PORT-AU-PRINCE, le vendredi 12 janvier 2024- Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a mené une enquête du 5 décembre 2023 au 10 janvier 2024, se penchant sur la situation des personnes déplacées après le séisme dévastateur du 12 janvier 2010, ainsi que sur celles contraintes à fuir en raison de l’insécurité croissante en Haïti.
Le RNDDH rappelle que séisme de magnitude 7.3 sur l’échelle de Richter en 2010 a laissé des cicatrices profondes, provoquant la mort de plus de 222 000 personnes et la disparition de plus de 300 000 autres. Malgré les promesses des gouvernements successifs, les mesures effectives pour aider la population à se relever dignement n’ont jamais été adoptées.
Depuis lors, souligne l’organisation, Haïti a été frappée par d’autres séismes, le dernier en date étant celui du 21 décembre 2021, exacerbant la crise humanitaire. En parallèle, l’insécurité s’est intensifiée, avec la prolifération de gangs armés contrôlant une grande partie du territoire.
Le RNDDH a visité quarante-et-un (41) sites d’accueil, dont quinze (15) créés après le séisme de 2010 et vingt-six (26) formés suite à des épisodes de violence. Ces sites se trouvent principalement dans les communes de la Croix-des-Bouquets, de Delmas, de Léogane, de Port-au-Prince et de Tabarre.
Selon l’enquête du RNDDH, les victimes du séisme de 2010 et celles de l’insécurité cohabitent désormais dans ces camps, confrontées à des conditions de vie précaires et à une situation sécuritaire catastrophique.
Le RNDDH a élaboré un questionnaire de quinze (15) questions portant sur l’organisation des sites d’accueil, la gestion de la sécurité, la présence de l’institution policière, les distributions d’aide humanitaire, l’accès à l’eau et aux soins de santé. Les sites ont été sélectionnés en tenant compte de leur accessibilité malgré les défis liés à l’insécurité.
L’enquête révèle que l’État haïtien n’a pas réussi à faire preuve de maturité dans la gestion des catastrophes. Les autorités ont fait des promesses d’aide après chaque séisme, mais cette aide reste sporadique et souvent non structurée, laissant les victimes dans la précarité.
L’insécurité, caractérisée par des actes de violence tels que des assassinats, des vols et des viols, est alimentée par la présence de gangs armés qui contrôlent une grande partie du territoire. Au moins vingt-cinq (25) massacres et attaques armées ont été recensés depuis 2018, entraînant le déplacement massif de la population.
L’enquête du RNDDH met en lumière les conditions précaires dans les sites d’accueil des victimes du séisme de 2010 en Haïti, notamment ceux affectés par l’insécurité. Cette situation complexe expose les déplacés à divers dangers et met en évidence les lacunes dans la gestion de ces camps
L’organisation fait remarquer que, malgré les efforts initiaux pour reloger les déplacés, de nombreux camps sont confrontés à des problèmes majeurs, exacerbés par l’insécurité croissante.
Le rapport du RNDDH met en lumière les attaques répétées par des bandits armés dans plusieurs sites, forçant les résidents à fuir pour leur sécurité. Des quartiers tels que Tabarre Issa de Greffin, Corail Cesselesse, Jérusalem, Onaville, et Village Casimir ont été partiellement ou totalement vidés de leur population, créant une crise humanitaire.
Les impacts de cette situation sont dévastateurs. Les institutions publiques, y compris les écoles et les hôpitaux, ont cessé de fonctionner dans des zones telles que Corail Cesselesse, Jérusalem, et Onaville. Les habitants n’ont plus accès à l’eau potable ni à l’électricité, et vivent dans la peur constante d’attaques de bandits armés.
Le rapport du RNDDH souligne également les conditions difficiles dans les camps de déplacés créés en raison de l’insécurité. Plus de 11 000 hommes, 13 000 femmes, 458 femmes enceintes, 8 249 mineurs et 484 bébés vivent dans ces 26 camps. Malheureusement, les installations ne suffisent pas, obligeant de nombreuses personnes à dormir dans des conditions précaires, exposées aux intempéries.
L’organisation de la sécurité dans ces camps est assurée principalement par les comités locaux, mais cela ne garantit pas une protection totale contre les attaques armées. Les résidents vivent dans la crainte, souvent réveillés par des bruits d’armes automatiques pendant la nuit.
Le rapport met également en évidence des cas de violences enregistrées, notamment des agressions verbales, des vols, et des agressions physiques. Bien que les comités de gestion tentent de résoudre ces conflits, l’efficacité de ces efforts reste limitée, et dans certains cas, les déplacés sont contraints de fuir à nouveau.
La situation décrite par le RNDDH souligne l’urgence d’une intervention gouvernementale et internationale pour améliorer les conditions de vie des victimes du séisme de 2010 en Haïti. Il est essentiel de garantir la sécurité, l’accès à des conditions de vie décentes et de trouver des solutions durables pour ces communautés vulnérables.
