SPRINGFIELD, (OHIO) vendredi 18 avril 2025– Alors que la pression s’intensifie autour des programmes migratoires dont bénéficient des milliers d’Haïtiens aux États-Unis, notamment sous la menace de révocation par l’administration Trump, la majorité des membres de la communauté haïtienne de Springfield choisit pour l’instant de rester. Une enquête du Springfield News-Sun révèle que, malgré une baisse significative de la demande d’aides publiques, les Haïtiens restent actifs, intégrés et attachés à leur ville d’adoption.
Selon les estimations locales, Springfield et le comté de Clark accueillent entre 12.000 et 15.000 Haïtiens. En dépit d’un climat d’incertitude, notamment lié à l’éventuelle fin de certains permis de travail protégés par des recours judiciaires, peu de départs massifs ont été constatés. « Ils n’ont aucune raison de partir ailleurs dans le pays, où ils feraient face aux mêmes risques », explique Vilès Dorsainvil, président du Haitian Community Help and Support Center.
Les chiffres du Clark County Job and Family Services indiquent une forte diminution des demandes d’assistance de la part de la population créolophone depuis juillet 2024. Les inscriptions à Medicaid ont baissé de 33 %, les allocations alimentaires (SNAP) de 63 %, et les aides temporaires aux familles nécessiteuses (TANF) de plus de 50 %. Difficile, cependant, d’interpréter cette baisse : « Cela peut vouloir dire qu’ils partent, ou simplement qu’ils ne dépendent plus de l’aide », nuance Ginny Martycz, directrice du service.
Le programme d’assistance aux réfugiés, destiné notamment aux adultes sans enfants, a également vu ses bénéficiaires chuter de 1.896 à 720 en huit mois. Ces baisses ne signifient pas nécessairement un exode, d’autant que les inscriptions scolaires et les consultations médicales restent relativement stables.
Dans les écoles publiques de Springfield, 1.258 élèves sont actuellement classés comme apprenants en anglais (ELL), une légère baisse depuis février mais une hausse par rapport à octobre 2024. Au centre de santé communautaire Rocking Horse, les responsables affirment avoir observé un léger recul du nombre de nouveaux patients haïtiens en début d’année, mais une stabilisation rapide s’en est suivie. « Ce qui nous inquiète, c’est que certains passent sous le radar par peur de se faire repérer », note la directrice des opérations Stacy Lee, qui a renforcé la formation du personnel sur la confidentialité et les enjeux liés à l’immigration.
L’avenir reste incertain. Nombre d’Haïtiens présents légalement grâce à des protections spéciales pourraient perdre leur statut dès la fin des procédures en cours. L’administration Trump maintient sa volonté de les renvoyer en Haïti. Mais le pays reste plongé dans une grave crise : insécurité généralisée, violences armées, effondrement des institutions, fermeture d’aéroports, et famine menacent quotidiennement la population.
« Le Département d’État américain déconseille formellement tout voyage vers Haïti depuis plus de six mois », rappelle une mise à jour de la semaine dernière, évoquant notamment des échanges de tirs à proximité de l’ambassade des États-Unis à Port-au-Prince.
Malgré ces inquiétudes, les Haïtiens de Springfield continuent d’occuper leurs postes dans les entreprises locales et de fréquenter les cours d’anglais dispensés par le programme Aspire du Clark State College. « Ils s’adaptent, parfois en suivant les cours en ligne, mais beaucoup reviennent en présentiel », explique Timothy Armstrong, directeur du programme au niveau de l’État.
Alors que le sort de milliers de familles haïtiennes est suspendu aux décisions judiciaires à venir et aux politiques fédérales, leur ancrage dans la communauté de Springfield semble pour l’instant plus fort que la peur du lendemain.
Extrait d’un article de Jessica Orozco and Sydney Dawes, publié initialement sur: https://www.springfieldnewssun.com/news/are-haitians-fleeing-springfield-what-our-reporting-found/KBV7N3H6XNB3HKXDTSTWYW3P2Q/