L’organisation politique “Konbit” dénonce la visite d’Antony Blinken en Haïti et interpelle le peuple haïtien sur les responsabilités des États-Unis dans la crise actuelle et l’ingérence étrangère…

Antony Blinken, Secretaire d'Etat Americain...

PORT-AU-PRINCE, jeudi 5 septembre 2024-L’organisation “Konbit des Organisations Politiques, Syndicales et Populaires” a pris connaissance, tout comme le reste de la population haïtienne, de l’annonce de la visite du Secrétaire d’État américain Antony Blinken, prévue pour le 5 septembre 2024. Cependant, la véritable finalité de cette visite reste floue pour le peuple haïtien, qui n’a pas encore reçu de précisions concrètes à ce sujet. Dans ce contexte, le Konbit appelle à une réflexion collective et propose que le peuple haïtien se pose des « questions importantes qui pourraient permettre d’éclairer la situation et aider à mieux comprendre ce qui se cache derrière cette visite politique. »

Konbit souligne que plusieurs questions fondamentales doivent être soulevées, en particulier par les organisations engagées aux côtés des masses pour aider Haïti à retrouver sa souveraineté et améliorer les conditions de vie de la population. Ces questions sont d’autant plus essentielles face à la responsabilité qu’a eu et continue d’avoir les États-Unis dans l’évolution de la crise actuelle.

Tout d’abord, le Konbit rappelle « la responsabilité américaine dans la construction de la situation bouleversée » que vit Haïti aujourd’hui, marquée par les massacres, les enlèvements, les pillages et les incendies perpétrés par des gangs armés. Ces violences sont exacerbées par le fait que « les Américains n’ont pas encore cessé d’envoyer des armes et des munitions aux gangs », alerte l’organisation.

Ensuite, le communiqué soulève la responsabilité des États-Unis dans l’imposition du régime PHTK depuis 2011. Le Konbit critique « le système d’exploitation et de gangstérisation » mis en place sous ce régime, avec le soutien des États-Unis et de leurs alliés. Ils dénoncent également le rôle de Michel Martelly, figure du PHTK, que les autorités américaines considèrent aujourd’hui comme « un trafiquant de drogue et un blanchisseur d’argent », mais qui a pourtant été soutenu par les États-Unis dans sa montée au pouvoir. Martelly a alors entrepris une série de mesures ayant conduit à « la destruction des institutions du pays, l’expropriation des paysans pour installer des parcs industriels destinés à la production pour des firmes américaines, le tout pour des salaires de misère ».

Konbit rappelle également que « la question des armes venues des États-Unis » est cruciale. En effet, selon un rapport d’enquête de l’ONU sur la criminalité transnationale (UNODC), la prolifération des armes à feu venues d’Amérique alimente directement la violence des gangs en Haïti.

Autre point de tension : la décision du gouvernement haïtien, sous la direction d’Ariel Henry, et avec l’appui des États-Unis, de supprimer les subventions sur les carburants. « Cette décision a eu des répercussions dramatiques sur le coût du transport, le prix des produits de première nécessité et sur la vie des travailleurs d’usine, des petits paysans, des chauffeurs de moto et de voiture, » souligne le Konbit.

Face à cette situation, le communiqué du Konbit appelle les Haïtiens et Haïtiennes patriotes à « contribuer à la lutte pour la construction d’un État haïtien souverain », en démantelant le « système oppresseur lié à la gangstérisation. » Ils insistent sur l’importance pour les organisations progressistes de s’unir pour « empêcher les Américains de renouveler le régime PHTK et de continuer à exercer leur ingérence dans les affaires du pays. »

Konbit s’inquiète des nouvelles stratégies américaines, qui semblent aujourd’hui s’appuyer sur d’autres institutions comme la CARICOM et sur d’autres pays, tels que le Kenya, pour mettre en œuvre leurs politiques en Haïti. « La tactique américaine aujourd’hui est d’utiliser d’autres institutions comme la CARICOM et d’autres nations comme le Kenya pour appliquer sa politique dans le pays, » affirme le communiqué. Le Konbit ajoute que l’agenda de Blinken, qui comprend des rencontres avec des responsables de la police, des dirigeants kényans, ainsi que le Premier ministre haïtien et le ministre des Affaires étrangères, renforce l’impression que « la présence d’Antony Blinken en Haïti aujourd’hui ressemble à celle d’un chef qui vient passer ses troupes en revue et leur donner des consignes. »

Selon Konbit, cette visite peut être perçue comme celle « d’un chef débarquant dans sa colonie pour superviser les travaux qu’il a ordonnés. » L’organisation se demande alors si cette visite s’inscrit dans le cadre d’un « nouvel accord entre les États-Unis et Haïti », visant à mettre fin à une relation de type maître/esclave, qui existe depuis longtemps entre ces deux pays. Le Konbit pose également la question suivante : « Les dirigeants haïtiens auront-ils le courage de discuter en adultes avec Antony Blinken de la crise fabriquée que vit le peuple haïtien et de tirer les conclusions qui s’imposent dans l’intérêt du peuple haïtien ? »

Konbit exhorte le peuple haïtien à « rester vigilant et à poursuivre la lutte pour retrouver le droit à l’autodétermination du pays ». Ils estiment que tant que les grandes puissances impérialistes, avec les États-Unis en tête, continueront à prendre des décisions à la place du peuple haïtien, il ne sera pas possible de sortir de la crise actuelle. Le Konbit appelle donc à une mobilisation générale pour libérer Haïti de toute ingérence étrangère et construire « une Haïti souveraine où le bien-être est accessible à tous, comme l’avait exigé Papa Dessalines. »

Ils insistent sur la nécessité de forcer les grandes puissances à restituer à Haïti l’argent qui lui est dû, « qu’il s’agisse de l’argent pris par les Américains à la banque le 17 décembre 1914 ou de la rançon de l’indépendance. »