WASHINGTON, DC, jeudi 29 septembre 2022– L’ex-ambassadrice américaine en Haïti, Pamela White a exprimé jeudi ses préoccupations face à la détérioration de la situation socio-politique et économique en Haïti.
Contrairement aux autorités haïtiennes, White ne voit pas une situation globalement sous contrôle en Haïti.
Témoignant jeudi devant la Commission Affaires Etrangères de la Chambre des représentants des Etats-Unis sur la situation qui prévaut dans la nation des Caraïbes, Mme White a déclaré : « J’ai vu des manifestations dans les rues et des violences contre des civils innocents. Je n’ai jamais rien vu de tel que l’effondrement total de la civilité qui caractérise la situation actuelle en Haïti ».
Elle a ajouté que, ‘’ comme tout le monde sait qui se soucie du peuple haïtien, Haïti est un État en faillite. Il n’y a pas de gouvernement légitime, pas de système judiciaire, pas de parlement et une force de police faible incapable d’arrêter les gangs qui gouvernent désormais plus de 60% de la capitale. Il n’y a aucune chance de planifier des élections dans la crise sécuritaire actuelle.’’
Selon elle, il n’y a absolument aucun doute que les Haïtiens vivent dans des conditions infernales, soulignant que tous les services sociaux ont été supprimés il y a des mois.
Se basant sur les informations disponibles, elle a indiqué que Port-au-Prince a le plus grand nombre d’enlèvements au monde, ajoutant que les enfants des orphelinats sont terrorisés par des balles qui passent au-dessus de leur tête sans se soucier de leur sécurité.
Elle a affirmé que la Police nationale d’Haïti (PNH) a moins d’armes, moins de membres et beaucoup moins d’argent pour mener à bien ses opérations que les gangs, soulignant au passage l’assassinat d’une employée de Digicel après une tentative d’enlèvement ratée, le meurtre de deux journalistes haïtiens a Cité Soleil et l’exécution d’un ancien sénateur et directeur de l’EPPLS.
La diplomate a également cité l’ONU qui a fait état dans ses rapports de 209 personnes qui ont été tuées dans un bidonville de Port-au-Prince entre le 8 et le 17 juillet. 254 autres ont été blessés par balle. Environ trois mille habitants ont été contraints de fuir.
Selon White, ‘’avant de pouvoir parler de quoi que ce soit d’autre en Haïti, nous devons aborder la situation sécuritaire et ne vous y trompez pas, ce ne sera pas bon marché.’’
‘‘Le NYPD (Département de la Police de New-York en français) a un corps de 35 000 policiers et un budget annuel de dix milliards. Personne ne s’attend à recréer le NYPD en Haïti, mais il doit y avoir une force avec des professionnels formés qui peuvent surpasser les voyous’’, a-t-elle déclaré.
« Personnellement, je me fiche de savoir si ce sont des mercenaires ou des troupes de l’ONU ou ex-policiers de New York – les tueries doivent cesser. Peut-être que le secteur privé peut être convaincu d’intervenir enfin au lieu de jouer à des jeux avec des gangs, qu’ils paient des troupes pour sauver Haïti – le pays même qui a rendu les titans du secteur privé incroyablement riches, a renchéri Mme White.
Evoquant la complexité de la situation en Haïti, Pamela White a déclaré : « Les politiciens financés par le secteur privé paient les gangs pour leur influence et leur sécurité. La société civile tente de traverser tous les champs d’influence pour maintenir le fonctionnement d’Haïti, mais elle aussi est rendue impuissante face à une telle violence quotidienne. Un certain nombre d’événements négatifs envoient automatiquement des ondes de choc à travers le pays ».
Elle également fait état de la crise humanitaire en Haïti où au moins 1.3 millions de personnes sont menacées de mourir de faim.
« Nous devons nous soucier des Haïtiens parce qu’ils sont nos voisins. Nous devons nous soucier d’Haïti parce que nous sommes des gens compatissants qui tendent la main lorsque nous voyons des gens qui souffrent de la faim, de la négligence et de la violence. Nous devons nous soucier d’Haïti parce que nous ne pouvons pas regarder les membres de gangs terroriser un pays avec lequel nous nous sommes liés d’amitié et que nous avons soutenus pendant des décennies », a déclaré Pamela White.
Elle a admis qu’à long terme, personne ne peut résoudre les problèmes d’Haïti sans revitaliser le secteur privé, investir dans les écoles et les hôpitaux et la réforme judiciaire, et bien sûr organiser des élections crédibles. ‘‘Mais donnons la priorité aux mesures à prendre à très court terme avant de coordonner un programme politique à long terme pour Haïti.’’
Selon elle, chaque jour qui passe sans une décision ferme sur la manière de soutenir Haïti signifie plus de cadavres, plus d’enfants affamés, moins de chances de tenir des élections et un effondrement complet de la société civile.
« Mon vote est d’abord de sécuriser les rues, les maisons et les moyens de subsistance du peuple haïtien. Puis augmenter l’aide humanitaire. Ensuite, parlez des élections et de nombreuses autres réformes nécessaires. Mais rien ne bougera si nous ne pouvons pas assurer la sécurité. Rien ne bougera sauf la prise de contrôle en gros d’une nation par des voyous », a déclaré Pamela White devant la Commission.