L’USAID suspend ses opérations dans 120 pays, dont Haïti : une décision controversée aux conséquences incalculables…

PORT-AU-PRINCE, mardi 4 février 2025 Depuis ce lundi 3 février 2025, le bureau de l’USAID (United States Agency for International Development) en Haïti est officiellement inopérationnel, s’inscrivant dans une vague de suspensions affectant l’agence dans plus de 120 pays. Cette décision découle d’une reconfiguration radicale des priorités de l’administration du nouveau président américain Donald Trump, sous l’influence d’Elon Musk, figure omniprésente de la technologie et des réseaux sociaux, désormais impliqué dans la refonte des institutions fédérales.

Le site internet de l’USAID-Haïti est désormais inaccessible, tandis que son compte officiel sur X (anciennement Twitter) a été suspendu, alimentant les spéculations sur l’ampleur et les véritables motivations de cette décision.

Cette suspension intervient dans un contexte où Haïti, dont près de 70 % du budget de fonctionnement repose sur l’aide internationale, se trouve dans une situation de vulnérabilité accrue. Cette dépendance structurelle rend l’impact de cette mesure d’autant plus critique, menaçant le maintien des services publics essentiels et accentuant les incertitudes quant à l’avenir des programmes de développement.

Cette fermeture, bien que temporaire, aura des répercussions incalculables sur les secteurs clés du pays, où l’USAID joue un rôle central depuis plus d’un demi-siècle. Par ses interventions stratégiques dans la santé, l’éducation, l’agriculture et la gouvernance, l’agence s’est imposée comme un pilier du développement haïtien. Ses programmes ont financé la lutte contre le VIH/Sida, renforcé les infrastructures sanitaires, facilité l’accès à l’éducation de base et soutenu des initiatives de résilience économique et environnementale. De plus, des projets ciblés à Port-au-Prince, Saint-Marc et Cap-Haïtien visaient à stimuler l’investissement et à créer de nouvelles opportunités économiques, aujourd’hui menacées par cette suspension brutale.

Cette suspension brutale laisse un vide immense, plongeant des milliers de familles dans l’incertitude. Nombre d’entre elles dépendaient, directement ou indirectement, des financements et programmes de l’agence. Déjà, de nombreux employés locaux ont reçu des lettres de mise en disponibilité, affectant une vaste gamme de secteurs. Médecins, agronomes, enseignants, spécialistes en gestion des risques et des catastrophes, experts en finances, suivi et évaluation, administrateurs, communicateurs, logisticiens, mécaniciens et agents de sécurité se retrouvent aujourd’hui en difficulté, fragilisés par l’arrêt soudain des programmes de l’USAID.

Un informaticien travaillant dans un programme de santé financé par l’USAID en Haïti, ayant requis l’anonymat, témoigne de son désarroi après avoir été contraint de rester chez lui sans salaire pendant trois mois. « Je ne sais plus vers qui me tourner. Comment vais-je payer mon loyer et subvenir aux besoins de mes enfants ? », s’interroge-t-il, face à une situation financière extrêmement difficile.

À Washington, la contestation s’organise : devant le siège de l’USAID, des manifestants indignés brandissent des pancartes aux slogans évocateurs : « Sauvez l’USAID, sauvez des vies » et « L’USAID aujourd’hui, qui sera le prochain ? » —témoignant de l’inquiétude grandissante face aux conséquences de cette décision.

Dans un discours incendiaire, Elon Musk avait qualifié l’USAID « d’organisation criminelle », insinuant des liens occultes avec la CIA et dénonçant son rôle présumé dans des opérations clandestines, notamment des recherches sur les armes biologiques, des financements douteux à l’EcoHealthAlliance, et une implication présumée dans des coups d’état en Haïti. Ces accusations, relayées et amplifiées par Donald Trump, ont conduit à un gel partiel du budget de l’USAID, estimé à près de 40 milliards de dollars par an.

