PORT-AU-PRINCE, samedi 8 mars 2025- L’accession de Fritz Alphonse Jean à la présidence du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) suscite de nombreux débats au sein de l’opinion publique. Face aux interrogations croissantes, le Conseiller Emmanuel Vertilaire a tenu à clarifier les règles de fonctionnement du Conseil, rappelant que la présidence du CPT ne confère aucun pouvoir individuel au titulaire de cette fonction.
Dans une déclaration officielle, Emmanuel Vertilaire salue l’arrivée de Fritz Alphonse Jean à la présidence du CPT tout en insistant sur le caractère collégial de cette institution. Il précise que « le Président du CPT n’est pas le Président de la République mais du Conseil Présidentiel », soulignant ainsi la distinction fondamentale entre les prérogatives du CPT et celles d’un chef d’État traditionnel.
Selon l’article 4 du décret portant création du CPT, « le Conseil Présidentiel de Transition exerce des pouvoirs présidentiels spécifiques de la Présidence pendant la période de Transition ». Toutefois, ces pouvoirs sont exercés collectivement et non individuellement. « Le Président du CPT exerce des fonctions de coordination et de représentation mais ne dispose d’aucune autorité sur ses pairs », rappelle Vertilaire.
L’un des points évoqués par Vertilaire concerne la prise de décision au sein du CPT. Il insiste sur le fait que toute action entreprise au nom du Conseil doit être validée par les autres membres. « À ce titre, il est habilité à apposer sa signature au nom du CPT uniquement avec l’accord des autres membres. Tout document signé sans l’aval des autres membres du Conseil sera frappé de nullité absolue », avertit-il.
De plus, la tenue du Conseil des Ministres requiert la présence d’au moins cinq membres votants, et aucune décision ne peut être adoptée sans avoir obtenu leur aval. « Le respect de ces principes n’est pas une option, mais une exigence démocratique et institutionnelle », insiste Vertilaire.
Alors que le CPT tente d’asseoir son autorité dans un contexte politique fragile, son image est entachée par des soupçons de corruption. En octobre 2024, l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) a publié un rapport impliquant plusieurs membres du CPT, dont Emmanuel Vertilaire. Le rapport suggérait que ces derniers auraient tenté d’extorquer 100 millions de gourdes à Raoul Pascal Pierre-Louis en échange du maintien de son poste à la Banque Nationale de Crédit (BNC).
Cependant, faute de preuves tangibles, l’ULCC a écarté ces accusations, se concentrant plutôt sur une carte de crédit obtenue par Vertilaire auprès de la BNC. Contestant ces allégations, Vertilaire a saisi la Cour d’Appel de Port-au-Prince pour remettre en question la compétence du juge d’instruction en charge du dossier.
Le 19 février 2025, la Cour d’Appel a rendu une décision suspendant les mandats de comparution émis à l’encontre de Vertilaire et de ses collègues conseillers, invoquant leur statut de hauts fonctionnaires.
Si la décision de la Cour d’Appel semble alléger la pression sur les conseillers du CPT, elle n’a pas mis fin aux doutes quant à leur probité. Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a exprimé des réserves, estimant que cette décision ne renforçait pas la crédibilité du système judiciaire haïtien dans le cadre de cette affaire.
Me Samuel Madistin, président de la Fondation Je Klere (FJKL), souligne que l’arrêt de la Cour d’Appel ne met pas un terme aux poursuites. « L’arrêt ne met pas un terme aux poursuites engagées contre Emmanuel Vertilaire, Louis Gérald Gilles et Smith Augustin. Il se contente de suspendre l’exécution des mandats de comparution tant qu’ils occupent leurs fonctions actuelles », explique-t-il.
En d’autres termes, une fois que ces conseillers auront quitté leurs fonctions – que ce soit par démission, par décision du CPT, par caducité de cette instance ou à l’échéance de leur mandat en février 2026 –, les poursuites reprendront automatiquement.
Dans ce climat de tensions institutionnelles et de controverses judiciaires, le Conseil Présidentiel de Transition peine à instaurer un climat de stabilité et de confiance. Tandis que Fritz Alphonse Jean prend la tête du CPT, la gouvernance collégiale annoncée par Emmanuel Vertilaire sera-t-elle respectée ? Les accusations de corruption continueront-elles de peser sur la légitimité du Conseil ? L’ascension de Fritz Jean crée-r-elle la panique chez certains de ses collègues?