NEW-YORK, vendredi 29 septembre 2023– La mise en place d’une mission multinationale de soutien à la sécurité en Haïti doit être examinée bientôt par le Conseil de sécurité des Nations Unies, alors que ce pays des Caraïbes continue de faire face à une crise de violence et d’insécurité causée par l’activité de gangs criminels bien implantés.
Le Premier ministre haïtien, Ariel Henry, a réitéré son appel à l’envoi d’une force internationale lors de son discours devant l’Assemblée générale des Nations Unies le vendredi 22 septembre.
« Au nom des femmes et des filles violées chaque jour, des milliers de familles chassées de leur foyer, des enfants et des jeunes d’Haïti qui se sont vu refuser le droit à l’éducation et à l’instruction, au nom de tout un peuple victime de la barbarie des gangs, je demande instamment à la communauté internationale d’agir rapidement », a-t-il dit.
Voici ce qu’il faut savoir sur la suite des événements :
Haïti est en proie à une violence qui a atteint des niveaux sans précédent. Entre le 1er janvier et le 9 septembre de cette année, 3.000 homicides ont été signalés. Il y a également eu plus de 1.500 victimes d’enlèvements contre rançon. Selon les Nations Unies, quelque 200.000 personnes (dont la moitié sont des enfants) ont été contraintes de fuir leur domicile parce qu’il était trop dangereux d’y rester.
Les violences sexuelles et les abus contre les femmes et les filles sont en augmentation, et des dizaines de milliers d’enfants ne peuvent pas aller à l’école en raison de l’insécurité.
L’armée haïtienne est peu nombreuse et modestement équipée. La Police nationale haïtienne (PNH) n’est pas en mesure de contenir totalement la flambée de violence et a besoin d’un soutien international pour que les Haïtiens puissent retourner à une situation où ils peuvent mener leur vie quotidienne sans craindre d’être assassinés, déplacés, kidnappés ou violés.
Tout le monde s’accorde à dire que l’aide de la communauté internationale est nécessaire pour soutenir la PNH dans ses efforts pour stabiliser la situation. Dès octobre 2022, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a répondu à une demande du Premier ministre Henry, exhortant les nations à se manifester.
En juillet, lors d’une visite dans la capitale haïtienne, Port-au-Prince, le chef de l’ONU a répété qu’une action immédiate était nécessaire.
« La gravité de la situation exige une attention urgente et soutenue. Nous devons placer les victimes et la population civile au centre de nos préoccupations et de nos priorités », ajoutant que « si nous n’agissons pas maintenant, l’instabilité et la violence auront un impact durable sur des générations d’Haïtiens. Je réitère mon appel à tous les partenaires pour qu’ils augmentent leur soutien à la police nationale – sous forme de financement, de formation ou d’équipement ».
La question était une fois de plus au cœur du débat général de la 78e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, qui s’est achevée mardi.
Dans son discours, le Président américain Joe Biden a déclaré que « le peuple d’Haïti ne peut plus attendre longtemps » et Luis Rodolfo Abinader Corona, le Président de la République dominicaine, qui partage l’île d’Hispaniola avec Haïti, a appelé à « un regain de notre détermination collective à forger un avenir plus sûr, plus inclusif et plus durable pour Haïti ».
L’un des principaux points d’achoppement a toujours été de savoir quel pays se porterait candidat pour diriger une mission qui pourrait s’avérer très compliquée et risquée. Les médias suggèrent que les gangs exercent un contrôle sur environ 80% de la capitale et le Premier ministre haïtien a déclaré qu’il y avait 162 groupes armés avec 3.000 « soldats » dans tout le pays.
Fin juillet, le Kenya a annoncé qu’il envisageait de diriger l’effort multinational de soutien à la sécurité en Haïti. Des fonctionnaires kenyans se sont rendus en Haïti et se sont entretenus avec des dirigeants haïtiens et régionaux, entre autres, au sujet du mandat et de la portée d’une telle opération.
Le Président kenyan William Ruto a déclaré à l’Assemblée générale que les Haïtiens « souffraient énormément de l’héritage amer de l’esclavage, du colonialisme, du sabotage et de la négligence », ajoutant que la gestion de la situation en Haïti était le « test ultime de la solidarité internationale et de l’action collective ».
Les autres pays des Caraïbes et les membres du groupe régional CARICOM, notamment la Jamaïque, les Bahamas et Antigua-et-Barbuda, se sont déclarés prêts à soutenir la mission.
Il est important de noter que la mission de sécurité ne sera pas une opération de l’ONU, contrairement à la MINUSTAH, la mission de maintien de la paix de l’ONU en Haïti, qui a pris fin en 2017.
Le Premier ministre Henry a demandé le « soutien robuste » de la police et du personnel militaire pour appuyer la PNH. Il a ajouté que ce soutien était « indispensable pour vaincre les gangs, rétablir l’ordre et créer un environnement propice au bon fonctionnement de l’État ».
Le Président kenyan, M. Ruto, a déclaré que la mission, qui pourrait comprendre 1.000 membres du personnel kenyan, serait « dotée de ressources suffisantes et efficaces ».
Le Conseil de sécurité des Nations Unies doit se réunir pour définir le cadre de cette mission non onusienne et l’autoriser. Les 15 membres du Conseil envisageront de l’approuver sous le Chapitre sept, la disposition de la Charte des Nations Unies qui autorise le recours à la force lorsque toutes les autres mesures de maintien de la paix et de la sécurité internationales ont été épuisées.
Pendant ce temps, l’ONU continue de soutenir Haïti sur plusieurs fronts. Une mission politique, connue sous son acronyme français BINUH (Bureau intégré des Nations Unies en Haïti), continue de soutenir les efforts du gouvernement pour renforcer la stabilité politique et la bonne gouvernance, y compris l’Etat de droit.
Les agences de l’ONU fournissent une aide humanitaire aux Haïtiens touchés par la violence et l’insécurité, mais aussi par des catastrophes naturelles telles que le tremblement de terre d’août 2021. Elles soutiennent également les autorités nationales et les institutions publiques dans la restauration des acquis du développement durable à long terme. Il s’agit notamment de renforcer une économie inclusive et l’administration de la justice, d’assurer la fourniture et l’accès aux services sociaux de base et d’améliorer la gestion des risques multidimensionnels.