NEW-YORK, jeudi 31 octobre 2024– Un rapport des Nations Unies met en garde contre la montée de la famine et de la faim catastrophique qui menace plusieurs régions du monde en 2025, principalement en raison des conflits persistants, des crises économiques, et des phénomènes climatiques exacerbés par La Niña. Haïti figure parmi les cinq points chauds mondiaux les plus critiques, aux côtés de Gaza, du Soudan, du Soudan du Sud et du Mali, avec des millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire extrême. Face à cette urgence, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM) appellent à des actions immédiates et à une aide accrue pour prévenir la famine, sauver des vies et éviter une catastrophe humanitaire imminente.
En Haïti, pays en proie à une violence armée intense et à des turbulences économiques depuis des années, la situation alimentaire se dégrade rapidement. Les violences perpétrées par des gangs armés, qui paralysent de nombreuses régions, compliquent l’approvisionnement en nourriture, tandis que la saison des ouragans ajoute une dimension climatique périlleuse. Entre août 2024 et février 2025, environ 2 millions de personnes, soit 18 % de la population, devraient être confrontées à une insécurité alimentaire aiguë (classée phase 4 de l’IPC), et 6 000 personnes pourraient se trouver en conditions de famine (phase 5). Le manque d’accès à une alimentation stable est dramatique, affectant principalement les enfants et les familles vulnérables.
Le rapport de la FAO et du PAM révèle que la violence généralisée empêche toute réponse humanitaire efficace. La crise économique persistante affaiblit la capacité des ménages à acheter des denrées de base, tandis que les infrastructures alimentaires, déjà fragiles, sont constamment exposées aux interruptions causées par les conflits et les catastrophes naturelles. Face à cette situation, les agences onusiennes appellent à une action internationale urgente pour financer et faciliter l’accès à la production alimentaire locale. Qu Dongyu, Directeur général de la FAO, souligne la nécessité d’instaurer un cessez-le-feu humanitaire et de restaurer la sécurité dans les zones critiques afin que l’aide alimentaire et médicale puisse atteindre ceux qui en ont le plus besoin.
Dans la bande de Gaza, les hostilités récentes, couplées à une situation économique dégradée, ont conduit à une explosion des niveaux de faim. Les familles, privées de toute stabilité, font face à un manque de nourriture jamais vu, et les perspectives pour les mois à venir sont alarmantes. Selon le rapport, près de 40 % de la population (soit environ 876 000 personnes) est en situation de crise alimentaire aiguë (phase 4) de novembre 2024 à avril 2025, tandis qu’environ 345 000 personnes pourraient atteindre un niveau de famine (phase 5). Le PAM et la FAO avertissent qu’un soutien humanitaire accru est indispensable pour éviter une crise humanitaire de grande ampleur.
Au Soudan, les déplacements massifs de population et la multiplication des camps de réfugiés, tels que celui de Zam Zam dans le nord du Darfour, ont conduit à une intensification de la faim et de la misère. Le rapport signale que des centaines de milliers de personnes déplacées dans ces camps sont confrontées à des conditions de famine alarmantes. Dans ce contexte, les conditions de vie sont précaires, et les agences onusiennes redoutent que la situation ne se détériore encore davantage si l’accès humanitaire reste limité.
La situation au Soudan du Sud se détériore à une vitesse inquiétante. Entre avril et juillet 2024, le nombre de personnes exposées à la faim et à des conditions critiques de survie a presque doublé par rapport à l’année précédente. Les conflits armés intenses, combinés aux impacts du changement climatique, ont dévasté les moyens de subsistance de millions de personnes. La faim, devenue une réalité quotidienne pour une grande partie de la population, pourrait s’aggraver encore si des mesures urgentes ne sont pas prises pour restaurer la paix et l’accès à l’aide humanitaire.
Au Mali, l’intensification du conflit depuis le retrait de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) fin 2023 a considérablement affecté la sécurité alimentaire. Les groupes armés non étatiques imposent des barrages routiers, entravant ainsi l’acheminement de l’aide humanitaire et empêchant les populations de se ravitailler. La faim aiguë touche plusieurs régions, notamment Ménaka, Mopti, Gao, Tombouctou et Kidal, où les communautés se trouvent coupées du reste du pays et dépendent entièrement de l’aide extérieure.
Dans les cinq pays les plus affectés, l’ONU appelle à une action humanitaire urgente pour éviter la famine. La FAO et le PAM soulignent que des interventions ciblées et des financements d’urgence sont indispensables pour sauver des vies et empêcher une aggravation de la crise. En tout, 22 pays et territoires, parmi lesquels figurent des régions du Liban, du Tchad, de la Syrie, du Myanmar, du Nigeria et du Mozambique, sont classés comme des « points chauds de la faim ». Ces pays risquent une détérioration rapide de la sécurité alimentaire, due à une combinaison de conflits, de déstabilisation économique et de chocs climatiques. Dans tous ces cas, la situation est critique et pourrait atteindre des proportions désastreuses si l’aide humanitaire et les ressources financières nécessaires ne sont pas mobilisées rapidement.
Le phénomène climatique La Niña, prévu de novembre 2024 à mars 2025, pourrait également amplifier la crise dans plusieurs régions. Si certains pays pourraient bénéficier de meilleures conditions agricoles, d’autres subiront les effets dévastateurs de La Niña, avec des inondations susceptibles de ravager le Nigeria et le Soudan du Sud, tandis que des sécheresses pourraient frapper la Somalie, le Kenya et l’Éthiopie. Ces conditions météorologiques extrêmes pourraient aggraver encore plus les situations alimentaires précaires et menacer la survie de millions de personnes.
Cindy McCain, directrice du PAM, a souligné la nécessité de « solutions diplomatiques pour résoudre les conflits » et d’une mobilisation accrue des ressources internationales pour contrer la famine. Elle a rappelé l’importance de permettre aux humanitaires de travailler en sécurité et a appelé les dirigeants mondiaux à utiliser leur influence pour ouvrir les voies de l’aide humanitaire. Les agences des Nations Unies insistent sur le fait qu’il est crucial d’accorder une priorité absolue à la résolution des conflits et à la stabilisation économique, ainsi qu’à l’adaptation au changement climatique.
La situation mondiale de la faim s’aggrave et pourrait toucher des centaines de milliers de personnes supplémentaires dans les mois à venir sans intervention rapide. Le PAM et la FAO exhortent les pays donateurs et les acteurs internationaux à répondre à cet appel à l’aide en finançant des programmes alimentaires, en soutenant les moyens de subsistance des communautés vulnérables et en garantissant la sécurité des travailleurs humanitaires sur le terrain. Le rapport conclut que la faim mondiale ne peut être stoppée qu’en renforçant la sécurité dans les zones de conflit, en soutenant les économies fragiles et en se préparant aux impacts des phénomènes climatiques comme La Niña, qui menace de fragiliser davantage les systèmes alimentaires déjà vulnérables.