NEW-YORK, mercredi 2 octobre 2024– Le Conseil de sécurité des Nations Unies se prépare à renouveler les sanctions contre Haïti dans un contexte de violence extrême et de crise humanitaire sans précédent. En octobre, une réunion se tiendra pour examiner la situation, bien qu’aucune date précise n’ait encore été fixée. Le régime de sanctions 2653, instauré en 2022, expire le 19 octobre, et son renouvellement est à l’ordre du jour. Ce régime vise à sanctionner les acteurs politiques, les chefs de gangs et leurs soutiens financiers responsables de la violence qui plonge Haïti dans le chaos. Une séance d’information, suivie de consultations sur la situation du pays, est prévue, avec l’intervention de María Isabel Salvador, représentante spéciale et chef du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), ainsi que celle d’un représentant du Kenya, qui devrait fournir une mise à jour sur le déploiement de la Mission de soutien à la sécurité multinationale (MSS). Un membre de la société civile haïtienne pourrait également intervenir pour offrir une perspective locale sur cette crise.
Cette réunion survient alors que la violence des gangs atteint des niveaux critiques. Ces groupes armés, contrôlant plus de 80 % de Port-au-Prince et de nombreuses autres régions, ont transformé la vie quotidienne en une lutte pour la survie. Depuis le début de l’année 2024, plus de 2 500 personnes ont été tuées, et environ 200 000 autres ont été déplacées à l’intérieur du pays. Selon des rapports, les enlèvements sont en hausse, et les gangs ont pris le contrôle des infrastructures vitales, exacerbant une crise humanitaire déjà catastrophique.
Le régime de sanctions, qui inclut des mesures telles que le gel des avoirs et des interdictions de voyage, a déjà ciblé plusieurs personnalités politiques et économiques haïtiennes soupçonnées de financer ou de soutenir les gangs. En 2022, les sanctions avaient notamment touché des figures influentes de la diaspora, mais ces mesures n’ont pas suffi à endiguer la montée en puissance des groupes armés. En 2023, des sanctions supplémentaires ont été imposées à des membres de l’élite économique haïtienne, soupçonnés d’entretenir des liens avec ces gangs. Ces sanctions avaient notamment pour objectif de bloquer les flux financiers et logistiques qui permettent aux gangs de prospérer. Malgré ces efforts, les groupes armés continuent de défier l’État, sapant l’autorité gouvernementale et aggravant la désintégration des institutions.
Le Conseil de sécurité espère que le renouvellement des sanctions et le déploiement de la MSS permettront de restaurer une certaine forme d’ordre en Haïti. La mission, dirigée par le Kenya, vise à sécuriser les infrastructures essentielles, rétablir l’accès aux routes stratégiques, et apporter un soutien aux forces de sécurité haïtiennes, qui peinent à contenir les violences. Cependant, ces efforts internationaux se heurtent à une réalité complexe sur le terrain, où la coopération entre les différentes parties, y compris les autorités haïtiennes affaiblies, reste incertaine.
La crise humanitaire s’aggrave également. Près de 4,9 millions d’Haïtiens souffrent de la faim, une conséquence directe de l’insécurité généralisée qui empêche l’acheminement de l’aide humanitaire. Les routes menant aux zones rurales, où les conditions de vie sont proches de la famine, sont bloquées par les gangs, qui privent ainsi les communautés vulnérables de tout accès à la nourriture et aux services de base. L’insécurité s’étend même aux grandes villes, où des pénuries alimentaires sévissent. Dans certaines régions, la population est totalement coupée du reste du pays.
Sur le plan politique, l’impact de la violence est tout aussi dévastateur. L’État haïtien, déjà fragile, peine à maintenir son autorité dans des zones dominées par les gangs. La perte de contrôle sur ces territoires, combinée à des accusations de collusion entre des responsables politiques et les groupes armés, mine la légitimité du gouvernement et empêche toute tentative de rétablir l’ordre. L’économie nationale est également paralysée par cette violence. Les entreprises ferment leurs portes, les investissements étrangers se font rares, et le commerce est gravement perturbé. La production agricole est en déclin, les paysans étant contraints d’abandonner leurs terres en raison de l’insécurité. Cette situation accentue la pauvreté et le chômage, tandis que la population continue de sombrer dans une précarité extrême.
Malgré ces efforts, les violences ont atteint un pic alarmant en 2024, avec des chiffres dramatiques rapportés par les Nations Unies. Plus de 3 960 personnes ont été tuées depuis le début de l’année, et près de 578 000 personnes ont été forcées de quitter leur domicile, y compris des femmes et des enfants particulièrement vulnérables. Port-au-Prince, la capitale, est presque entièrement sous l’emprise des gangs, rendant l’accès aux services essentiels et aux routes commerciales pratiquement impossible. L’aggravation de la crise humanitaire rend toute tentative de stabilisation du pays encore plus difficile.
En dépit des sanctions renouvelées et des initiatives internationales, il est clair que ces mesures, bien que nécessaires, ne suffiront pas à résoudre cette crise profonde. L’intervention internationale, par le biais de la MSS, n’a jusqu’ici permis de démanteler les gangs qui transforment la région métropolitaine de Port-au-Prince en une prison à ciel ouvert où la population est contrainte de se barricader chez elle.