Prophane Victor : “l’ex-député au cœur d’un système de soutien logistique aux gangs armés”…

pROProfane Victor, ancien depute de la 50e legislature...

PORT-AU-PRINCE, samedi 12 avril 2025, (RHINEWS)—La rédaction de RHINEWS a obtenu un ensemble d’informations sensibles relatives à l’implication présumée de l’ancien député Prophane Victor dans un vaste réseau d’appui matériel et financier aux groupes armés opérant en Haïti, en particulier la coalition criminelle connue sous le nom de « Viv Ansanm », considérée de plus en plus comme une organisation terroriste, dirigée par Jimmy Chérizier alias Barbecue. Ces révélations lèvent le voile sur le rôle pivot que cet ancien parlementaire aurait joué dans les coulisses du chaos sécuritaire qui frappe particulièrement la région métropolitaine de Port-au-Prince.

Selon les données obtenues, Prophane Victor aurait été directement sollicité pour fournir une quantité significative de munitions à l’un des chefs de gang les plus influents du réseau. Dans un message audio transmis via WhatsApp, Magalie Habitant, également citée dans plusieurs affaires liées à la violence armée, s’adresse à lui en ces termes : « Comme c’est la guerre que nous menons, il nous faut trouver vingt caisses de balles. La caisse coûte 3 500, ce qui fait 70 000 dollars. Pendant que je dis cela, il est en train de m’appeler. Réponds donc à l’appel. Dis-moi combien d’argent il pourra donner, mais nous devons trouver les munitions. » Ce message était adressé à Prophane Victor à la demande de Kempès Sanon, chef de gang du Bel-Air, qui réclamait d’urgence des cartouches.

Toujours selon les éléments transmis obtenus par RHINEWS, Prophane Victor aurait effectivement accusé réception de cette requête. Lors de ses déclarations ultérieures, il a reconnu l’existence de l’échange mais a cherché à le justifier par une menace visant sa résidence familiale. Il a affirmé que son intention n’était pas de faciliter une livraison d’armes mais de se protéger contre une attaque imminente du gang Kraze Baryè, dirigé par Vitelhomme Innocent, membre influent de Viv Ansanm. Cette explication soulève toutefois des doutes légitimes à la lumière des multiples communications entre lui et des figures centrales de la criminalité armée, dont Jimmy Chérizier, Johnson André alias Izo, Claudy Célestin alias Chen Mechan, et Jeff Larose alias Jeff Gwo Lwa.

Les relevés de communication dont dispose la rédaction de RHINEWS révèlent que le numéro personnel de Prophane Victor était en contact fréquent avec ceux de ces chefs de gang. Ces interactions, récurrentes et parfois synchronisées avec des épisodes de violence, suggèrent une forme de coordination ou, à tout le moins, une relation constante et bien établie entre les parties.

Des informations supplémentaires font état d’une entreprise, identifiée comme « Celise », opérant officiellement dans la distribution d’eau à Marin, mais considérée dans plusieurs témoignages comme une couverture commerciale pour des activités de financement non déclarées. Des proches collaborateurs de Prophane Victor, dont Joseph Saget alias Djo, ont confirmé que l’ancien député gérait de facto cette société, bien qu’il n’en apparaisse pas comme dirigeant officiel. Plusieurs employés de Celise ont affirmé que l’ex-député pilotait directement les opérations, en particulier les mouvements d’espèces, les retraits bancaires et l’achat de véhicules.

Lors d’une fouille réalisée à son domicile à Vivy Mitchell, plusieurs documents financiers ont été recensés, parmi lesquels des chèques d’un montant cumulé de plus de 3,2 millions de gourdes. Un chèque de 2 341 159 gourdes a été émis à l’ordre du Fonds de développement industriel. Un autre, d’un montant de 660 000 gourdes, a été signé en faveur de Joseph Saget. Un troisième, d’une valeur de 160 000 gourdes, a été tiré d’un compte public au bénéfice de l’entreprise Celise. Ces flux financiers, confirmés par plusieurs pièces justificatives, viennent étayer l’hypothèse d’un circuit parallèle de financement alimenté en partie par des ressources publiques.

