République Dominicaine, mercredi 18 septembre 2024 – Ce mois de septembre marque le onzième anniversaire de la tristement célèbre et controversée sentence 168-13, qualifiée d’inconstitutionnelle et raciste, qui a dénationalisé plus de 200 000 Dominicains d’origine haïtienne. Cette décision, dont l’objectif était de « blanchir » le pays en liant la nationalité à des critères raciaux, constitue un jalon sombre dans l’histoire des droits humains en République dominicaine.
L’un des principaux artisans de cette décision, Milton Ray Guevara, ancien président de la Cour constitutionnelle (TC), a pris sa retraite en 2023. Connu pour ses positions racistes et antihaïtiennes, Guevara a mené une carrière marquée par la promotion d’une idéologie discriminatoire ayant consolidé un régime d’apartheid dans le pays. Selon ses détracteurs, il devra répondre de ses actes devant des instances nationales et internationales pour avoir promu un agenda antidémocratique et violateur des droits humains.
En août 2023, alors qu’il était toujours magistrat, Guevara a été nommé membre honorifique de l’Institut Duartiano, ce qui a suscité de vives critiques. Cet institut nationaliste extrémiste compte parmi ses membres des figures controversées comme Marino Vinicio Castillo, Federico Henríquez Gratereaux et Miguel Franjul. Lors de son discours d’admission, Guevara a évoqué une vieille théorie conspirationniste d’origine trujilliste, selon laquelle des « agendas » chercheraient à détruire la République dominicaine.
Descendant de libres afro-américains ayant fui la ségrégation aux États-Unis pour s’installer à Samaná, grâce à l’unification politique de l’île sous Boyer, Ray Guevara est né en 1948 sous la dictature de Rafael Trujillo. Sa famille a toujours été liée au régime trujilliste. Son grand-père, Pedro David Ray Williams, fut l’un des fondateurs du Parti réformiste, et son père occupa la présidence de la mairie de Samaná.
Après des études en Europe, Ray Guevara débuta en politique dans les années 1970, devenant Secrétaire d’État sans portefeuille en 1978. Durant cette période, il est accusé d’avoir joué un rôle dans la superexploitation de milliers de travailleurs haïtiens dans les plantations de canne à sucre, comme l’a dénoncé le journaliste Huchi Lora. Des années plus tard, Guevara contribuerait à priver ces mêmes travailleurs et leurs descendants de leurs droits, illustrant une hypocrisie flagrante.
La décision 168-13 est considérée comme un exemple de lawfare, ou l’utilisation abusive de la justice pour persécuter une population historiquement opprimée. Sous la présidence de Guevara, la Cour constitutionnelle a orchestré cette décision dans le but d’attaquer les Dominicains d’origine haïtienne. En étendant rétroactivement les effets de la sentence à toutes les personnes nées après 1929, descendantes de migrants haïtiens, elle a créé un précédent dangereux en matière de violation des droits fondamentaux.
Cette décision a été largement comparée aux Lois de Nuremberg, notamment par l’écrivain Mario Vargas Llosa, qui l’a qualifiée d’acte de ségrégation raciale dans son article Los parias del Caribe. Pour les observateurs des droits humains, la sentence 168-13 s’inscrit dans une continuité historique de violences d’État, comme le massacre de 1937, qui a coûté la vie à des milliers d’Haïtiens et de Dominicains d’origine haïtienne. À ce jour, des milliers de Dominicains d’ascendance haïtienne vivent encore dans des conditions d’apatridie, privés de tout droit politique, économique ou social.
Le cas de Ray Guevara et de ses collègues racistes doit servir d’avertissement aux nouveaux magistrats de la Cour constitutionnelle. Ils ont désormais la responsabilité de corriger ces injustices historiques. Contrairement à Guevara, qui a systématiquement défendu les intérêts des plus puissants, ces nouveaux juges doivent se conformer aux principes d’égalité devant la loi. Leur capacité à restaurer les droits des populations vulnérables sera décisive pour leur propre place dans l’histoire.
Le verdict de l’Histoire dépendra de leurs actions : continueront-ils à perpétuer l’injustice et l’exclusion, ou choisiront-ils de défendre les droits humains pour tous les citoyens ?
Cet article a été publié initialement en espagnol par le mouvement Reconocido