PORT-AU-PRINCE, mercredi 22 janvier 2025– Depuis plusieurs mois, les banques commerciales haïtiennes font face à une situation délicate liée à la rareté des dollars en numéraire. Cette crise a suscité des tensions croissantes entre les institutions financières et leur clientèle. Contraints d’offrir des alternatives telles que les virements bancaires, les chèques de direction ou des paiements en gourdes, les banques subissent de vives critiques de la part des clients frustrés. Des acteurs politiques et populistes ont profité de ce contexte pour attiser la colère, réclamant que « les banques rendent les dollars au peuple ».
En décembre 2024, ce conflit a pris une dimension judiciaire avec la plainte déposée par Me Caleb Jean-Baptiste, avocat et ancien client de l’UNIBANK. Dans sa plainte, il a accusé la banque de ne pas respecter le taux de référence fixé par la Banque de la République d’Haïti (BRH), de refuser de remettre en cash les dépôts effectués en dollars et de bloquer des transactions effectuées en devises sur des cartes de crédit. « Les banques doivent respecter les droits des clients et leur remettre leur argent sous la forme qu’ils demandent, particulièrement en dollars lorsqu’ils ont des comptes libellés dans cette devise », a déclaré Me Jean-Baptiste dans son dépôt de plainte.
L’UNIBANK, en réaction, a décidé de fermer unilatéralement les comptes de Me Jean-Baptiste, expliquant que son comportement allait à l’encontre des normes bancaires établies. Ce dernier, mécontent, a porté l’affaire devant le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, en accusant également UNICARTE, Visa Card et les membres du conseil d’administration de la banque, dont Franck Hemcke, Adrien Castera et Edouard Baussan. Les accusations incluaient des faits graves tels qu’abus de confiance, corruption, escroquerie, enrichissement illicite et blanchiment d’avoirs.
Cependant, le 3 janvier 2025, Me Lionel Constant Bourgouin, commissaire du gouvernement près le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, a conclu qu’il n’y avait pas matière à poursuivre. « Les faits articulés dans cette plainte et les pièces annexées ne présentent aucun caractère pénal. Il n’y a donc pas lieu d’ouvrir une information judiciaire », a-t-il indiqué dans son réquisitoire de non-informer.
Le 13 janvier 2025, le juge d’instruction a suivi cette recommandation et a rendu une ordonnance de refus d’informer. Dans sa décision, le magistrat a précisé que « les faits articulés dans la plainte […] ne constituent pas des infractions au regard de la loi ».
Pour Me Samuel Madistin, avocat de l’UNIBANK, cette décision de justice met un point final à l’affaire. « Tout client qui ne respecte pas les normes bancaires établies en Haïti sera exclu du système bancaire, purement et simplement. Si Me Caleb Jean-Baptiste voulait plus de liberté de gestion, il n’a qu’à ouvrir sa propre banque », a-t-il déclaré.
Interrogé sur la possibilité de voir l’ancien client renouer avec la banque en respectant désormais les règles établies, Me Madistin s’est montré catégorique : « Il n’y aura pas de deuxième chance pour ce client. La justice n’est pas un “qui perd gagne”. »
Cette ordonnance judiciaire met-elle un terme définitif aux débats sur la rareté du dollar en Haïti ? Pour Me Madistin, la réponse est sans équivoque : « La crise du dollar est avant tout liée à la crise politique et sécuritaire qui secoue le pays. Aucune réaction populiste ou mesure démagogique ne pourra résoudre un problème aussi sérieux. »
En dépit de cette décision, la problématique de l’accès aux devises étrangères reste entière. La stabilisation politique et économique demeure la clé pour surmonter cette crise persistante, selon de nombreux observateurs.