PORT-AU-PRINCE, mardi 5 novembre 2024 — Une rencontre s’est tenue hier, lundi 4 novembre, entre le Premier ministre Garry Conille, Laurent Saint-Cyr, conseiller-président, et Leslie Voltaire, président du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), pour aborder la question délicate de la présence de “mercenaires” étrangers en Haïti.
Fin septembre, des informations ont révélé que Garry Conille avait discrètement conclu un accord avec Studebaker Defense Group, une entreprise multinationale de sécurité employant d’anciens responsables du Pentagone et de la CIA. Cette société, qui cherchait à s’implanter en Haïti depuis plus d’un an, aurait trouvé une opportunité dans le contexte actuel. Jake Johnston, spécialiste de la situation haïtienne, explique : « La firme cherchait à obtenir des contrats en Haïti depuis plus d’un an. »
En mars 2023, Wesley Clark, général américain à la retraite et membre du conseil d’administration de Studebaker, aurait tenté d’engager des pourparlers avec l’ancien Premier ministre Ariel Henry, se déplaçant même à Port-au-Prince pour rencontrer des représentants du gouvernement. Bien qu’aucun accord n’ait été conclu à ce moment, un porte-parole de Studebaker a récemment confirmé la présence actuelle de l’entreprise en Haïti.
Dans une déclaration adressée à Haiti Relief & Reconstruction Watch (HRRW), Studebaker a affirmé avoir mis en place une initiative de formation et de mentorat pour soutenir la Police Nationale d’Haïti (PNH) et renforcer la sécurité publique haïtienne. La société précise qu’elle intervient “strictement dans un rôle consultatif” et rend compte “directement au directeur général de la PNH.”
Cependant, lors de la réunion de lundi, Garry Conille n’a pas pu fournir au CPT le contrat officiel signé entre l’État haïtien et Studebaker Defense Group. Selon une source gouvernementale, Conille a simplement présenté un mémorandum, qualifié de lettre d’intention, sans remettre de copie à Voltaire et Saint-Cyr, qui n’ont pu consulter le document en détail.
La même source indique que de nombreuses zones d’ombre subsistent autour de la présence de ces “mercenaires.” Le CPT demeure dans l’incertitude quant à leur nombre, leur rôle exact, et la justification de leur présence en Haïti.
Les tensions entre la Primature et la Présidence s’accentuent, les deux pôles du pouvoir exécutif de transition peinant à régler leurs différends en privé, ce qui expose ces querelles au grand jour.
La révélation de la présence de mercenaires coïncide avec une tentative présumée d’assassinat contre le Premier ministre et plusieurs membres de son gouvernement, dénoncée par le ministère de la Justice et de la Sécurité publique, qui a affirmé disposer de renseignements à ce sujet. Cependant, aucune arrestation n’a été effectuée à ce jour, et le ministère n’a pas fourni d’informations supplémentaires sur le dénouement de cette affaire.
Le CPT, qui exerce les fonctions présidentielles depuis six mois, est ressorti de la rencontre avec Garry Conille avec davantage de questions que de réponses sur un dossier particulièrement sensible, pour lequel des explications sont attendues par l’ensemble de la population.