NEW-YORK, vendredi 14 juin 2024– Les violations commises à l’encontre des enfants dans les conflits armés ont connu une augmentation « choquante » en 2023, déplore l’ONU. Le 26 mai, des frappes aériennes israéliennes ont touché un camp de personnes déplacées à Rafah, au sud de Gaza.
La violence contre les enfants pris dans les conflits armés a atteint des « niveaux extrêmes » l’année dernière, avec une augmentation « choquante » de 21 % des violations extrêmes, a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, dans un rapport publié jeudi.
Des enfants ont été tués et mutilés en nombre sans précédent dans des endroits tels qu’Israël et les territoires palestiniens occupés, notamment Gaza, le Burkina Faso, la République démocratique du Congo, le Soudan et l’Ukraine, révèle son rapport annuel sur les enfants et les conflits armés.
Cette augmentation alarmante est due à l’évolution de la nature, de la complexité et de l’intensification des conflits armés, ainsi qu’entre autres, l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées, les attaques délibérées contre des civils, le mépris total pour le droit humanitaire international, indique le rapport.
Les Nations Unies ont vérifié près de 33.000 violations graves touchant plus de 22.500 enfants, principalement des garçons, dans 26 situations à travers le monde.
Les meurtres et les mutilations sont les plus nombreux, avec 11.649 enfants touchés, soit une augmentation de 35 % par rapport au rapport de l’année dernière. Viennent ensuite le recrutement et l’utilisation de 8.655 enfants et l’enlèvement de 4.356 autres.
Les viols et les violences sexuelles à l’encontre des enfants et les attaques contre les écoles et hôpitaux ont également augmenté ou se sont maintenus à des niveaux « exceptionnellement élevés », avec 1.650 attaques vérifiées contre des écoles et hôpitaux et 1.470 cas de violences sexuelles liées au conflit contre des enfants, la plupart des filles, soit une augmentation de 25%.
Si plus de la moitié des violations ont été commises par des groupes armés non étatiques, y compris ceux désignés comme terroristes par les Nations Unies, tels que l’État islamique dans le Grand Sahara au Burkina Faso ou l’Alliance des forces de résistance congolaises en République démocratique du Congo, les forces gouvernementales ont été les principaux auteurs de meurtres et de blessures, d’attaques contre des écoles et des hôpitaux et de refus d’accès à l’aide humanitaire.
Le conflit en Israël et dans les territoires palestiniens occupés a entraîné une augmentation de 155 % des violations graves commises à l’encontre des enfants, selon le rapport.
« Je suis consterné par l’augmentation spectaculaire, l’ampleur et l’intensité sans précédent des violations graves contre les enfants dans la bande de Gaza, en Israël et en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est, malgré mes appels répétés aux parties pour qu’elles mettent en œuvre des mesures visant à mettre fin aux violations graves », a écrit M. Guterres.
Le rapport annuel contient une annexe sur les parties qui commettent des violations graves. Comme cela a déjà été largement rapporté, pour la première fois, les forces armées et de sécurité israéliennes ont été incluses pour avoir tué et blessé des enfants et attaqué des écoles et des hôpitaux.
Le Hamas et le Jihad islamique palestinien ont également été ajoutés à la liste pour la première fois pour avoir tué, blessé et enlevé des enfants.
Le rapport note que la guerre au Soudan a entraîné une augmentation « stupéfiante » de 480 % des violations graves.
L’armée soudanaise et ses rivales, les Forces de soutien rapide (FSR), s’affrontent depuis plus d’un an et figurent toutes deux sur la liste noire pour avoir tué et mutilé des enfants et attaqué des écoles et des hôpitaux.
Les Forces de soutien rapide ont également recruté et utilisé des enfants, en plus de commettre des viols et d’autres violences sexuelles à leur encontre.
Au-delà des points chauds évoqués plus régulièrement, tels que l’Ukraine, à Gaza, la Cisjordanie, Israël, la Représentante spéciale a signalé trois situations qui sont particulièrement inquiétantes pour l’année à suivre.
« D’abord et avant tout, le Soudan, en particulier le Darfour et le Tchad » a affirmé Mme Gamba, « parce que le conflit s’étend très rapidement ».
Deuxièmement, la défenseure des enfants s’est dite « très préoccupée » par la situation en République démocratique du Congo, notamment lorsque la mission des Nations Unies quittera le pays à la fin du mois de décembre.
« Que se passera-t-il ensuite pour les enfants ? Quand je perdrai mes yeux, mes mains sur le terrain ? Je ne sais pas… », a-t-elle lamenté, craignant que le niveau de surveillance soit bien en-dessous de celui qui a existé par le passé. « Et je crois qu’il y a des violences sexuelles massives en cours en RDC et cela va continuer, voire augmenter ».
Mme Gamba a également évoqué la situation en Haïti.
Si les parties en présence en Haïti n’ont pas été répertoriées « pour des raisons techniques liées aux dates du rapport », elles ont été identifiées et certaines d’entre elles sont vraiment mauvaises, a fustigé la Représentante onusienne.
« Je suis très préoccupée parce que ces violences semblent être endémiques et particulièrement systémiques » a-t-elle fait valoir citant « le viol de filles, l’enlèvement et le recrutement d’enfants ».
Virginia Gamba, la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, a déclaré que le rapport était « une sonnette d’alarme ».
« Nous laissons tomber les enfants », a-t-elle déclaré.
« J’appelle la communauté internationale à s’engager à nouveau en faveur du consensus universel visant à protéger les enfants des conflits armés et j’appelle les États à s’acquitter de leur responsabilité première de protéger leurs populations et à respecter toutes les normes et règles applicables à la conduite des situations de conflit armé ».
En dépit de la multiplication et l’escalade des crises décrites dans le rapport, plus de 10.600 enfants anciennement associés à des forces ou groupes armés ont bénéficié d’une protection ou d’une aide à la réintégration l’année dernière.
Aussi, malgré le fait qu’aucun parti n’ait été retiré de la liste cette année, les Nations Unies ont entamé ou maintenu un engagement avec les parties au conflit dans des pays tels que le Burkina Faso, le Cameroun, la Colombie, la République démocratique du Congo, l’Iraq, Israël et les territoires palestiniens occupés, le Mali, le Mozambique, le Nigeria, la Somalie, le Sud-Soudan, la Syrie, l’Ukraine et le Yémen.
Dans certains cas, cet engagement a conduit à l’adoption de mesures visant à mieux protéger les enfants.
La Représentante spéciale du Secrétaire général, Virginia Gamba, a renouvelé son appel à toutes les parties au conflit à s’engager avec elle et avec les Nations Unies sur le terrain, pour identifier et mettre en œuvre des mesures visant à protéger les enfants contre de graves violations.
« Aucun enfant ne devrait porter le fardeau d’un conflit armé », a-t-elle déclaré.