PORT-AU-PRINCE, samedi 31 août 2024– Deux mois se sont écoulés depuis le début des vacances d’été en Haïti, mais pour les jeunes écoliers de la région métropolitaine de Port-au-Prince, cette période habituellement synonyme de repos et de loisirs s’est transformée en un véritable cauchemar. Prisonniers d’une ville où plus de 80% du territoire est contrôlé par des gangs armés, ces enfants et adolescents, tout comme leurs parents, sont assignés à résidence, condamnés à une captivité imposée par la violence omniprésente.
La capitale haïtienne, jadis vibrante et pleine de vie, est aujourd’hui comparée à un abattoir, un cimetière et une prison à ciel ouvert. Les gangs armés, soutenus et alimentés par des figures influentes du monde politique et économique, ont transformé les rues en zones de guerre où chaque déplacement peut coûter la vie. Les habitants, terrifiés, restent cloîtrés chez eux, incapables de se déplacer d’un quartier à l’autre sans risquer de tomber sous les balles. Cette réalité quotidienne ne fait qu’aggraver le traumatisme des écoliers, qui voient leurs droits les plus élémentaires, tels que celui de l’éducation et du loisir, bafoués.
Jean-Paul, un père de famille résidant à Delmas, raconte son été sous haute tension. “Mes enfants ne sont pas sortis de la maison depuis des semaines. Le moindre déplacement est devenu un risque mortel. Nous vivons dans la peur constante, enfermés chez nous. Leurs vacances ? Elles se résument à regarder la télévision quand il y a de l’électricité, à essayer de passer le temps. Nous avions l’habitude de visiter la famille en province chaque été, de leur faire découvrir les plages et les montagnes, mais depuis maintenant quatre (4) ans, c’est impossible. Nous sommes bloqués ici, sans aucun espoir de changement.”
Les répercussions de cette violence se font également sentir sur le plan économique, aggravant encore la situation déjà précaire de nombreuses familles. L’inflation galopante rend chaque jour plus difficile pour les parents de subvenir aux besoins de leurs enfants. Les prix des produits de première nécessité ne cessent d’augmenter, créant une pression insoutenable pour ceux qui peinent déjà à joindre les deux bouts.
Marie-Claire, résidente de Port-au-Prince, exprime son désarroi face à cette situation. “Nous sommes à bout. Mon mari a perdu son emploi à cause des fermetures d’entreprises liées à l’insécurité. Nous n’avons pas pu offrir à nos enfants les vacances qu’ils méritent. Le peu d’argent que nous avions mis de côté est parti dans l’achat de nourriture et de médicaments. Même les loisirs les plus simples, comme aller au parc ou faire un tour en ville, sont devenus des luxes inaccessibles. Nous vivons un véritable cauchemar, et il n’y a aucune lueur d’espoir à l’horizon.”
Privés de vacances, ces jeunes sont également privés du droit de découvrir leur pays, de voyager vers les provinces pour explorer les beautés naturelles et culturelles d’Haïti. Les rares familles ayant les moyens financiers fuient cette atmosphère suffocante en envoyant leurs enfants à l’étranger ou en payant des billets d’avion à des prix exorbitants pour les protéger de cette violence. Mais pour la majorité, la seule option est de rester enfermés chez eux, dans l’attente d’un lendemain incertain.
Alors que la rentrée scolaire approche, l’inquiétude des parents grandit. Comment envisager une année scolaire dans un contexte où l’insécurité règne en maître, où les jours de classe sont constamment perturbés par les affrontements et où l’apprentissage devient une épreuve insurmontable ? Les jeunes écoliers haïtiens, déjà marqués par une année scolaire chaotique, sont à nouveau confrontés à une rentrée sous haute tension, dans un environnement hostile à leur épanouissement.
Cette situation alarmante, où la violence des gangs armés plonge une population entière dans la terreur, mérite une réponse urgente et déterminée. Sans une action ferme des autorités, soutenue par la communauté internationale, l’avenir de toute une génération est en péril, piégée dans un cycle de violence qui semble sans fin. Le temps presse pour libérer ces jeunes de cet été d’enfer et leur redonner l’espoir d’un futur plus serein.
L’impact psychologique et émotionnel de la situation actuelle sur les jeunes écoliers haïtiens ne peut être sous-estimé. En tant que professeur et spécialiste en psychologie de l’enfance, je suis profondément préoccupée par les conséquences durables que cette violence extrême et cet environnement instable auront sur ces enfants.
Tout d’abord, l’anxiété et la peur constante dominent leur quotidien. Les enfants vivent dans une terreur omniprésente, redoutant chaque jour de nouveaux actes de violence. Cette peur chronique perturbe non seulement leur bien-être, mais aussi leur capacité à se concentrer et à s’engager pleinement dans leurs études. Les troubles anxieux se multiplient, et le stress post-traumatique devient une réalité pour de nombreux jeunes qui ont été témoins ou victimes de violences.
