SAINT-MARC, mardi 3 septembre 2024– Selon un rapport d’enquete de la Fondation Je Klere (FJKL), le 15 août 2024, la prison civile de Saint-Marc a été le théâtre d’un carnage effroyable. Ce jour-là, des détenus désespérés, affamés par une grève des agents pénitentiaires, ont été exécutés sommairement par les forces de l’ordre, sous les yeux des autorités locales.
La FJKL indique que depuis le début du mois d’août 2024, les agents pénitentiaires de la prison civile de Saint-Marc avaient cessé de travailler pour exiger le paiement de leurs primes de risque. Cette grève a laissé les détenus sans nourriture, sans visite de leurs proches, et sans possibilité d’extraction pour être entendus par la justice. Cette situation a conduit à une détérioration rapide des conditions de vie à l’intérieur de la prison. Le 15 août, alors que les agents tentaient d’ouvrir les cellules pour la routine matinale, les détenus de la cellule 6 ont commencé à protester violemment, désarmant un agent et déclenchant un incendie.
Les autorités locales, dont le Commissaire du Gouvernement, sont rapidement arrivées sur les lieux, accompagnées de renforts policiers. Cependant, au lieu de tenter de ramener le calme par des moyens pacifiques, les forces de l’ordre ont réagi avec une violence extrême. Des détenus ont été abattus de sang-froid, certains même à l’intérieur de leurs cellules.
Le bilan officiel fait état de quatorze morts, tous des détenus, dont les corps ont été enterrés dans une fosse commune. Cependant, des sources alternatives parlent de dix-neuf morts, voire plus. Le Juge de paix de la ville, Me Fanelds Filius Michel, a affirmé n’avoir pu constater que trois corps en dehors de la prison et onze autres à la morgue Beaubrun. Il a également déclaré ignorer qui avait donné l’ordre de déplacer les corps sans constat légal, bien que des témoins affirment que cet ordre provenait du Commissaire du Gouvernement lui-même.
La FJKL souligne que ce massacre est un exemple flagrant d’un usage abusif de la force pour réprimer une protestation légitime de détenus qui réclamaient simplement de la nourriture. Les détenus ne tentaient pas de s’évader et n’étaient pas armés, hormis un fusil 12 volé à un agent. L’intervention brutale des autorités locales, marquée par des exécutions sommaires en présence du Commissaire du Gouvernement et du Vice-Délégué de Saint-Marc, M. Walter Montas, témoigne d’un manquement grave au respect des droits humains.
Parmi les victimes, on compte Dieunel Desir, Luckson Desir, Blaise Thelor, Paul Benitho, Duckens Purre, Yonel Mercius, Makeli Kofi, Saka Olmann Carl Henry, Evens Philocleste, Flerine Alex, Wisly Louidor, Gaston Ady, Junior Barthelemy alias Aboulo, et Sondji Sonson Louis. Un seul détenu, Gédéon John alias Atougang, a réussi à s’évader. Sept autres détenus ont été blessés, dont Edouardo Joseph, Jean Mario Marcelin, Wilkens Sifrain, Jean Cheny Chery, Jean Noel Renald, Merlin Meler, ainsi qu’un policier, Junior Pierre, qui se serait blessé par accident.
Le massacre a également causé des dégâts matériels importants, avec six cellules endommagées, ainsi que l’incendie de l’administration, de la cuisine, du dortoir, de l’infirmerie, du dépôt et des archives de la prison. Un fusil 12 a été détruit dans l’incendie, et un fusil M4 endommagé a été réparé par la Police Nationale d’Haïti (PNH).
La FJKL estime que ce massacre est le résultat d’une série de fautes administratives et pénales. La gestion inefficace du personnel pénitentiaire, le manque de discipline et de professionnalisme des forces de l’ordre, ainsi que l’usage disproportionné de la force sont autant de facteurs qui ont conduit à ce drame. La FJKL appelle à une enquête administrative de l’Inspection Générale de la PNH et à une investigation criminelle par la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) pour que justice soit rendue.
L’organisation souligne que les événements de Saint-Marc illustrent de manière tragique l’effondrement des institutions étatiques en Haïti et le non-respect du droit à la vie. La communauté internationale, qui soutient le gouvernement en place, doit exiger des explications claires et condamner fermement ces violations graves des droits humains. Les responsables de ce massacre ne doivent pas rester impunis, et des mesures doivent être prises pour prévenir de tels drames à l’avenir.