu’ils n’enverraient aucune troupe mais espéraient fournir au moins 100 millions de dollars pour soutenir la mission multinationale en matière d’assistance logistique et financière.
Le déploiement de la police kényane en Haïti a été contesté devant la Haute Cour du Kenya et un jugement a été rendu par le juge Chacha Mwita, qui a conclu que de telles actions étaient illégales et anticonstitutionnelles et qu’aucun policier ne devait donc être déployé.
Il a été justement argumenté que nulle part dans notre Constitution ou dans nos lois touchant à notre coopération internationale et à notre sécurité, il n’est prévu que des policiers puissent être déployés dans d’autres pays pour des missions de maintien de la paix.
Le juge a également et à juste titre déclaré que cela relevait de la réserve des forces de défense. Après que la Haute Cour a rendu sa décision, le président a publiquement choisi d’ignorer la directive de la Cour et a insisté sur le fait que des policiers “doivent” être envoyés en Haïti pour la mission.
Un tel manque de respect évident pour les ordres de la cour est très préoccupant, on se demande alors pourquoi avons-nous des tribunaux qui émettent des ordonnances qui doivent être ignorées ou rejetées de manière à ne pas servir à grand-chose. Je suis d’accord avec les sentiments du juge selon lesquels le fait que le Kenya accepte d’aider la nation d’Haïti était une chose noble mais que, comme cela ne conforme pas à la Constitution et aux lois, c’est illégal et ne devrait pas être mis en œuvre.
Il est important de se rappeler que le Kenya est un pays régi par l’État de droit et que, en tant que tel, nous devons adhérer et être guidés par les dictées de la loi. Il est important de se rappeler qu’en vertu de nos dispositions constitutionnelles, personne n’est au-dessus de la loi et que les décisions des tribunaux, sauf si elles sont annulées en appel, sont contraignantes pour chaque Kenyan. La situation n’est pas différente avec l’ordre de ne pas déployer notre police en Haïti.
Nos tribunaux sont la dernière ligne de défense lorsque tout le reste autour de nous semble échouer, si les ordres qu’ils émettent ne sont pas respectés, quel message est envoyé même aux citoyens ordinaires. Il faut apprécier que nous ne puissions pas mettre la vie de nos policiers en danger étant donné la situation en Haïti et que le jugement du tribunal puisse être ce salut.
Les ordonnances des tribunaux ne sont pas faites en vain, elles visent à garantir que le respect de l’État de droit est sauvegardé et que le constitutionalisme est respecté. Je ne suis peut-être pas au courant des “intérêts” de ceux qui poussent au déploiement, mais je peux affirmer que les mêmes ne devraient pas passer outre à une ordonnance de la cour. En tant que tel, il est important que la décision de la cour interdisant le déploiement de la police en Haïti soit respectée.
L’auteur Wallace Nderu est avocat à la Haute Cour et responsable de programme à la CIJ Kenya.
Cet article a d’abord été publié dans le Daily Nation