Ensuite, il y a le traumatisme, souvent silencieux mais dévastateur. Les images de violences extrêmes, qu’elles soient vécues directement ou indirectement par le biais des réseaux sociaux, laissent des marques indélébiles. Ces enfants sont vulnérables au développement de troubles de stress post-traumatique (TSPT), ce qui les expose à des cauchemars récurrents, des troubles du sommeil, et une hypervigilance excessive. Le traumatisme freine non seulement leur développement cognitif, mais affecte également leur capacité à nouer des relations sociales saines.
La dépression et les sentiments d’impuissance sont également des conséquences majeures de cette situation. Imaginez une enfance où les rêves sont étouffés par la réalité brutale de la violence quotidienne. Les enfants sont privés des plaisirs simples de l’enfance, comme jouer avec des amis ou explorer leur environnement. Cette privation entraîne des sentiments de désespoir et d’impuissance, souvent exacerbés par la situation économique désastreuse. La perte de motivation et d’espoir pour l’avenir peut conduire à un décrochage scolaire et à une spirale de désengagement social.
L’isolement social est une autre conséquence préoccupante. L’enfermement forcé, loin des amis et des activités sociales, a des répercussions sur le développement émotionnel et social des enfants. Ils grandissent dans un vide social, ce qui peut entraîner des comportements introvertis ou antisociaux. Le manque de socialisation perturbe non seulement leur développement, mais aussi leur capacité à naviguer dans les interactions humaines de manière saine et constructive.
Enfin, souligne-t-elle, nous ne pouvons ignorer le risque accru de comportements à risque parmi les jeunes. Dans un environnement où la violence et l’anarchie règnent, certains enfants peuvent être tentés de rejoindre les gangs eux-mêmes, cherchant un sentiment de pouvoir ou de protection qu’ils ne trouvent plus dans la société traditionnelle. Cette tendance, si elle n’est pas rapidement contrée, pourrait conduire à la perte de toute une génération d’enfants, piégés dans un cycle de violence et de criminalité.
Selon Strauss, l’ampleur de cet impact psychologique est alarmante. Il est crucial que nous, en tant que société, prenions des mesures immédiates pour atténuer ces effets. Les jeunes écoliers haïtiens ont besoin d’un soutien psychologique urgent, de programmes éducatifs adaptés à cette réalité traumatique, et surtout d’une intervention décisive pour restaurer un environnement sécuritaire. Sans ces actions, nous risquons de sacrifier l’avenir de nos enfants sur l’autel de la violence. “Le temps presse pour leur offrir une lueur d’espoir dans cette obscurité.”
Edmond Sajous, un père brisé par la tragédie qui a frappé sa famille, exprime avec force la nécessité de reconnaître la gravité de la situation sécuritaire en Haïti. Sa fille, une adolescente de 17 ans, a été kidnappée et violée par des membres de gangs l’an dernier. Cet événement a profondément marqué Sajous, qui estime que les autorités haïtiennes doivent impérativement classer les gangs regroupés sous le nom de “Viv Ansanm” comme des organisations terroristes et ennemies de la nation. Pour lui, il ne s’agit plus simplement de banditisme, mais d’une menace existentielle qui paralyse le pays tout entier. Cette reconnaissance officielle permettrait non seulement de mobiliser des ressources nationales, mais aussi d’obtenir un soutien international plus robuste.
Sajous insiste sur l’importance de l’implication des États-Unis dans cette lutte. Il pense que si ces derniers prétendent réellement vouloir aider Haïti, ils doivent impérativement placer ces gangs sur leur liste noire des pires organisations terroristes. Une telle décision permettrait de bloquer les ressources financières des criminels, d’assécher les flux d’argent qui alimentent leurs activités meurtrières, et de couper l’accès aux armes et à d’autres fournitures essentielles. Selon lui, les États-Unis, avec leur pouvoir économique et diplomatique, peuvent jouer un rôle déterminant en imposant des sanctions sévères contre ceux qui soutiennent ces gangs, qu’ils soient en Haïti ou à l’étranger.
La crise sécuritaire en Haïti dépasse désormais le cadre national. Edmond Sajous considère qu’une réponse internationale est indispensable pour neutraliser les gangs qui ont transformé la région métropolitaine de Port-au-Prince en un véritable abattoir. Il plaide pour des actions militaires ciblées, soutenues par la communauté internationale, pour éliminer les leaders de ces groupes et démanteler leurs réseaux. Pour Sajous, il est crucial que les forces de sécurité haïtiennes reçoivent le soutien matériel et technologique nécessaire pour mener à bien ces opérations, tout en collaborant étroitement avec les agences internationales de renseignement.
La situation en Haïti est devenue insoutenable pour des milliers de familles comme celle de Sajous. Les citoyens sont pris en otage, incapables de se déplacer librement dans leur propre pays, tandis que les gangs continuent de terroriser la population avec une impunité alarmante. Le témoignage de Sajous rappelle l’urgence de prendre des mesures radicales pour rétablir la sécurité et protéger les vies innocentes. L’inclusion de “Viv Ansanm” sur la liste des organisations terroristes serait un premier pas crucial vers la restauration de la paix et de la stabilité en Haïti, offrant un espoir aux nombreuses familles qui, comme Edmond Sajous, ont été dévastées par la violence.