PORT-AU-PRINCE, mardi 5 novembre 2024– Dans un climat politique déjà tendu, Me Guerby Blaise, avocat d’Emmanuel Vertilaire, conseiller présidentiel, a vivement réagi aux déclarations de Garry Conille, Premier ministre d’Haïti, qui a évoqué son client comme étant un inculpé dans une affaire judiciaire. Cette qualification, selon Me Blaise, est inappropriée et juridiquement infondée à ce stade de la procédure. Dans une déclaration détaillée, l’avocat a clarifié le statut de son client tout en rappelant les principes du droit pénal haïtien relatifs à l’inculpation, appelant au respect de l’indépendance de la justice et à une retenue dans les discours publics.
Me Blaise explique que la simple saisine du Cabinet d’instruction par le réquisitoire d’informer du Parquet n’emporte pas automatiquement le statut d’inculpé pour une personne concernée par une enquête. En vertu de l’article 77 du Code d’instruction criminelle haïtien, l’inculpation doit être formalisée par un acte du magistrat instructeur. « À ce jour, Président Emmanuel VERTILAIRE ne reçoit aucun acte du juge d’instruction », a précisé l’avocat, insistant sur le fait que son client n’a pas, en l’état actuel des procédures, le statut d’inculpé.
Me Blaise a également exprimé ses préoccupations face aux propos du Premier ministre Conille, qui pourraient, selon lui, affecter la perception de l’indépendance de la justice et affaiblir l’État de droit. Dans cette affaire, il rappelle que la rencontre impliquant son client à l’hôtel Oasis était liée à ses fonctions officielles et donc indissociable de son rôle institutionnel. Cela rend l’inculpation de Vertilaire peu probable selon le cadre légal, même si le juge d’instruction conserve son indépendance pour évaluer cette question en toute souveraineté. L’avocat estime néanmoins que les déclarations de Garry Conille risquent de fragiliser la confiance du public dans le processus judiciaire et de politiser inutilement cette affaire.
Sur le plan politique, Me Blaise regrette l’escalade des tensions entre le conseiller présidentiel et le Premier ministre, jugeant cette situation préjudiciable à la réussite de la transition politique. Il rappelle son attachement à une stricte séparation entre le dossier judiciaire de la Banque Nationale de Crédit (BNC) et les considérations politiques. En réaction aux appels au renvoi de Garry Conille par certains partisans des trois Conseillers-Présidents, Me Blaise souligne que, même si Conille est lui-même inculpé dans l’affaire du Centre National des Équipements (CNE), cette inculpation ne constitue pas une présomption de culpabilité et ne devrait pas être exploitée dans un débat politique.
L’avocat exprime également son regret face à ce qu’il considère comme un manque de considération pour le juge d’instruction et l’indépendance judiciaire. Selon lui, les propos de Conille témoignent d’un « désintérêt et d’un mépris » pour le processus judiciaire. Me Blaise souhaite que le Premier ministre révise ses déclarations par respect pour le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) et pour le magistrat instructeur en charge du dossier. Il rappelle également que, malgré la levée du mandat d’amener et de l’interdiction de quitter le territoire dont Garry Conille a fait l’objet, ce dernier demeure inculpé dans l’affaire CNE. Ce statut pourrait d’ailleurs persister jusqu’en cour d’appel si le Parquet décidait de contester une éventuelle ordonnance du juge d’instruction.
Loin de conclure à la culpabilité du Premier ministre dans l’affaire CNE, Me Blaise insiste sur l’importance de la présomption d’innocence et de la prudence dans les déclarations à portée juridique. Il conseille au Premier ministre de s’entourer des conseils de son ministre de la Justice pour éviter des interprétations hâtives et pour préserver le respect des procédures judiciaires. Me Blaise conclut en soulignant que cette retenue est essentielle pour maintenir la sérénité et l’indépendance de la justice, au-delà des tensions politiques actuelles.