PORT-AU-PRINCE, dimanche 10 septembre 2023– Plus d’un mois s’est déjà écoulé depuis que le magistrat instructeur en charge du dossier sur l’assassinat du président Jovenel Moïse, Walter Wesser Voltaire a ordonné la comparution du premier ministre de fait Ariel Henry, les ministres de la Planification et de la coopération Externe, Ricard Pierre, de l’économie et des fiances Michel Patrick Boisvert, les directeurs généraux de la DINEPA, Guyto Édouard, du ministère de l’intérieur et des collectivités Territoriales, Amos Zéphirin et de l’Agence Nationale des Aires Protégées ( ANAP), Jeantel Joseph.
Jusqu’ici, Ariel Henry ne s’est toujours pas réuni avec le conseil des ministres pour autoriser ces hauts fonctionnaires a se mettre à la disposition du juge d’instruction dans le cadre de cette enquête qui dure depuis plus de deux ans.
Dans son ordonnance rendue le 1e août dernier, le magistrat a demandé au commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, de remplir les formalités exigées par l’article 398 du Code d’Instruction Criminelle Jean Vandal aux fins de citer ces responsables d’Etat à comparaitre en qualité de témoin en sa Chambre d’Instruction Criminelle.
L’article 398 du Code d’instruction Criminelle Jean Vandal stipule que : « les grands fonctionnaires de l’État ne pourront jamais être cités comme témoins, même pour les débats qui ont lieu en présence du jury si ce n’est dans le cas où le Président d’Haïti, sur la demande d’une partie et le rapport du Secrétaire d’État de la justice, aurait, par ordonnance spéciale, autorisé cette comparution. »
En absence du président de la République, c’est le premier ministre qui assume, de facto, ce role avec le conseil des ministres.
Selon l’ordonnance du juge Voltaire, ces hauts fonctionnaires publics, seront entendus sur les faits d’association de malfaiteurs, de vol à mains armées, de terrorisme, d’assassinat, de tentative d’assassinat au préjudice de Jovenel Moïse, Président de la République d’Haïti, de son épouse Martine Moïse et autres, le 07 juillet 2021.
Il est vrai que le dossier a été transmis à la ministre de la Justice et de la Sécurité publique pour être soumis au Conseil des ministres pour les suites légales, le suivi n’a pas été fait, ce qui constitue un nouvel obstacle à cette enquête qui n’a toujours abouti au procès des assassins de Moïse.
Le Premier ministre Ariel Henry, lui-même, a été convoqué au cabinet d’instruction à titre de témoin dans le cadre de l’instruction sur l’assassinat du président Jovenel Moïse.
Récemment, la rédaction de RHINEWS a appris d’une source judiciaire que la comparution de M. Henry pourrait avoir à n’importe quel moment.
La décision a été prise pour qu’Ariel Henry se présente au cabinet d’instruction, selon la source, après une rencontre qui se tiendrait en catimini le 22 août dernier entre Ariel Henry, le président du conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) Me Jean Joseph Lebrun, le doyen du tribunal civil de Port-au-Prince, Me Bernard Sainvil et le juge en charge de l’instruction du dossier sur l’assassinat de Jovenel Moïse, Walter Wesser Voltaire.
Selon Pierre Espérance interrogé par RHINEWS, chacun de ces hauts fonctionnaires de l’État convoqués par le juge d’instruction a une histoire avec l’assassinat de Jovenel Moïse.
Le directeur exécutif du réseau national de défense des droits humains (RNDDH) estime que le magistrat instructeur aurait toutes les bonnes raisons de vouloir auditionner Ariel Henry sur ses relations présumées avec Joseph Félix Badio, recherché dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat de Jovenel Moïse.
En ce qui a trait à Michel Patrick Boisvert, ministre de l’Économie et des Finances, se référant au rapport du BAFE sur le financement de l’assassinat de Moïse, Pierre Espérance, affirme que ce dernier avait signé un document pour décaisser en urgence de l’argent, a la demande du secretaire general du palais national, Lionel Valbrun, pour la firme de sécurité Matador S.A, dirigée par Dimitri Hérard, chef de l’unite générale de sécurité du palais national (USGPN).
Dans ses recommandations, ‘‘le BAFE juge estime entre autres, que l’ex-Secrétaire général du Palais National, Lyonel Valbrun, le Ministre de l’Economie et des Finances, Michel Patrick Boisvert ainsi que la Banque de la République d’Haïti (BRH), soient contactés pour qu’ils fournissent des explications claires (avec preuves à l’appui), concernant les montants exorbitants [(quarante-et-un millions six cent quarante mille gourdes (41, 640, 000. 00 HTG) & les trois millions quatre cent quatre-vingt-dix-neuf mille cinq cents dollars américains (3, 499, 500. 00 USD)] alloués à l’achat de matériels et d’équipements de sécurité pour la Présidence, alors que tout achat de matériels et d’équipements de sécurité devrait concerner les Directions des forces de l’ordre du Pays.’’
Concernant Ricard Pierre, il aurait été convoqué par le juge d’instruction à la suite des déclarations du chef de gang Vitelhomme Innocent affirmant qu’il avait l’habitude de dresser des baricades au profit de M. Pierre lors des mouvements « peyi lok » (pays bloqué) contre Jovenel Moïse.
Citant le rapport de la DCPJ, M. Espérance affirme que : « Dans la planification de l’assassinat du président, Vitelhomme était en contact avec Joseph Badio considéré comme l’un des cerveaux présumés du crime. »
Quant à Jeantel Joseph, déclare Espérance, le juge disposerait d’informations sur des membres de la Brigade de surveillance des aires protégées (BSAP), entité de l’ANAP, qui seraient impliqués dans l’assassinat de Moïse. Des agents de la BSAP assuraient la sécurité des mercenaires colombiens, selon le rapport du bureau des affaires criminelles (BAC) de la DCPJ.
Amos Zéphirin, directeur général du ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales, a été convoqué pour avoir fait obstacle aux investigateurs de la DCPJ, souligne Pierre Espérance. Zéphirin réputé proche de Jovenel Moïse, aurait bloqué l’accès à certaines informations sensibles à la DCPJ, selon militant des droits humains.
Ariel Henry qui n’a jamais nié ses relations avec Joseph Félix Badio considéré comme l’un des auteurs intellectuels du magnicide, selon l’enquête de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), a toujours rejeté toute implication dans la planification de l’assassinat du président Moïse.
Jovenel Moïse, 58e président d’Haïti, a été assassiné dans sa résidence à Pèlerin 5, dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021 par un commando de de mercenaires colombiens et d’américains originaires d’Haïti.
A part Rodolphe Jaar, un chilien- haïtien qui a été reconnu coupable par la justice américaine pour son rôle dans cette affaire, aucun procès ne s’est encore tenu en Haïti où le crime a été perpétré.
En plus de deux ans, au moins cinq juges d’instruction ont été désigné pour traiter ce dossier d’assassinat pour lequel la DCPJ peine à remonter les sources de financement.