Lors d’une visite au Salvador, Marco Rubio a annoncé qu’il prendrait temporairement la tête de l’USAID (Agence des États-Unis pour le développement international). Il a vivement critiqué ce qu’il a qualifié « d’insubordination » de l’agence face aux directives de la nouvelle administration. Selon lui, un examen sérieux des activités de l’USAID ne serait pas possible sans des changements immédiats. Il a insisté en déclarant fermement : « Cela doit cesser, et cela doit prendre fin. »

Marco Rubio, qui occupe le poste de secrétaire d’État américain, a également justifié la suspension d’une partie de l’aide étrangère, affirmant que « le gouvernement américain n’est pas une œuvre de charité ». Cette décision s’inscrit dans le cadre d’une mesure plus large prise par le président Donald Trump : depuis le 20 janvier, l’aide étrangère a été gelée pour une période de 90 jours. Cette suspension a été officiellement précisée le 24 janvier par le Département d’État. Trois jours plus tard, 56 responsables de l’USAID, dont plusieurs avocats chargés d’examiner les demandes d’exceptions à ce gel, ont été placés en congé administratif.

Alors que Marco Rubio prend la tête de l’USAID par intérim, l’attention se tourne vers les premières décisions qu’il prendra pour orienter l’agence. Ces choix pourraient redéfinir non seulement le rôle de l’USAID, mais aussi la position des États-Unis dans le domaine de l’aide internationale.

Cependant, la situation actuelle suscite des inquiétudes. Des ONG dénoncent un manque de transparence concernant les programmes autorisés à continuer leurs activités. Certaines organisations hésitent même à s’exprimer publiquement, craignant de perdre définitivement leur financement américain.

Jason Gray, ancien administrateur par intérim de l’USAID, a justifié les récentes suspensions en expliquant que certaines actions au sein de l’agence allaient à l’encontre des directives de l’administration Trump. Plusieurs employés ont ainsi été placés en congé administratif en attendant des clarifications. Selon un ancien responsable de l’USAID, les personnes suspendues étaient notamment celles qui aidaient les ONG à naviguer dans les procédures pour obtenir des dérogations au gel de l’aide. D’autres employés auraient été ciblés pour leur implication dans des programmes liés à la diversité et à l’égalité, désormais interdits par l’administration Trump.

Mardi, l’USAID a également licencié de nombreux sous-traitants, réduisant de manière abrupte le personnel affecté aux projets humanitaires. Certains employés ont même été déconnectés en plein milieu de réunions en ligne, illustrant le chaos engendré par ces mesures.

Dans un premier temps, seuls l’aide militaire à Israël et à l’Égypte, ainsi que les programmes alimentaires d’urgence, étaient exemptés du gel. Cependant, mardi, Marco Rubio a annoncé que d’autres formes d’aide « vitales », comme les médicaments, la nourriture et les soins médicaux, seraient également autorisées.

Malgré ces annonces, le flou persiste. Des centaines de milliers de personnes dans le monde n’ont plus accès aux soins de santé et aux médicaments vitaux, tandis que certaines cliniques ne reçoivent plus les fournitures nécessaires. Le Département d’État affirme avoir approuvé plusieurs dérogations, mais de nombreuses demandes ont été rejetées ou restent en attente d’examen. Pendant ce temps, des milliards de dollars d’aide sont bloqués, et de nombreux programmes humanitaires sont suspendus, laissant des populations vulnérables sans assistance critique.

Face à cette situation d’urgence et à l’absence temporaire de l’USAID pendant trois mois, il est crucial pour l’État haïtien de réfléchir à renforcer et à diversifier ses partenariats internationaux. Cela pourrait inclure le développement de la coopération Sud-Sud comme alternative, ainsi que le rapprochement avec de nouveaux acteurs, notamment les pays membres des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Ces pays offrent des alternatives prometteuses en matière de coopération économique et de développement.

Cependant, un tel virage nécessitera une stratégie diplomatique claire et une volonté politique affirmée. Haïti devra évaluer soigneusement les opportunités et les défis liés à ces nouveaux partenariats, tout en veillant à préserver ses intérêts nationaux et à répondre aux besoins urgents de sa population.