PORT-AU-PRINCE, dimanche 16 octobre 2022– A Port-au-Prince, en Haïti, de jeunes enfants de 10 ans, mais aussi des femmes âgées, ont été victimes de violences sexuelles – y compris de viols collectifs devant leurs parents ou leurs enfants – alors que l’explosion de violence des gangs ravage la capitale haïtienne, révèle un rapport des Nations Unies sur les droits de l’homme publié vendredi
Le rapport, intitulé « Violences sexuelles à Port-au-Prince : une arme utilisée par les gangs pour instiller la peur », a été publié conjointement par le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH). Il résulte de plus de 90 entretiens menés entre janvier et juillet 2022 avec des victimes et des témoins d’incidents à Port-au-Prince, ainsi qu’avec des organisations communautaires, des ONG nationales et internationales ainsi que des représentants du gouvernement d’Haïti habilités à vérifier les abus documentés.
« Les gangs utilisent la violence sexuelle pour semer la peur, et de façon alarmante, le nombre de cas augmente de jour en jour à mesure que la crise humanitaire et des droits humains en Haïti s’aggrave », a déclaré Nada Al-Nashif, cheffe par intérim du HCDH. « Les témoignages horribles des victimes soulignent l’impératif d’une action urgente pour mettre fin à ces comportements pervers, veiller à ce que les responsables soient sanctionnés et que les victimes reçoivent un soutien ».
Les enquêteurs de l’ONU documentent minutieusement les crimes sexuels perpétrés contre les femmes, les filles et les garçons de tous âges, ainsi que dans une moindre mesure les hommes, par des gangs qui cherchent à étendre leurs zones d’influence par des guerres de territoires. Les personnes LGBTI+ ont également été ciblées.
Les gangs armés ont utilisé le viol et les viols collectifs pour instiller la peur, punir, subjuguer et infliger des souffrances aux populations locales. Considérés comme des objets sexuels, les femmes, les filles, et parfois des hommes, sont également contraints de devenir les « partenaires » des éléments armés dans les fiefs des gangs. Refuser de telles faveurs sexuelles peut entraîner des représailles, notamment des meurtres et des incendies criminels de leurs maisons.
Le rapport souligne, en outre, que les violences sexuelles s’accompagnent d’enlèvements et de séquestrations, durant lesquels certaines femmes et filles sont violées à de multiples reprises, par un ou plusieurs ravisseurs armés, parfois pendant plusieurs jours ou des semaines. Les ravisseurs ont même utilisé des vidéos des viols pour obliger les familles des victimes de payer les rançons.
Au cours de l’année écoulée, la violence des gangs est devenue incontrôlable, en particulier dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince et dans certaines villes régionales. Soixante pour cent de la capitale serait désormais sous le contrôle ou l’influence d’éléments de bandes armées qui ont facilement accès à des armes et des munitions de gros calibre obtenues par divers trafics depuis l’étranger.
Le rapport souligne la réponse insuffisante des autorités nationales et internationales et les encourage à surmonter les obstacles à leur action pour s’attaquer de toute urgence à la violence sexuelle en Haïti par un renforcement de la police et des soins de santé, et par la création d’un groupe de travail judiciaire chargé de lutter contre l’impunité.
L’ONU met en garde contre les conséquences à long terme de ce recours généralisé à la violence sexuelle, qui « s’il n’est pas traité de manière adéquate et rapide, risque de déchirer d’avantage le tissu social déjà profondément fragilisé de la société haïtienne pour les années à venir, et pourrait saper les perspectives de développement et de stabilité durables de ce pays ».
Source :ONU