PORT-AU-PRINCE, dimanche 20 octobre 2024 — Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), s’est félicité de la désignation d’un juge d’instruction pour examiner l’affaire de corruption présumée impliquant trois conseillers présidents du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) : Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire, et Smith Augustin.
Le doyen du tribunal de première instance de Port-au-Prince, Bernard Sainvil, a désigné le magistrat Benjamin Félisme pour instruire cette affaire, qui a entaché l’image du CPT. Espérance a souligné que cette désignation était attendue depuis longtemps, permettant enfin une enquête judiciaire approfondie sur un dossier particulièrement embarrassant pour cette institution. Il a également encouragé les quatre conseillers-présidents non concernés par cette affaire à voter une résolution visant à réduire le quorum à trois, facilitant ainsi la prise de décisions.
Concernant les conseillers visés par le rapport de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), Espérance leur a demandé de se mettre à l’écart pour ne pas compromettre l’intégrité du processus décisionnel au sein du CPT.
Le début du mois d’octobre 2024 a été marqué par la publication d’un rapport d’enquête de l’ULCC, réclamant des poursuites judiciaires contre Louis Gérald Gilles, Smith Augustin, Emmanuel Vertilaire, et Raoul Pascal Pierre Louis, ancien président du Conseil d’Administration de la Banque Nationale de Crédit (BNC), pour leur implication présumée dans une affaire de corruption.
Cette affaire a pris racine lors de discussions entourant la reconduction de Raoul Pascal Pierre Louis à la tête de la BNC. Une réunion s’est tenue à l’hôtel Royal Oasis, dans la Chambre 408, entre ce dernier et les membres du CPT, en présence du consul Lonick Leandre. Cette rencontre, largement facilitée par Louis Gérald Gilles, un proche de Raoul Pascal Pierre Louis, aurait été le théâtre de tractations douteuses.
D’après le rapport, Raoul Pascal Pierre Louis aurait été sommé par les membres du CPT de verser cent millions de gourdes (100 000 000 G) pour garantir sa reconduction à la tête de la BNC. Cette demande a été consignée dans une lettre adressée au Premier ministre Gary Conille, datée du 24 juillet 2024, ainsi que dans un procès-verbal rédigé par le juge de paix Fritz Veus du tribunal de Pétion-Ville. Le document inclut également des échanges sur WhatsApp entre Raoul Pascal Pierre Louis et Louis Gérald Gilles, renforçant la crédibilité des accusations.
Selon le rapport, Raoul Pascal Pierre Louis aurait tenté de répondre à cette demande en proposant un prêt, une ligne de crédit, ou l’usage de biens hors exploitation de la BNC. Il a également été révélé que la Direction des Opérations de la carte BNC avait émis des cartes de crédit préapprouvées pour les membres du CPT, d’un montant total de 20 000 USD pour trois d’entre eux, et 13 500 USD pour Lonick Leandre. Ces derniers auraient commencé à effectuer des paiements dès le début de l’enquête, laissant entendre que les dépenses seraient remboursées par Raoul Pascal Pierre Louis.
La Commission d’enquête a conclu que les membres du CPT avaient abusé de leur fonction en se livrant à des pratiques de corruption passive, des infractions sanctionnées par la loi du 12 mars 2014 sur la prévention et la répression de la corruption. Raoul Pascal Pierre Louis, pour sa part, est accusé de corruption active.
Les investigations téléphoniques ont également mis en lumière des échanges fréquents entre Raoul Pascal Pierre Louis et Lonick Leandre, ainsi qu’avec Louis Gérald Gilles, renforçant les soupçons d’une entente. Ces révélations ont soulevé des inquiétudes concernant les fonds d’intelligence de la Présidence, qui auraient pu être utilisés à des fins personnelles.
En réponse, la Commission a recommandé des poursuites pénales contre Louis Gérald Gilles, Smith Augustin, et Emmanuel Vertilaire pour abus de fonction, ainsi que contre Raoul Pascal Pierre Louis pour corruption active. Lonick Leandre, également impliqué dans le versement de pots-de-vin, fait face à des accusations similaires. L’ULCC appelle à une action publique afin de lutter contre ces pratiques au sein de l’administration haïtienne.