Massacre de Kenscoff : Plus de 150 morts et une centaine de maisons incendiées selon la FJKL, qui dénonce l’inaction des autorités…

Vitelhomme Innocent, chef du gang Kraze Barye, Jimmy Barbecue Cherizier , chef de la federation des gangs G-an Fanmi e Alye, Izo du gang 5 seconde de Village de Dieu, Jeff, chef de gang de Canaan, Lanmo San Jou, chef du gang 400 Mawozo….

PORT-AU-PRINCE, vendredi 7 février 2025Selon un rapport de la Fondasyon Je Klere (FJKL), un massacre d’une ampleur inédite a été perpétré dans la commune de Kenscoff dans la nuit du 26 au 27 janvier 2025, causant la mort de plus de 150 personnes et la destruction de plus d’une centaine de maisons incendiées par les assaillants. La FJKL, qui documente les exactions des groupes armés en Haïti, accuse ouvertement les autorités d’avoir ignoré les nombreux signaux d’alerte qui annonçaient l’attaque et de n’avoir pris aucune mesure efficace pour protéger la population. L’organisation dénonce le « cynisme » et la « désinvolture » du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) ainsi que l’inaction de la Police Nationale d’Haïti (PNH), dont certains membres auraient même tenté de minimiser la menace quelques heures avant l’assaut meurtrier.

D’après la FJKL, les assaillants appartiennent à la coalition criminelle Viv Ansanm, qui regroupe notamment des factions du G-9 an fanmi e alye et qui vise à étendre son contrôle territorial autour de la capitale. Le rapport indique que l’attaque de Kenscoff s’inscrit dans une stratégie plus large après l’échec, le 2 décembre 2024, d’une offensive similaire contre Pétion-Ville. « Les gangs ont été mis en déroute à Pétion-Ville par la population et la police. Leur plan est désormais d’encercler la commune en s’emparant des hauteurs de Kenscoff, Thomassin et Laboule, afin de rendre toute nouvelle défense impossible », souligne la FJKL. Le groupe terroriste aurait été dirigé par Frantzy Valmé, alias Didi, un évadé de prison, qui aurait joué un rôle central dans l’attaque de Kenscoff.

La FJKL affirme que les intentions des gangs étaient connues bien avant le passage à l’acte. Pendant plusieurs semaines, des messages sur les réseaux sociaux annonçaient une offensive imminente, et la présence croissante d’hommes armés dans la région avait été signalée par les habitants. Face à ces menaces, la mairie de Kenscoff avait instauré un couvre-feu dès le 25 janvier, limitant la circulation des motocyclettes et alertant la PNH sur l’imminence d’une attaque. Un message officiel avait même été transmis le 23 janvier aux autorités policières pour exiger une intervention préventive.

Malgré cela, la police n’a pas réagi. La FJKL dit disposer d’enregistrements audio du commissaire Charles Jean Robert, responsable du commissariat de Kenscoff, qui, quelques heures avant l’attaque, aurait affirmé à ses supérieurs qu’« il n’y avait rien d’alarmant » et que les patrouilles n’avaient détecté aucune menace. « Kenscoff est sous contrôle. Il est safe », aurait-il assuré, selon les documents analysés par la FJKL. Pourtant, l’organisation rapporte que les assaillants avaient préparé leur opération avec soin, en utilisant des drones d’observation pour repérer les points stratégiques et en infiltrant la commune plusieurs jours à l’avance.

Les gangs ont attaqué Kenscoff depuis plusieurs directions. Selon la FJKL, des groupes d’assaillants sont arrivés à pied depuis Berly, une section communale de Carrefour, et ont traversé la montagne jusqu’à Kafou Bèt. D’autres sont passés par Clémenceau et Belot, en empruntant des routes secondaires pour éviter d’être repérés. Une fois sur place, ils ont imposé la terreur aux habitants.

L’attaque a commencé aux alentours de trois heures du matin. Les bandits ont pénétré de force dans plusieurs maisons, contraignant les occupants à sortir avant de les exécuter ou de les torturer. Certains ont été brûlés vifs dans leurs domiciles incendiés. Les assaillants ont ensuite pillé les habitations et occupé plusieurs bâtiments, transformant notamment le local de l’Église Baptiste Conservatrice de Kikwa en base opérationnelle.

Les localités les plus touchées sont Kafou Bèt, Kikwa, Gode, Belot, Bongard, Lahate Bongard, Ti Plas, Previtè, Nan Pitimi, Sous Rozo, Bwa Majò et Grande Source. À Kafou Bèt, la FJKL rapporte que Cerilis Paul et ses six enfants ont été brûlés vifs. À Kikwa, plusieurs personnes ont été tuées, dont Mme Jeannot Innocent, M. et Mme Elisma Innocent, Sr Victor Laurenssaint, Mme Nicolas Choute et deux autres dames qui priaient dans une maison incendiée. Le pasteur Philius Leris, habitant de Kikwa, a été exécuté dans la zone de Tè Pomme de Terre.

Selon la FJKL, le bilan provisoire au 30 janvier 2025 est difficile à établir. Les chiffres varient entre plus de 150 morts selon les informations recueillies sur le terrain et une quarantaine de victimes selon les autorités locales. Plusieurs familles ont été entièrement décimées, certaines perdant jusqu’à dix membres. Des personnes âgées ont été assassinées ou portées disparues, notamment Caristène Joseph, 95 ans (disparu) et Madame Caristène Joseph, 83 ans (tuée).

La FJKL rapporte également que des groupes d’autodéfense ont tenté d’intervenir pour protéger la population, mais sans succès. Blende AC, un membre du groupe d’autodéfense de Fort Jacques, a été tué par les assaillants.

Les dégâts matériels sont également considérables. Plus d’une centaine de maisons ont été incendiées, laissant des centaines de personnes sans abri. Des entreprises locales et des infrastructures essentielles ont été réduites en cendres.

La FJKL souligne que l’intervention policière ne s’est produite que plusieurs heures après l’attaque. Ce n’est que dans la matinée du 27 janvier, vers 11 heures, que des unités de la Police Nationale d’Haïti (PNH) et de la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MMSS), dirigées par le Directeur Général Rameau Normil, sont arrivées à Kenscoff à bord de chars blindés. Mais selon la FJKL, cette opération policière tardive n’a fait que constater les dégâts et n’a permis aucune arrestation significative.

La FJKL dénonce une inaction coupable et accuse le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) de faire preuve de « cynisme » face à la situation sécuritaire désastreuse du pays. « L’État haïtien a une nouvelle fois failli à sa mission de protection des citoyens et n’a tiré aucune conséquence logique de cette tragédie », regrette l’organisation.Alors que la population de Kenscoff pleure ses morts et tente de survivre dans un climat de peur extrême, la FJKL appelle les autorités haïtiennes et la communauté internationale à prendre des mesures urgentes pour empêcher que de telles atrocités ne se reproduisent. Mais dans un pays où les gangs continuent d’étendre leur contrôle sans réelle opposition, l’espoir d’une réponse efficace demeure fragile.