Réforme judiciaire et crise du personnel : “le RENAMAH interpelle les autorités sur l’effondrement des tribunaux haïtiens”…

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PORT-AU-PRINCE, 23 avril 2025 (RHINEWS) Le Réseau national des magistrats haïtiens (RENAMAH) salue la promulgation officielle, ce lundi, du décret n° 2025‑067 instituant deux pôles judiciaires spécialisés dans la juridiction de Port-au-Prince. Ce décret, qualifié d’historique par les membres du réseau, marque l’aboutissement de plus d’une décennie de plaidoyer en faveur de la spécialisation de la magistrature haïtienne.

Selon le communiqué de presse publié ce jour par le RENAMAH depuis le Palais de Justice de Port-au-Prince, la réforme trouve ses racines dans les initiatives lancées dès 2013 par le magistrat Ikenson Edumé, qui avait engagé le débat à travers conférences, publications et tribunes médiatiques. L’idée fut ensuite institutionnalisée en 2019 avec la création du RENAMAH par les magistrats Edumé et Lucien Georges.

Les jalons décisifs ont été posés en août 2022 lors de la Première Conférence internationale sur la création de pôles judiciaires spécialisés, tenue à Port-au-Prince avec la participation de plus de 600 magistrats issus d’Amérique latine, d’Afrique et d’Amérique du Nord. L’événement, organisé avec l’appui du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), du Haut-Commissariat des Nations Unies en Haïti (HCNU‑Haïti), du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) et du PNUD, a permis de produire un rapport stratégique remis aux plus hautes autorités du pays.

La promulgation du décret est perçue comme une reconnaissance par l’État haïtien de la nécessité d’une magistrature spécialisée pour lutter efficacement contre la corruption, la criminalité économique et financière, les crimes sexuels, le terrorisme et les crimes transnationaux. Le RENAMAH souligne que cette réforme contribuera à restaurer la crédibilité et l’efficacité de la justice haïtienne.

« Ce décret donne corps à plus de dix années de réflexion, de publication et de mobilisation collective, » a déclaré un représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies en Haïti. Le RENAMAH appelle la société haïtienne à s’approprier cette avancée, qui vise une justice « plus rapide, plus spécialisée et plus saine ».

Dans ses remerciements, le réseau exprime sa gratitude envers le HCNU-Haïti, le PNUD, ainsi que tous les magistrats et partenaires ayant contribué au processus. Le président du RENAMAH, le magistrat instructeur Loubens Élysée, a par ailleurs annoncé les prochaines étapes de la réforme : la formation d’un comité de suivi national et international, un appel à candidatures pour les postes de magistrats spécialisés, ainsi que des ateliers de formation continue pour les professionnels de la justice.

Le Réseau national des magistrats haïtiens (RENAMAH) a adressé une correspondance officielle ce lundi au coordonnateur du Conseil présidentiel de transition (CPT), M. Fritz Jean, pour lui demander de procéder, sans plus tarder, à la signature des commissions de magistrats, condition sine qua non au bon fonctionnement de l’appareil judiciaire national.

Dans cette lettre acheminée depuis le Palais de justice de Port-au-Prince, le président du RENAMAH, Loubens Élysée, alerte les autorités sur une situation de paralysie imminente des tribunaux, particulièrement en raison d’un manque drastique de personnel judiciaire à travers toutes les juridictions du pays. Le RENAMAH souligne que des dizaines de tribunaux de paix sont actuellement sans juge ou avec un effectif réduit à un ou deux magistrats, alors même que ces juridictions constituent, selon l’organisation, « le socle du système judiciaire ».

La situation est tout aussi préoccupante au niveau des juridictions de première instance et des cinq cours d’appel du pays. Les rares cabinets d’instruction encore fonctionnels sont submergés par le volume de dossiers à traiter, contribuant directement à l’aggravation du phénomène de la détention préventive prolongée. Dans certaines cours d’appel, l’effectif ne suffit plus pour organiser des audiences régulières, et plusieurs tribunaux risquent de fermer complètement leurs portes d’ici juin 2025, prévient l’organisation.

Par ailleurs, le RENAMAH appelle à une intégration immédiate des élèves-magistrats finissants de l’École de la magistrature (EMA), sélectionnés à l’issue d’un concours public et ayant complété le cycle de formation probatoire prévu par la loi. Selon le réseau, leur nomination rapide contribuerait à désengorger les parquets et améliorer l’efficacité du traitement des affaires judiciaires.

La correspondance rappelle que le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) a déjà émis un avis favorable sur le renouvellement des mandats et la promotion des magistrats concernés, et que le ministre de la Justice, Dr Pélissier, a, de son côté, transmis les dossiers dûment complétés au Conseil présidentiel de transition.

Le RENAMAH exhorte ainsi le coordonnateur Fritz Jean à exercer sans délai son leadership afin de valider les nominations nécessaires. « Avant qu’il ne soit trop tard, la justice haïtienne a besoin d’un geste de votre part pour rester fonctionnelle », conclut la lettre, qui s’inscrit dans un contexte de fragilité extrême des institutions judiciaires haïtiennes.

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