Maintenir l’attention mondiale sur Haïti alors que des millions de personnes souffrent de la faim, déclare un responsable du PAM…

Jean-Martin Bauer, Directeur du PAM...

PORT-AU-PRINCE, mercredi 5 juin 2024– Le nombre de personnes souffrant de la faim en Haïti a atteint des niveaux records en raison de la violence continue des gangs, a déclaré mercredi à Port-au-Prince le chef du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies dans ce pays.

« Nous avons maintenant cinq millions de personnes en Haïti en insécurité alimentaire aiguë, dont 1,6 millions classés comme étant en situation d’urgence alimentaire », a déclaré Jean-Martin Bauer, directeur du PAM en Haïti, s’adressant par vidéoconférence aux journalistes au siège des Nations Unies à New York.

« Ce sont les chiffres les plus élevés jamais enregistrés. Ce sont les chiffres les plus élevés que nous ayons eus depuis le tremblement de terre de 2010 », a-t-il ajouté.

Le briefing de M. Bauer a eu lieu quelques heures après que le PAM et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ont publié leur dernier rapport sur les points chauds de la faim, appelant à des actions pour sauver des vies et prévenir la famine dans 18 endroits tels que Gaza, le Soudan et Haïti.

Il s’exprimait depuis une cuisine communautaire à Port-au-Prince, gérée par le PAM et un partenaire local, qui prépare des milliers de repas chauds pour les personnes déplacées par la violence rampante des gangs, l’insécurité et les violations des droits humains qui secouent la ville depuis des années.

Le Conseil de sécurité des Nations Unies a autorisé le déploiement d’une mission multinationale de soutien à la sécurité pour aider la Police nationale haïtienne, qui en est encore aux stades de planification.

La situation dans ce pays des Caraïbes s’est aggravée début mars après que les gangs ont resserré leur emprise sur la capitale, menant des attaques coordonnées contre les postes de police et d’autres institutions étatiques clés, et libérant des milliers de prisonniers lors d’évasions de prison. Les vols ont été suspendus et le Premier ministre, Ariel Henry, a démissionné.

En réponse aux questions des journalistes, M. Bauer a déclaré que la sécurité est la « priorité numéro un » face à la violence qui rend dangereux pour les gens, y compris son personnel, de simplement emmener leurs enfants à l’école, faire les courses ou aller à l’église.

La violence a forcé plus de 360 000 Haïtiens à fuir leur domicile. Plus de 100 000 ont quitté Port-au-Prince rien qu’en mars, a-t-il précisé, citant des données de l’agence des Nations Unies pour les migrations (OIM).

  1. Bauer a indiqué que cet « exode » de la capitale affecte particulièrement le sud du pays, où les infrastructures sont limitées, aggravant ainsi la crise alimentaire.

Bien qu’un nouveau Premier ministre ait été nommé, la période depuis lors a été « assez violente, assez instable », a-t-il ajouté.

« Le pays a été bloqué. Les principaux ports pour les conteneurs, l’aéroport, n’ont pas été fonctionnels pendant des mois. Ils ont repris lentement leur fonctionnement », a-t-il déclaré.

Les humanitaires ont fait de leur mieux pour répondre à la crise, et le programme de repas chauds en est un exemple, a-t-il dit. En tout, le PAM et ses partenaires ont assisté plus de 100 000 personnes depuis le début de l’année, fournissant plus d’un million de repas chauds.

« Pour le moment, nous avons pu utiliser les stocks que nous avions placés à Port-au-Prince avant la crise, mais ceux-ci sont en train de s’épuiser », a-t-il déclaré.

Avec la récente réouverture du port, il a exprimé son optimisme que davantage de marchandises arriveront dans le pays pour soutenir les activités humanitaires.

Il a également mentionné une bonne nouvelle. La semaine dernière, un vol cargo du PAM a transporté 15 tonnes de fournitures médicales vitales vers l’aéroport de Port-au-Prince, marquant la première fois depuis des mois.

Les articles étaient destinés à des partenaires tels que le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui les ont livrés aux hôpitaux et cliniques locaux. D’autres vols seront bientôt programmés.

D’autres « percées » ont permis au PAM d’atteindre le quartier de Cité-Soleil, fournissant des rations à environ 93 000 personnes en mai. Le PAM a également maintenu un service de ferry reliant Port-au-Prince au nord et au sud d’Haïti, apportant des denrées alimentaires et des fournitures médicales aux zones isolées des chaînes d’approvisionnement humanitaires.

« Mais il y a encore un sentiment de crise », a déclaré M. Bauer.

Ce mois-ci marque le début de la saison des ouragans dans l’Atlantique, qui s’annonce « très active » cette année. Les prix des denrées alimentaires dans la capitale ont également augmenté de près de 30 % depuis janvier, représentant un autre coup dur pour la population.

Il a exhorté la communauté internationale à intensifier son soutien à Haïti, car un plan de réponse humanitaire de 674 millions de dollars, lancé en février, n’est financé qu’à environ 22 %. Le PAM a également besoin de 76 millions de dollars pour continuer son travail vital dans le pays.

« Nous devons continuer à mettre Haïti sous les projecteurs », a-t-il déclaré. « Nous savons que dans certaines parties du monde, il n’y a pas eu suffisamment d’attention sur Haïti parce que nous nous concentrons sur d’autres crises, nous regardons ailleurs, mais la crise en Haïti est ici, elle est maintenant et elle mérite une réponse. »