PORT-AU-PRINCE, jeudi 5 octobre 2023– La Fondation Je Klere (FJKL) note le caractère novateur de l’ordonnance du juge instructeur Jean Wilner Morin, rendue le 15 septembre dernier dans le cadre du scandale de corruption qui a éclaboussé plusieurs cadres de la Caisse d’Assistance Sociale (CAS).
Selon la FJKL, il s’agit ‘‘d’une première application positive de la loi portant déclaration du patrimoine et une interprétation évolutive du droit dans les cas de corruption à travers l’ordonnance du juge Morin.’’
La FJKL souligne que plusieurs aspects de corruption longtemps ignorés ont fait l’objet d’analyse et de chef de décisions par le juge.
L’organisation qui a analysé l’ordonnance du magistrat instructeur cite notamment ‘‘l’absence de déclaration de patrimoine, le délit d’initié, l’abus de fonction, l’enrichissement illicite, la poursuite des Hauts fonctionnaires de l’État sans l’entrave de l’immunité en matière de lutte contre la corruption, l’absence de contrainte par corps pour les Hauts fonctionnaires de l’État.’’
La Fondasyon Je Klere espère que la justice haïtienne va continuer à mettre à contribution les institutions comme l’Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF), le Bureau des Affaires Économiques et Financières (BAFE) et l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) aux fins de moraliser la vie publique, garantir la transparence des transactions financières.
Elle souhaite également que les motifs évoqués par le juge pour rendre son ordonnance trouvent un écho au niveau des juges des tribunaux supérieurs pour faire avancer la lutte contre la corruption en Haït.
Cependant, la FJKL déclare regretter les limites de cette ordonnance. ‘‘Quelques actes d’instruction supplémentaires auraient permis au peuple haïtien de voir plus clair dans cette affaire, selon la FJKL.
Les limites évoquées par la FJKL concernent notamment l’ex-mairesse de l’Arcahaie, Rosemila Petit-Frère citée à comparaitre plusieurs fois et qui n’a pas comparue ; ‘‘l’ordonnance est muette sur son cas qui pourtant a fait l’objet de débats dans le milieu. Le juge n’a pas indiqué s’il a décidé de passer outre de son audition et pourquoi’’, note la FJKL dans son analyse.
La FJKL fait état de l’absence d’informations sur les mouvements de fonds pour les inculpés pour la période incriminée. Le juge aurait pu s’adresser à l’UCREF de lui fournir un rapport sur chacun des inculpés ; Il aurait pu aussi produire la même demande aux institutions bancaires et financières. La traçabilité des fonds en matière de corruption est importante. Une analyse des comptes bancaires des inculpés sur les cinq dernières années pouvait constituer une bonne indication.
Elle souligne également d’informations sur les mouvements de titres de propriétés immobilières pour les inculpés au service de transcription de la Direction Générale des Impôts (DGI).
La Fondation Je Klere note que ‘‘le juge n’a pas raisonné sur l’application de la loi relative au délit d’initié. Plus que l’application du texte c’est sa motivation qui intéresserait le public et éventuellement les juges des niveaux supérieurs.’’
Dans le cadre de l’ordonnance rendue par Me Morin, plusieurs cadres de la CAS dont Pierre Richard Valès, Edwine Tonton, Yvrose Alcide et Hector Dominique Bernardin sont inculpés entre autres dans cette affaire.
Ils sont accusés de ‘‘détournement de biens publics, prise illégale d’intérêts, complicité de faux et usage de faux, complicité de détournement de biens publics, trafic d’influence et association de malfaiteurs au préjudice de l’État.’’
Le magistrat a estimé qu’il y a charges et indices suffisants et concordants pour renvoyer tous ces inculpés y compris le ministre des Affaires Sociales, Ricot Pierre Odney, par devant le tribunal criminel sans assistance de jury pour détournement de biens publics, prise illégale d’intérêt, et complicité de faux et usage de faux, enrichissement illicite.