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PORT-AU-PRINCE, mercredi 18 décembre 2024 – L’affaire du scandale de corruption impliquant 100 millions de gourdes de la Banque Nationale de Crédit (BNC) continue de secouer les institutions haïtiennes. Le magistrat instructeur Benjamin Félismé a auditionné, mardi 17 décembre, Fritz William Michel, ancien Premier ministre désigné, et Éric Smarki Charles, en qualité de témoins. Cette nouvelle étape judiciaire vise à clarifier les responsabilités dans cette affaire explosive touchant trois conseillers-présidents membres du Conseil Présidentiel de Transition (CPT).
Toutefois, Marie Myrtho Midy Louis, directrice des opérations de carte de crédit à la BNC, également convoquée à témoigner, n’a pas répondu à l’invitation. Une source judiciaire a indiqué que l’huissier chargé de transmettre la convocation n’a pas pu localiser son adresse, et une nouvelle convocation sera émise sous peu. Malgré ces auditions, les principaux accusés, Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin, n’ont pas comparu devant le juge d’instruction. Ces derniers, inculpés pour corruption passive et abus de fonction, auraient exigé 100 millions de gourdes de Raoul Pascal Pierre Louis, alors président du Conseil d’Administration de la BNC, en échange de sa reconduction à ce poste stratégique.
Dans cette affaire, l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) a publié un rapport accablant en octobre 2024, accusant les conseillers-présidents de corruption passive, de détournement de fonds publics et d’abus de fonction. Raoul Pascal Pierre Louis, pour sa part, est poursuivi pour corruption active et complicité. Le rapport indique que des cartes de crédit préapprouvées, totalisant 20 000 USD pour les trois membres du CPT et 13 500 USD pour Lonick Léandre, consul proche du dossier, ont été émises par la BNC pour satisfaire leurs exigences. Ces cartes ont été activement utilisées jusqu’à l’ouverture de l’enquête. Les accusés, cependant, contestent fermement ces allégations et qualifient les poursuites d’actes motivés par des considérations politiques visant à ternir leur réputation. « Ces accusations ne sont qu’une machination politique, et nous sommes innocents », a déclaré Louis Gérald Gilles dans un communiqué.
En outre, Gilles a récusé les magistrats du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, tandis que Vertilaire a interjeté appel, arguant que leur statut de conseillers-présidents leur confère une juridiction spéciale devant la Haute Cour de justice. Cette posture a suscité de vives critiques de la société civile et de certains acteurs politiques, qui dénoncent une tentative de bloquer l’instruction judiciaire. Plusieurs organisations ont d’ailleurs réclamé leur suspension du CPT pour garantir un processus équitable.
Les accusations contre les membres du CPT s’appuient sur des preuves matérielles. Des échanges sur WhatsApp entre Raoul Pascal Pierre Louis et Louis Gérald Gilles corroborent les soupçons. Ces conversations révèlent des négociations sur des avantages financiers et l’émission des cartes de crédit. Une réunion tenue à l’hôtel Royal Oasis, dans la chambre 408, est également au cœur des preuves. Lors de cette rencontre, organisée par Gilles en présence de Lonick Léandre, les membres du CPT auraient demandé 100 millions de gourdes à Pascal Pierre Louis pour garantir sa reconduction.
Un procès-verbal dressé par le juge de paix Fritz Veus, ainsi qu’une lettre de Pascal Pierre Louis adressée au Premier ministre Gary Conille le 24 juillet 2024, renforcent ces allégations. Cette lettre, largement relayée dans les médias, détaille les demandes financières des conseillers-présidents et accuse formellement les membres du CPT d’avoir utilisé leurs fonctions pour extorquer des fonds. Par ailleurs, des analyses des communications téléphoniques ont révélé des échanges fréquents entre Pascal Pierre Louis, Lonick Léandre et Louis Gérald Gilles. Ces preuves, associées à l’utilisation des fonds d’intelligence de la Présidence pour couvrir ces transactions, soulèvent des préoccupations sur une gestion opaque et corrompue des finances publiques.
Face à l’absence des trois inculpés, le magistrat Benjamin Félismé pourrait émettre prochainement des mandats d’amener à leur encontre. Selon des sources proches du dossier, cette décision vise à garantir leur comparution et à accélérer une affaire devenue emblématique de la lutte contre la corruption en Haïti. L’ULCC a, dans son rapport, recommandé des poursuites pénales contre Louis Gérald Gilles, Smith Augustin et Emmanuel Vertilaire, ainsi que contre Pascal Pierre Louis pour corruption active et complicité. Lonick Léandre, considéré comme un intermédiaire clé, fait également face à des accusations.
Les retombées politiques de cette affaire sont considérables. La correspondance de Pascal Pierre Louis, révélant les pratiques présumées des membres du CPT impliqués dans ce scandale, a provoqué un tollé dans le pays. Des appels à une réforme institutionnelle et à une plus grande transparence dans la gestion des fonds publics se multiplient. Tandis que les conseillers-présidents contestent les accusations, le dossier, soutenu par des preuves solides, pourrait marquer un tournant dans la lutte contre l’impunité en Haïti. L’opinion publique reste suspendue aux décisions judiciaires, espérant que cette affaire puisse renforcer l’État de droit dans un pays en proie à une crise institutionnelle
majeure.