Le profil financier de Prophane Victor, tel qu’établi à partir des données disponibles, révèle un écart considérable entre ses revenus officiels et les actifs à sa disposition. Il dispose de plusieurs véhicules de luxe, dont un Nissan Frontier, un Toyota RAV4, un Chevrolet Tahoe, un Nissan XTerra, ainsi qu’un Land Cruiser immatriculé au nom d’une institution étatique. Plusieurs livrets bancaires en gourdes et en dollars sont également associés à son nom, ainsi qu’une série de passeports ordinaires, diplomatiques et expirés retrouvés lors de la fouille. Ces éléments dessinent le portrait d’un homme disposant d’un réseau logistique complexe, associant comptes bancaires, sociétés-écrans, biens mobiliers et collaborateurs discrets.

Interrogé sur ses rapports avec Magalie Habitant, Prophane Victor a reconnu une relation régulière, mais qu’il a qualifiée de strictement politique. Pourtant, les communications interceptées entre les deux montrent une proximité bien plus opérationnelle. Dans un message vocal adressé à Jimmy Chérizier, Magalie indique qu’elle a parlé au directeur général de la Caisse d’assistance sociale et que ce dernier s’apprête à envoyer 350 000 gourdes à Barbecue : « Il est là, mais il ne parle pas. Je vais demander à Celelou de t’apporter l’argent. Le directeur dit que les choses ne sont pas encore tout à fait en place. » Ces fonds sont présentés comme un appui logistique en pleine crise de ravitaillement.

Au vu de l’ensemble des informations obtenues, il apparaît que Prophane Victor ne peut plus être considéré simplement comme un ancien élu soupçonné de collusion : il se révèle comme l’un des rouages principaux du système de soutien aux groupes armés qui sèment la terreur dans le pays. Par son influence, ses relations, son accès à des ressources étatiques et ses capacités financières, il a contribué, selon plusieurs témoignages, à maintenir en place les structures logistiques de la criminalité armée haïtienne.

L’ancien député haïtien Prophane Victor a été arrêté ce vendredi à Pétion-Ville par des agents de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), dans le cadre d’une enquête portant sur ses liens présumés avec des groupes armés, notamment le gang « Gran Grif », actif dans l’Artibonite.

Selon des sources policières, Victor est soupçonné d’avoir fourni des armes et des munitions à des jeunes de Petite-Rivière de l’Artibonite durant la période électorale de 2016. Ces jeunes auraient par la suite constitué le noyau du gang dirigé par le chef de gang Odma, tué en 2023 lors d’opérations conjointes des forces de l’ordre.

L’ancien parlementaire, qui a déjà nié toute implication dans ces activités criminelles, a cependant été publiquement accusé par Odma lui-même, dans une déclaration vidéo ayant circulé sur les réseaux sociaux, d’avoir facilité l’armement et la structuration du groupe.

Prophane Victor fait également l’objet de sanctions internationales. Le Canada l’a sanctionné en juin 2023 pour corruption et financement de groupes armés. En septembre 2024, les États-Unis, via l’Office of Foreign Assets Control (OFAC), ont pris des mesures similaires, l’accusant d’avoir contribué à l’organisation, l’armement et au financement de gangs responsables de violences graves et de violations des droits humains en Haïti. L’Organisation des Nations Unies l’a à son tour inscrit sur sa liste de sanctions, une première contre un ancien député haïtien.

Les autorités judiciaires haïtiennes ont ouvert une enquête élargie visant à déterminer l’ampleur des ramifications de l’ex-parlementaire dans les activités criminelles de la région de l’Artibonite, théâtre de violences récurrentes entre groupes armés rivaux.