PORT-AU-PRINCE, lundi 8 avril 2024– Dans un contexte de crise humanitaire et de montée en puissance de la violence des gangs en Haïti, les organismes des Nations Unies sonnent l’alarme sur les souffrances des enfants, qui non seulement sont privés d’éducation en raison de la situation, mais également sont exposés à des actes de violence.
Les écoliers de la capitale, Port-au-Prince, ont manqué des centaines d’heures de classe au cours de l’année passée. Actuellement, plus d’un million d’Haïtiens sont confrontés à des niveaux critiques d’insécurité alimentaire aiguë, selon un récent rapport soutenu par l’ONU.
Alors que les menaces pesant sur la sécurité des écoles persistent dans la capitale et dans le nord du département de l’Artibonite, ONU Info a examiné la situation sur le terrain et les réponses de l’ONU face à l’aggravation de la crise éducative.
À la fin de janvier, 900 écoles au total avaient temporairement fermé leurs portes, principalement à Port-au-Prince, privant environ 200 000 enfants de leur droit à l’éducation, selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).
Fin février, de nombreuses autres écoles ont brusquement fermé leurs portes à Port-au-Prince, suite à des évasions coordonnées dans les prisons par des gangs armés, libérant environ 4 500 prisonniers.
Selon les rapports, les gangs contrôleraient désormais entre 80 et 90 % de la capitale. Dans le chaos qui s’en est suivi, les agences des Nations Unies sur le terrain ont signalé des cas de recrutement d’enfants par des groupes armés, entraînant une spirale de violences, de pillages et de destructions.
Catherine Russell, à la tête de l’UNICEF, a souligné que la population haïtienne est prise entre deux feux, avec des espaces qui devraient être sûrs pour les enfants transformés en zones de conflit. Elle a appelé de manière urgente à une sécurité de base pour que les services de secours et les travailleurs humanitaires puissent atteindre ceux qui en ont désespérément besoin.
À la fin de mars, les violences avaient déplacé au moins 362 000 personnes, dont beaucoup sont piégées dans la capitale assiégée. Des milliers d’autres ont trouvé refuge temporairement dans des bâtiments publics, y compris des écoles.
De nombreuses écoles sont devenues des refuges pour des familles entières, les salles de classe se transformant en foyers temporaires, les terrains de jeux en abris sous tente, et les gymnases en dortoirs pour ceux qui recherchent la sécurité.
Bruno Maes, représentant de l’UNICEF en Haïti, a déclaré que de nombreuses écoles ne sont pas accessibles en raison de l’intensification de la violence autour d’elles. Certaines sont occupées par des gangs, d’autres par des personnes déplacées, et certaines ont été pillées ou détruites.
Dans un incident survenu le 25 mars, des groupes lourdement armés ont incendié 23 salles de classe dans une école du centre-ville de Port-au-Prince. Les agences humanitaires ont fermement condamné cet acte.
Dans un autre incident à La Saline, à Port-au-Prince, 3 500 enfants ont été piégés dans deux écoles alors que des gangs se battaient à proximité. L’UNICEF a dû négocier pendant quatre jours avec les groupes armés pour obtenir la libération sécurisée des enfants.
L’UNICEF a appelé toutes les parties à protéger les élèves, les enseignants, les parents et les infrastructures éducatives conformément à la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, un engagement politique mondial approuvé par 119 pays, dont Haïti.
Malgré les dangers, de nombreux parents veulent toujours envoyer leurs enfants à l’école, car l’éducation est une valeur fondamentale dans chaque famille haïtienne. Cependant, avec l’extension de l’emprise des gangs sur les routes et les ports vitaux, la menace pour la sécurité des écoles s’accroît.
Pourtant, la plupart des écoles situées en dehors des zones contrôlées par les gangs continuent de fonctionner. Beaucoup accueillent des enfants qui ont fui la violence et l’insécurité, même si certains parents ne peuvent pas payer les frais de scolarité en raison de la pauvreté croissante.
Les agences des Nations Unies travaillent ensemble pour fournir des produits essentiels, tels que de la nourriture, de l’eau et un abri, à des milliers d’Haïtiens dans le besoin, et pour aider les enfants à retourner à l’école en utilisant de nouvelles approches.
Ces efforts comprennent des initiatives telles que le soutien psychosocial aux élèves contraints de quitter l’école en raison de la violence, ainsi que la livraison de repas chauds pour 250 000 enfants à travers le pays.
L’UNICEF s’efforce également d’aider les familles touchées par la violence et les déplacements à réintégrer leurs enfants dans l’éducation formelle, ou à créer des environnements d’apprentissage alternatifs, sûrs et temporaires lorsque cela n’est pas possible.
Si les écoles restent fermées, des solutions telles que l’enseignement à distance via la radio, la télévision et les plateformes en ligne sont envisagées. L’UNICEF collabore avec le ministère de l’Éducation pour mettre en œuvre ces programmes, notamment via les émissions de Radio Télé Éducative (RTE) sur la radio nationale d’Haïti.
En fin de compte, malgré les défis persistants, l’objectif primordial demeure de ramener les enfants à l’apprentissage et de les intégrer dans les programmes de restauration scolaire pour garantir un avenir meilleur pour la jeunesse haïtienne.