« Nous avançons comme des somnambules vers la catastrophe climatique », selon Guterres

Antonio Guterres, Secretaire general de l'ONU

L’objectif de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius, comme le prévoit l’Accord de Paris sur le climat, est désormais « en soins intensifs », a déploré lundi le chef de l’ONU lors d’un sommet organisé par The Economist sur le développement durable.

S’exprimant par liaison vidéo, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a noté les progrès réalisés lors de la Conférence des Nations Unies sur le climat, COP 26, l’année dernière, mais a estimé que « le principal problème n’a pas été résolu – il n’a même pas été correctement traité ».

« Maintenir l’objectif de 1,5 degré Celsius en vie nécessite une réduction de 45% des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici 2030 et la neutralité carbone d’ici le milieu du siècle », a-t-il déclaré, soulignant que l’invasion de l’Ukraine par la Russie menaçait de devenir un énorme revers pour l’effort visant à accélérer l’action climatique.

Selon les engagements nationaux actuels, les émissions mondiales de gaz à effet de serre devraient augmenter de près de 14% pendant le reste de la décennie.

Rien que l’année dernière, les émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie ont augmenté de 6% « pour atteindre leurs niveaux les plus élevés de l’histoire », a déclaré M. Guterres, alors que les émissions liées au charbon ont grimpé « pour atteindre des niveaux records ».

« Nous avançons comme des somnambules vers la catastrophe climatique », a averti M. Guterres, alors que la planète se réchauffe de 1,2 degré Celsius et que les catastrophes climatiques ont forcé 30 millions de personnes à fuir leurs domiciles.

Si nous ne voulons pas « dire au revoir à l’objectif de 1,5 degré… nous devons aller à la source – le G20 » (groupe des principales économies), a déclaré le chef de l’ONU.

Notant que les économies développées et émergentes du G20 représentent 80% de toutes les émissions mondiales de gaz à effet de serre, il a attiré l’attention sur une forte dépendance au charbon mais a souligné que « notre planète ne peut pas se permettre un jeu de blâme climatique ».

Les pays développés ne doivent pas imposer aux économies émergentes d’accélérer leur transition, pas plus que les économies émergentes ne doivent répondre en disant : « vous nous avez exporté des activités industrielles lourdes à forte intensité de carbone en échange de biens moins chers ».

« Nous ne pouvons pas pointer du doigt pendant que la planète brûle », a déclaré le chef de l’Organisation.

Le Secrétaire général a souligné de multiples défis tels que la reprise « scandaleusement inégale » post Covid-19, l’inflation record et les retombées de la guerre en Ukraine, qui risque de bouleverser les marchés mondiaux de l’alimentation et de l’énergie, « avec des implications majeures pour l’agenda climatique mondial ».

Alors que les grandes économies poursuivent une stratégie pour remplacer les combustibles fossiles russes, des mesures à court terme pourraient créer une dépendance à long terme aux combustibles fossiles, a-t-il averti.

« Les pays pourraient devenir tellement absorbés par le déficit immédiat d’approvisionnement en combustibles fossiles qu’ils négligent ou s’attaquent aux politiques visant à réduire l’utilisation des combustibles fossiles », a déclaré M. Guterres. « C’est de la folie ».

Alors que la dépendance aux combustibles fossiles continue de mettre l’économie mondiale et la sécurité énergétique à la merci des chocs et des crises géopolitiques, « le calendrier pour réduire les émissions de 45% est extrêmement serré ».

« Les pays développés, les banques multilatérales de développement, les institutions financières privées et les entreprises disposant du savoir-faire technique doivent tous unir leurs forces… pour apporter un soutien à grande échelle et rapide aux économies s’appuyant beaucoup sur le charbon », a-t-il ajouté.

Bien qu’il s’agisse d’un « défi majeur », les économies développées et émergentes doivent coopérer les unes avec les autres pour que tous les pays du G20 parviennent à réduire leurs émissions.

Et tandis que tous les pays du G20 ont convenu de cesser de financer le charbon à l’étranger, ils doivent maintenant démanteler leur propre infrastructure dans le secteur du charbon.

Le Secrétaire général a déclaré que « même l’action la plus ambitieuse » ne peut effacer le fait que « la situation est déjà mauvaise » et irréversible dans certains domaines.

Il a plaidé pour une augmentation considérable des investissements dans l’adaptation. Il a appelé tous les donateurs et partenaires techniques à travailler avec l’ONU et les gouvernements vulnérables pour identifier et financer des projets et des programmes.

Le chef de l’ONU a également insisté sur de nouveaux systèmes d’éligibilité simplifiés et des investissements accrus dans l’adaptation et la résilience.

En commençant par les finances publiques, les pays les plus riches doivent respecter leur engagement financier climatique de 100 milliards de dollars pour 2022 envers les pays en développement – les institutions financières internationales en faisant une priorité.

Deuxièmement, il a déclaré que le financement mixte exige que ces institutions s’associent au secteur privé pour des investissements conjoints et l’innovation, afin de débloquer des milliers de milliards de dollars pour la transition.

Enfin, la finance privée doit investir « beaucoup plus » dans les transitions nettes zéro et résilientes au changement climatique pour les économies émergentes.

Au lieu de « freiner » la décarbonation de l’économie mondiale, le Secrétaire général a exhorté tout le monde à « mettre le pied au plancher vers un avenir d’énergies renouvelables ».

Il a conclu en exposant les étapes pour atteindre l’objectif de 1,5 degré Celsius, en commençant par accélérer l’élimination du charbon et des combustibles fossiles ; mettre en œuvre une transition énergétique juste et durable ; et renforcer les plans climatiques nationaux.

Il est également impératif d’aider les économies émergentes à éliminer de toute urgence l’utilisation du charbon ; augmenter le financement climatique ; décarboner les principaux secteurs – tels que le transport maritime, l’aviation, l’acier et le ciment – et protéger les plus vulnérables.