Par Jude Martinez Claircidor
PORT-AU-PRINCE, lundi 4 mars 2024– Dans une série d’attaques perpétrées la nuit dernière, plus de 3 500 prisonniers sur un total de 4 000 se sont échappés de la prison civile (le pénitencier national à Port-au-Prince). Les attaques, menées par des civils armés affiliés au groupe “VivAsanm“, ont également entraîné la mort d’une centaine de détenus qui tentaient de s’évader. Par ailleurs, des rapports font également état d’une évasion à la prison civile de la Croix des Bouquets, élargissant davantage la portée de cette crise carcérale.
Le paradoxe de cette évasion spectaculaire au pénitencier national réside dans le fait qu’une publication sur les réseaux sociaux par les membres du groupe “Viv Asanm” concernant la planification préalable de l’attaque était devenue virale. Malgré cela, aucune mesure de renforcement de la sécurité au sein de cet établissement pénitentiaire n’a été mise en place. Les circonstances exactes de l’évasion demeurent floues, laissant place à des interrogations sur la passivité du gouvernement face à l’action des criminels.
Dans un communiqué, le gouvernement exprime son regret quant aux attaques des bandits, constatant l’impuissance des forces de l’ordre face à la détermination des gangs qui ont facilité l’évasion de criminels notoires.
Parmi les fugitifs de la prison civile de Port-au-Prince, on compte de nombreux présumés assassins tels que Dimitri Hérard, accusé d’implication dans l’assassinat de l’ancien président Jovenel Moise en juillet 2021. La liste des fugitifs comprend également des noms tels qu’Ezeckiel Alexandre (ZePilat), Herve B. Barthelemy (Bout Janjan Lasaline), Ernest Julme (Greg 95), Ti Mackenson (Delmas 6), Albert Stevenson (Jouma Simon Pele), Sidolixe S. Smith (Jimmy Kraze Barye) et Ulusse Emmanuel (Savann Pitasch)
Des informations indiquent qu’environ une centaine de prisonniers ont choisi de rester dans la prison civile de Port-au-Prince, parmi lesquels l’ancien président de la Chambre des Députés, Cholzer Chancy, Clifford Brand, Myrtil Marcelin alias Arabe, et Me Robenson Pierre Louis, l’ancien secrétaire général du barreau de Port-au-Prince, ainsi que les Colombiens accusés dans l’assassinat de Jovenel Moïse.
En moins de vingt-quatre heures après les attaques, seuls quelques rares policiers ont été repérés dans les rues. Les gangs armés ont consolidé leur emprise sur plusieurs quartiers, notamment Bas peu Chose, rue Cameau, ruelle Alerte, rue Monseilleur Guilloux, la rue Magloire Ambroise, et toute la zone du Champs de Mars. Des sous-commissariats, tels que Delmas 3, Portail Léogane, Bon Repos, Cazeau et Cabaret, ont déjà été la cible d’attaques, certains ayant été incendiés et pillés. De plus, le palais national a été attaqué à deux reprises par des bandits armés.Depuis le 29 février dernier, l’hôpital de l’Université d’État d’Haïti est hors service en raison des actions des gangs armés, contraignant les résidents à éviter la zone et les patients à abandonner l’établissement. La situation reste alarmante alors que la violence continue de se propager de manière inquiétante dans la capitale haïtienne.
En raison de la détérioration sécuritaire à Port-au-Prince, marquée par des actes criminels violents de gangs armés, déclenchant déplacements massifs, enlèvements, assassinats et pillages ; suite aux attaques du 2 mars 2024 contre les centres pénitentiaires, le gouvernement décrète l’état d’urgence avec couvre-feu de 18h à 5h, du 4 au 6 mars 2024, renouvelable, excluant les services essentiels. Les forces de l’ordre sont autorisées à utiliser tous les moyens légaux.