PORT-AU-PRINCE, samedi 30 mars 2024– Dans un contexte politique et social tendu, l’attention se tourne vers les actions de Michel Potrick Boisvert, premier ministre ad intérim, et les critiques ne tardent pas à fuser.
Me Samuel Madistin, figure éminente du paysage juridique et politique haïtien, adresse une mise en garde explicite quant à la nécessité de prudence dans les décisions prises en cette période délicate. L’évocation d’un arrêté nommant un conseil présidentiel de neuf membres à la demande de la CARICOM soulève des inquiétudes quant à la légalité et la pertinence de telles mesures dans le cadre constitutionnel haïtien, souligne-t-il.
Selon Me Madistin, la procédure constitutionnelle postulant une vacance présidentielle requiert que le conseil des ministres transfère le pouvoir au président de la Cour de cassation, qui sera chargé de prendre les mesures nécessaires. Or, le projet de décret proposé, visant à instaurer un Conseil-Présidentiel (CP), suscite de vives critiques de la part du juriste.
En effet, Me Madistin énumère une série de points problématiques quant à ce projet de décret. Tout d’abord, il souligne le risque de concentration excessive de pouvoirs entre les mains du CP, dépassant ceux traditionnellement dévolus au président élu. Cette démarche, selon lui, rappelle les excès du présidentialisme décrié depuis la chute de la dictature des Duvalier.
De plus, le décret envisage la création de six “super ministres”, tous titulaires de pouvoirs présidentiels et en charge de coordonner divers secteurs de l’administration. Cette centralisation du pouvoir au sein du CP est jugée inacceptable, surtout en l’absence de critères clairs de sélection des membres.
Le juriste critique également le manque de prise en compte des recommandations de la CARICOM dans la composition du CP, ainsi que l’exclusion de potentiels candidats au poste de Premier Ministre en raison de leur résidence à l’étranger dans les cinq années précédant la mise en place du conseil.
Le décret prévoit également des salaires pour les sept membres du CP, ce qui soulève des questions quant à la charge financière pour l’État. De plus, il accorde au CP le pouvoir de contraindre le Premier Ministre à la démission dans certains cas, ce qui selon Me Madistin, fragilise la fonction de chef du gouvernement.
Me Madistin condamne fermement l’absence de coopération internationale dans ce projet de décret, soulignant l’importance d’une approche collaborative pour résoudre la crise politique, sécuritaire et économique que traverse actuellement Haïti.
Pour Me Samuel Madistin, la publication du décret portant création, organisation et fonctionnement du CP ne ferait qu’aggraver la crise actuelle. Il appelle à la raison et à une sortie de crise raisonnée, suggérant que la Cour de cassation représente la meilleure option pour résoudre cette période tumultueuse.
Alors que le peuple haïtien continue de souffrir des conséquences de l’instabilité politique, les propositions de Me Madistin résonnent comme un appel à la responsabilité et à la concertation pour assurer un avenir meilleur pour le pays.