Selon le RNDDH, 85 % des comités de camps ont admis que la police effectue des patrouilles aux alentours des camps et intervient en cas de violence ou pour aider aux distributions humanitaires. Cependant, le rapport souligne que l’aide humanitaire n’est jamais suffisante, et certaines distributions manquent de transparence, permettant à des individus malhonnêtes de s’approprier l’aide destinée aux victimes.
En ce qui concerne l’eau et l’assainissement, le rapport révèle que la régularité de la distribution d’eau par la Direction Nationale de l’Eau Potable et de l’Assainissement (DINEPA) varie d’un camp à l’autre. Certains camps dépendent d’organisations non gouvernementales, d’entreprises privées ou de particuliers pour leur approvisionnement en eau. De plus, les conditions sanitaires dans les camps sont alarmantes, avec des latrines non vidangées, des détritus non éliminés et un risque élevé de propagation de maladies contagieuses.
En ce qui concerne les installations sanitaires, le rapport indique que seuls 23 % des camps disposent de latrines propres et fonctionnelles, tandis que 57 % fonctionnent partiellement. Certains camps n’ont jamais eu de latrines, obligeant les résidents à faire leurs besoins de manière précaire.
L’éclairage des sites est également un problème, avec 57 % des camps qui ne sont pas du tout éclairés. Cela entraîne des difficultés pour les résidents qui dépendent de lampes rechargeables ou d’autres sources d’éclairage improvisées.
En ce qui concerne l’accès aux soins de santé, le rapport souligne que les déplacés ont généralement un accès limité aux services médicaux. Bien que des agents du ministère de la Santé Publique et de la Population soient présents dans certains camps, leur capacité est limitée, se concentrant principalement sur la prise de tension artérielle, la sensibilisation à l’hygiène et la vaccination des bébés. Des cas de choléra, de décès infantiles et d’infections cutanées sont également signalés, soulignant la nécessité d’une attention accrue aux besoins médicaux des déplacés.
Le rapport du RNDDH met en évidence l’urgence d’une action humanitaire coordonnée et efficace pour améliorer les conditions de vie des personnes déplacées en raison de l’insécurité en Haïti. L’accent est mis sur la transparence dans la distribution de l’aide, l’amélioration de l’accès à l’eau potable et à des installations sanitaires adéquates, ainsi que sur un soutien médical accru pour répondre aux besoins de santé spécifiques des déplacés.
Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a récemment publié un rapport alarmant sur les conditions de vie dans les camps de déplacés.es en Haïti, en mettant en lumière la cohabitation des victimes du séisme de 2010 et de celles fuyant l’insécurité. Au cours de la période du 5 décembre 2023 au 10 janvier 2024, le RNDDH a surveillé 41 sites d’accueil dans le département de l’Ouest, révélant une situation critique.
Le constat du RNDDH souligne le manque de réponse adéquate de l’État haïtien, notamment en ce qui concerne les promesses non tenues aux victimes du séisme. Les sites qui étaient censés être temporaires sont devenus des lieux permanents, caractérisés par l’anarchie, la promiscuité, l’insalubrité et l’absence de structures étatiques. Les nouvelles créations de sites en 2022 et 2023, en raison de l’insécurité croissante, n’offrent guère de conditions de vie meilleures.
Le rapport met en évidence plusieurs aspects préoccupants, notamment le faible taux de scolarisation des enfants dans certains camps, la prévalence de personnes vivant avec des déficiences, la gestion précaire de la sécurité par des comités locaux, et les violences fréquentes enregistrées dans 88% des camps créés en raison de l’insécurité.
Les données révèlent également des lacunes dans l’aide humanitaire, avec des problèmes d’accès à l’eau potable, des conditions sanitaires déplorables, et des besoins non satisfaits malgré l’aide reçue. Les infections cutanées et les cas de choléra signalés mettent en évidence les risques sanitaires auxquels sont confrontés les résidents.es des camps.
Le RNDDH, rappelant les droits fondamentaux consacrés par la Constitution haïtienne et divers instruments internationaux, souligne l’inadmissibilité de la situation actuelle. Il appelle les autorités étatiques à agir de manière urgente, en mettant en avant les principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays.
Le RNDDH formule plusieurs recommandations, notamment le recensement de la population dans les camps, la fourniture d’une assistance humanitaire complète, l’assurance de la scolarisation des enfants, le nettoyage des sites, la sécurité renforcée par la police, le logement décent provisoire, le dédommagement des victimes et la lutte contre la gangstérisation du pays.
Face à ce tableau alarmant, il est crucial que les autorités haïtiennes prennent des mesures immédiates pour garantir le respect des droits fondamentaux de ces citoyens vulnérables, témoins des épreuves du séisme de 2010 et des conséquences de l’insécurité persistante.